Cinq ans après son dernier long-métrage, Un Sac de Billes (2017), Christian Duguay est de retour ce mercredi 21 décembre afin de présenter Tempête. À l’occasion de la sortie du long-métrage porté par Mélanie Laurent et Pio Marmaï, L’Eclaireur a rencontré le réalisateur pour parler du film, mais aussi de ses références cinématographiques.
Adaptation du roman écrit par Chris Donner, Tempête raconte l’histoire de Zoé, passionnée de chevaux, qui a grandi dans le haras normand de ses parents. La jeune fille n’a qu’un seul rêve : devenir jockey, comme son père. Seulement, un soir d’orage, sa jument, Tempête, affolée, renverse Zoé, la rendant paraplégique. Ce malheur, la fillette va finalement en faire une force afin de renouer avec son destin. Avec cette histoire, Christian Duguay réalise un drame fort, bourré de résilience, porté par un duo de cinéma inédit, Pio Marmaï et Mélanie Laurent.
Le réalisateur québécois à qui l’on doit Jappeloup (2013) a également dirigé un trio d’actrices composé de June Benard, Charlie Paulet et Carmen Kassovitz afin qu’elles prêtent tour à tour leurs traits à Zoé. Tempête, c’est aussi un film sur l’univers des chevaux, leur élevage, les courses. Un projet multiple auquel le réalisateur tient tout particulièrement, et sur lequel il est revenu auprès de L’Éclaireur, dévoilant par la même occasion ses références de cinéphile.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter le roman au cinéma ?
Ce sont les producteurs Maxime Delauney et Romain Rousseau qui m’ont approché avec le livre de Chris Donner. Ils avaient vu dans Jappeloup que j’avais approché le rapport homme cheval avec beaucoup de sensibilité. En revanche, avec Tempête, je voulais faire quelque chose de différent. D‘abord, bien évidemment, sur le rapport au cheval, mais c’est aussi une manière de traiter de la résilience et du handicap. C’est d’ailleurs en voyant Hors Normes (2019) d’Olivier Nakache et Éric Tolédano, qui parle d’autisme, que j’ai eu l’idée de construire le personnage de Sébastien (Kacey Mottet Klein) et de parler d’équithérapie.
Il y a une forme de sensibilité avec ce personnage. J’ai voulu le mettre au centre comme vecteur pour vous amener au plus près de cette spiritualité entre l’homme et cheval. En partant de toutes ces observations, je me suis dit que j’avais une épine dorsale narrative. Tout cela m’a permis de construire un univers autour de la course, de l’élevage, du sport, des rêves, mais aussi des rêves brisés. Il y a une recette ici pour faire voyager les spectateurs dans un film populaire, profond, qui sort de l’ordinaire. Je suis fier de Tempête, car on a coché plusieurs cases.
La course aussi fonde une partie importante de l’histoire de Tempête.
Je dois avouer que je ne connaissais pas du tout ce monde. Je me suis donc informé, et c’est au contact de différentes personnes, notamment dans les haras en Normandie, que j’ai vu la façon dont le cheval est au centre de leur univers, comment le respect de l’animal est dans leur génétique. Pour les courses, comme on a tendance à les stigmatiser, je voulais montrer que les chevaux sont des athlètes, qu’on ne les pousse pas et qu’ils font tandem avec les coureurs. C’est finalement un lien particulier. Je voulais mettre en lumière l’amour pour cet animal, le lien organique entre l’homme et le cheval.
D’ailleurs, quels défis ont présenté les scènes de course ?
Pour moi, je dois avouer que j’ai l’habitude. Après 20 ans d’expérience, je savais comment poser ma caméra, puis les techniques sont de plus en plus avancées. J’ai utilisé le steadycam au milieu des chevaux. Il a fallu que je me familiarise avec un quad et un steadycam. Du moment où ils se sont habitués à ma présence, j’ai pu m’infiltrer dans les pelotons pour faire des plans saisissants. Après ça, on a le travail sonore, d’où l’intérêt de voir le film sur un grand écran. Il faut vivre cela dans la salle de cinéma, car il y a un côté immersif puissant. Il faut que les gens se déplacent, c’est trois ans de travail dans lequel je me suis investi !
