Décryptage

Fées du logis connectées : que faut-il penser des robots humanoïdes ?

21 novembre 2022
Par Alexandra Bellamy
Le robot humanoïde de Tesla, Optimus.
Le robot humanoïde de Tesla, Optimus. ©Tesla

La présentation des prototypes de robots humanoïdes Optimus de Tesla ont fait couler beaucoup d’encre. La presse et les experts n’y ont vu que des robots patauds peu convaincants. Le robot domestique du futur pourrait-il être un humanoïde ? Est-ce crédible ? Et l’accepterions-nous seulement ?

Dans l’imaginaire collectif, le robot est souvent pensé comme un humanoïde doté de facultés impressionnantes – force, agilité, intelligence… Les prototypes de robots adoptant des traits et caractéristiques plus ou moins proches de ceux de l’humain ne manquent pas. L’un des plus connus est sans doute Atlas de Boston Dynamics, mais la liste est longue, entre l’adorable petit Nao (initialement développé par Aldebaran), l’impressionnant Ameca d’Engineered Arts, qui a fait sensation lors du dernier CES de Las Vegas, ou encore CyberOne de Xiaomi.

Le robot Ameca de l’entreprise britannique Engineered Arts est capable de reproduire les émotions humaines et d’interagir avec un interlocuteur. Aussi bluffant que troublant…

De quoi sont capables ces robots ? 

Avec toute l’humilité dont Elon Musk est coutumier, le « boss » de Tesla parle entre autres de soulager l’humanité des tâches pénibles et de « transformer fondamentalement la civilisation »… Si, dans un premier temps, Optimus évoluera au sein des usines Tesla, en commençant par des tâches basiques, Elon Musk ambitionne de le produire à grande échelle pour moins de 20 000 dollars. Ce à quoi Optimus pourrait se destiner n’est pas bien clair puisque, dans les vidéos diffusées, on le voit tantôt porter des paquets, arroser des plantes ou manipuler des pièces en usine. De là à imaginer un robot capable d’interagir avec les humains et de tout faire dans un environnement domestique, il n’y a qu’un pas. Et le vieux fantasme de la femme de ménage robotisée qui assumerait toutes les corvées à la maison n’est pas si loin. 

Les démonstrations de tels robots peuvent parfois se montrer impressionnantes. On peut citer comme exemple le robot de Samsung, Handy, capable de remplir le lave-vaisselle, de servir un verre ou de mettre le linge sale dans la corbeille, ou Ameca, qui converse avec des visiteurs du salon à Las Vegas, ou encore Atlas (Boston Dynamics) qui court, saute, franchit des obstacles complexes sans sourciller… Mais ces robots font ce pour quoi ils ont été programmés. Pourraient-ils accomplir des tâches multiples dans une maison, par exemple ? 

Honda Asimo
Asimo, le robot mascotte de Honda aperçu aux quatre coins du monde, tire sa révérence. La technologie sera notamment exploitée par le fabricant dans les voitures autonomes. Le robot Pepper a connu le même sort, SoftBank Robotics ayant arrêté sa production en 2021.©Honda

Les robots en charge des tâches ménagères ?

Pourrait-on imaginer un robot qui s’acquitte de toutes les tâches ménagères ? Pour que cela arrive un jour, il faudrait d’abord qu’il soit capable de s’adapter à son environnement. À commencer par l’espace, l’ameublement, l’agencement des pièces… Nous pouvons faire un parallèle avec un marché que nous connaissons bien : celui des aspirateurs-robots. Ces derniers ont nécessité plusieurs décennies de recherche et développement pour être capables de réellement s’adapter à la diversité de nos intérieurs. Et même s’ils ont aujourd’hui atteint un niveau de maturité prometteur, étant capables de cartographier et de s’adapter à la majorité des situations, il leur arrive encore d’oublier de se faufiler à tel endroit, de s’accrocher dans un câble ou éventuellement de rester bloqués sur un obstacle.

« Faire rouler une voiture autonome sur une route balisée est plus simple que de faire évoluer un robot ménager dans un environnement privé à l’aménagement totalement aléatoire. »

Nicolas Spatola
Chercheur en Sciences Cognitives et Sociales à Artimon

Et pourtant, s’ils parviennent désormais à être plus polyvalents en aspirant et lavant, ils demeurent cantonnés à une mission : l’entretien des sols. Nous pouvons faire le même constat pour tous les robots destinés à nous soulager des tâches domestiques, par exemple les robots laveurs de vitres, nettoyeurs de piscine, tondeurs de pelouse…

Si on espère confier plusieurs missions au même robot pour qu’il nous libère de tout le ménage, par exemple, les défis techniques se multiplient. Car, en plus de l’environnement, il doit aussi s’adapter aux objets manipulés. Si nous prenons à nouveau l’exemple du robot Handy, il devrait être capable de manipuler des verres ou des assiettes de formes variées, des matières différentes, de jeter le linge dans des panières qui n’ont pas la même forme selon les logements, de ranger les objets dans des placards installés à diverses hauteurs, dans des habitations dont la configuration est très variable. Or, c’est sans doute l’un des défis les plus complexes à relever, comme l’a expliqué Nicolas Spatola, chercheur en sciences cognitives et sociales à Artimon, à L’Éclaireur : « Pour un robot, s’adapter est quelque chose d’extrêmement compliqué. Faire rouler une voiture autonome sur une route au balisage standardisé est plus simple que de faire évoluer un robot ménager dans un environnement privé à l’aménagement totalement aléatoire. » 

La pertinence de la forme

Imaginons désormais qu’un robot humanoïde se charge ne serait-ce que de l’une de ces missions, par exemple aspirer puis laver le sol. Il devrait être capable de se déplacer dans un logement, de saisir et utiliser l’aspirateur de la maison, éventuellement de déplacer des objets pour passer l’aspirateur partout, comme nous le faisons – objets qui ne sont d’ailleurs pas toujours exactement au même emplacement, comme les chaises.

Autre défi concret : être capable de « se baisser » pour nettoyer sous un canapé… Sans parler des opérations suivantes consistant à éventuellement laver les sols.

ECOVACS Product Portfolio
Bien qu’il développe des robots humanoïdes en Chine, ça n’est pas la forme qu’a choisie Ecovacs pour ses robots domestiques (aspirateurs, tondeuse, nettoyeur de vitres ou purificateurs d’air).©Ecovacs

Dyson, qui a annoncé investir dans la robotique avec l’ambition de développer un robot destiné à accomplir les tâches ménagères, a dévoilé une partie de ses projets. Les robots qui pourraient être en mesure d’attraper des objets, de les ranger, de dépoussiérer un canapé… n’adoptent visiblement pas la forme d’humanoïdes mais de bras robotisés bardés de capteurs. De tous les robots domestiques voués à nous soulager dans notre quotidien, aucun n’opte pour cette forme. On peut se demander si elle serait réellement la plus pertinente et si le défi technique en vaut la chandelle. D’ailleurs, les nombreux robots déjà utilisés dans des domaines industriels ou médicaux sont rarement multitâche et, à notre connaissance, aucun ne ressemble à un humanoïde. 

Et c’est sans évoquer les questions éthiques et philosophiques sous-jacentes qu’on ne peut balayer d’un revers de la main. À savoir : serions-nous prêts à accepter de vivre avec un robot qui « nous ressemble », qui soit capable d’apprendre, éventuellement de converser avec nous, voire de nous tenir compagnie ?

Dyson travaux robotique
Dyson a dévoilé seulement quelques-unes de ses avancées dans le domaine de la robotique. Le fabricant cherche à recruter 700 personnes au cours des cinq prochaines années. ©Dyson

Une fée du logis robotisée, à quel prix ?

Au-delà du défi technologique, si jamais un tel robot capable de tout gérer à la maison – depuis la préparation de la cuisine jusqu’au ménage – voyait le jour, on peine à imaginer quel pourrait être son prix. Rappelons que Tesla évoque un tarif de 20 000 dollars pour une production à grande échelle. 

Si nous revenons simplement au marché actuel des robots domestiques, les aspirateurs robots laveurs automatisés les plus évolués et intelligents sont vendus à plus de 1 000 euros – une somme déjà rondelette. Et même si l’évolution du marché montre un intérêt évident des consommateurs, leur présence dans les foyers demeure anecdotique. Seulement 5% des foyers français en sont équipés (étude Gifam menée avec Kantar, 2021). Quant aux robots de tonte, ils sont encore plus chers (le prix des plus élaborés dépassant les 2 000 €) et encore plus confidentiels.

Roborock S7 MaxV Ultra
Le Roborock S7 MaxV Ultra fait partie de ces aspirateurs robots automatisés particulièrement complets et intelligents. Il aspire, lave, s’auto-nettoie… Son prix : pas loin de 1 500 € !©Roborock

Le robot fée du logis multitâche, capable de nous dispenser de toutes les corvées du quotidien, est encore loin d’être une réalité et il est difficile de savoir s’il pourra le devenir un jour. Et encore plus d’imaginer quelle forme il pourrait avoir. Les évolutions de la recherche sont telles que l’on peut rêver à son développement dans les décennies à venir. Encore faudrait-il que l’on puisse se l’offrir et que l’on soit prêts à l’accepter dans nos foyers.

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Article rédigé par
Alexandra Bellamy
Alexandra Bellamy
Journaliste