C’est un film qui s’inscrit dans la continuité de votre filmographie dans le sens où il montre des personnages brisés. Pourquoi la résilience vous intéresse-t-elle autant ?
La résilience est un grand thème de ma filmographie, mais surtout de Tempête, car c’est aussi le reflet de mon parcours. Par ailleurs, on sort collectivement d’une période, avec la pandémie mondiale, durant laquelle on a souffert, et c’est à force de résilience que la Terre est en train de s’en sortir. Dans un sens aussi, on peut voir dans la Normandie une terre de résilience, car elle a fait face à des choses fortes, la Seconde Guerre mondiale, le Débarquement… C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles on a basé l’histoire dans cette région, hormis le fait que ce soit aussi la terre d’où viennent les plus grands trotteurs du monde.
Parlez-nous du casting : comment s’est-il passé ? Aviez-vous Mélanie Laurent et Pio Marmaï en tête au moment de l’écriture du film ?
Je n’avais pas précisément de casting en tête au début, notamment pour le couple, mais à force d’écrire et d’en parler, c’est devenu naturel de choisir Pio et Mélanie, car ils incarnent ensemble un côté terrien. Carmen Kassovitz, c’est parce son père, Mathieu Kassovitz, était d’abord pressenti pour le rôle. C’est donc comme ça que je l’ai rencontrée. C’est une très bonne actrice et une très bonne cavalière qui avait adoré Jappeloup. Je ne pouvais que la choisir.
En revanche, il fallait aussi que je trouve la fille qui allait jouer Zoé à l’âge de 12 ans, qui est la partie du rôle la plus complexe du film. Elle le porte sur ses épaules. C’était un casting exhaustif avec plus de 800 comédiennes. Finalement, on a choisi Charlie Paulet et à partir du moment où on l’a trouvée, on a pu transposer ce qu’il y avait chez Charlie dans Zoé : cette façon d’incarner la colère, de retenir ses larmes, cette force intérieure, mais en même temps cette manière d’en vouloir au monde entier… Je suis toujours en quête d’authenticité. Je cherche l’émulation chez mes acteurs.
En parlant de comédiens, quels ont été vos collaborations les plus marquantes dans votre carrière ?
J’ai été très chanceux. J’ai eu la chance de travailler avec des grands comédiens, comme Donald Sutherland avec qui j’ai fait sept films, ou encore Shirley MacLane. Je pense aussi à Guillaume Canet pour Jappeloup, mais aussi maintenant à Pio Marmaï et Mélanie Laurent. J’adore les acteurs, j’aime être à leur contact et vice versa, car je pense qu’ils voient ma passion. Ma passion de cinéma passe par cette transmission avec les acteurs.
Quels films vous ont donné envie de faire du cinéma ?
Des films qui m’ont tout de suite saisi, comme ceux des Italiens Visconti ou Fellini. Je pense aussi à Amadeus (1984). J’ai été saisi par son interprétation de Mozart, sa direction et la virtuosité de Milos Forman. Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) aussi, bien évidemment. Après ça, j’aime le cinéma de Martin Scorsese. Sa vision me parle et je pense à son œuvre quand on parle de cinéma et d’aventure. C’est d’ailleurs pour cela que j’aime faire des biopics, comme Human Trafficking (2005), Coco Chanel (2008) ou Anna Karénine (2013). J’aime parler des expériences de gens extraordinaires, car, encore une fois, je suis toujours en quête d’authenticité.
Quels sont les films qui vous ont marqué récemment au cinéma ?
Je dois forcément citer Hors Normes (2019). Ce film m’a touché en plein cœur. C’est de cette façon que j’ai pensé Tempête, sous l’angle du handicap. Nakache et Tolédano sont deux réalisateurs qui savent aller au plus près, c’est toujours juste, c’est toujours authentique et bien balancé. Après ça, il y a Le Mans 66 (2019) de James Mangold, qui est très bien fait. Ce sont deux personnages tellement bien incarnés par Christian Bale et Matt Damon, ils sont géants. C’est basé sur deux personnages, mais le film est attaché à l’humain, à la passion, à l’amitié, au respect. Ce sont des thèmes qui me parlent.