Décryptage

Superman est-il vraiment super-ennuyeux ?

01 septembre 2022
Par Nella Chebbah
Superman est-il vraiment super-ennuyeux ?
©Gary Frank/DC Comics

Superman a beau être LE super-héros par excellence, son intérêt et ses qualités n’en sont pas moins discutés. Si bien qu’aujourd’hui, il est souvent décrit comme étant tout sauf intéressant. Le super-héros est-il vraiment barbant ou tout simplement incompris ?

Difficile de parler des super-héros les plus connus au monde sans mentionner le nom de Superman et son fameux logo en forme de S rouge sur fond jaune. Encore aujourd’hui, il est considéré comme l’un des premiers super-héros à être apparu dans les pages des comic books et reste une icône majeure de la pop culture, au même titre que ses comparses Batman et Wonder Woman. Pour autant, son indéniable et pérenne popularité ne l’empêche pas d’avoir des détracteurs. Trop parfait, trop lisse, trop puissant, trop invulnérable, impossible de s’identifier à lui… Certains reproches à son égard se concluent le plus souvent avec la même observation : Superman est un personnage ennuyeux.

Superman, parfaitement imparfait

Quand on pense aux super-pouvoirs de Superman, deux viennent immédiatement en tête : sa capacité à voler et son invulnérabilité. Cette dernière colle à la peau du personnage, au point de devenir l’une de ses caractéristiques premières aux yeux du grand public. Pourtant, ce cher Kal-El est loin d’être véritablement invulnérable. Certes, il résiste aux balles, à la chaleur du soleil et il est capable de voyager dans l’espace sans combinaison. Mais il a aussi de nombreuses faiblesses et on ne parle pas seulement de la célèbre kryptonite. Il est également sensible aux manipulations mentales, à la magie, les illusions peuvent lui faire perdre la tête et certains de ses ennemis n’ont pas eu à se donner beaucoup de peine pour lui subtiliser ses pouvoirs.

De plus, si notre soleil jaune le rend fort, un soleil rouge à l’effet complètement inverse le prive d’énergie. L’une des preuves les plus parlantes de la vulnérabilité de Superman n’en reste pas moins une saga qui a marqué à jamais son histoire dans les comic books, son décès en 1992 dans La Mort de Superman. Exténué après un combat des plus acharné contre Doomsday, le héros est tout simplement mort d’épuisement. Son retour a pu être assuré grâce à la technologie kryptonienne présente dans sa Forteresse de solitude. Sur le plan physique, Superman est donc un adversaire redoutable, mais pas nécessairement imbattable. Mettez-le face à un ennemi à sa hauteur et le challenge sera au rendez-vous.

S’arrêter à ses faiblesses physiques serait cependant très réducteur. Toute la complexité de son personnage est avant tout d’ordre émotionnel, et réside en cette tempête interne qui l’habite sans cesse. Il ne faut pas oublier que Superman est un réfugié ayant échappé de justesse à la destruction de sa planète d’origine. Il est ainsi partagé entre sa loyauté envers la Terre, qui l’a (plus ou moins) adopté et ses racines kryptoniennes.

Cette dualité a été particulièrement difficile à appréhender pendant ses jeunes années à Smallville, ville dans laquelle il a grandi, au cours desquelles il a dû apprendre à cultiver son côté humain. Pas simple en effet de devoir cacher au reste du monde l’étendue de ses pouvoirs, lorsque l’on est seulement un adolescent qui découvre peu à peu la vie. Des pouvoirs qui sont pour lui autant un don qu’une malédiction. Superman vit constamment avec l’idée que, quoi qu’il fasse, il ne pourra jamais sauver tout le monde. Une pensée parfois difficile à accepter pour le héros qui a l’impression de laisser tomber ceux qui comptent sur lui et peut le pousser à devenir davantage têtu et obstiné.

©The CW Television Network

Plus récemment, les comics et la télévision ont exploré des thèmes bien plus terre à terre. Les comics Superman Rebirth et la série Superman & Lois voient Clark Kent être confronté à la paternité, une nouvelle mission qui n’est pas toujours évidente pour le super-héros. Eh oui. Même Superman n’a pas la recette magique pour être un père parfait et lui aussi a du mal à concilier vie de famille et vie professionnelle.

Superman ou la personnification de l’envie de bien faire

Cette image de Superman en colosse d’invincibilité, encore bien ancrée dans l’imaginaire collectif, omet néanmoins un aspect très important du personnage : Clark Kent. L’importance de l’alter ego du kryptonien a été très bien résumée par Christopher Reeve, l’emblématique interprète de Superman au cinéma, lors d’une interview donnée en 1979. Il décrit : « Vous pouvez être une bonne personne sans être ennuyeux, sans être bon au point d’en donner la nausée. Parfois, on est maladroit et rien ne va, et puis d’autres fois on se relève et on fait plus que ce que l’on imaginait. […] Il y a un Clark Kent en chacun de nous. Une personne qui ne sait pas toujours quoi faire, qui a envie d’aider sans savoir comment, mais aussi une personne capable de bien plus que ce que l’on attend d’elle. »

De fait, si l’on s’intéresse à l’alter ego de l’Homme d’acier, on est face à une personne qui a grandi à la campagne, adore sa mère et a décidé de partir vivre dans une grande ville afin d’aider les autres, non pas parce que c’est ce qu’il devait faire, mais simplement parce qu’il pouvait le faire. Il n’est pas parfait, il fait des erreurs, n’est pas toujours la meilleure version de lui-même, mais il possède assez de résilience pour toujours aller de l’avant. D’une certaine façon, Clark Kent représente la partie humaine du personnage à laquelle le public peut s’identifier. Ces points sont d’ailleurs très bien représentés dans le roman graphique Superman : les origines de Mark Waid et Leinil F. Yu, qui explore les débuts du super-héros.

Superman, le reflet de notre cynisme ?

Loin d’être un personnage ennuyeux, Superman possède bien plus de profondeur et de complexité que l’on pourrait le penser au premier abord. Il est peut-être capable de soulever une fusée à mains nues, mais il n’est pas pour autant invulnérable aux questionnements et aux problèmes du quotidien. Pour le découvrir, il suffit de creuser un peu plus et de dépasser cette image de super-héros plus parfait que la perfection. Cependant, à une époque où les antihéros ont particulièrement la cote, il n’est pas étonnant qu’il soit perçu comme plutôt barbant.

Notre cynisme nous pousse souvent à remettre en cause la gentillesse et l’altruisme, perçus comme trop étonnants pour être vrais et complètement désintéressés. L’idée que Superman puisse se retourner contre la Terre et ses habitants a par ailleurs déjà été explorée.

On la retrouve par exemple dans l’histoire du jeu vidéo Injustice, également adaptée en comics. Ici, Clark Kent franchit le point de non-retour en tuant le Joker après que ce dernier a provoqué la mort de Lois Lane et la destruction de Metropolis. Le héros devient alors le méchant de l’histoire, et exerce un contrôle dictatorial sur les autres super-héros et le monde. Un sujet que l’on retrouve également dans la série Superman & Lois, ainsi que dans le film Batman v Superman, deux œuvres qui montrent une version violente et cruelle de Kal-El.

Il est clair que la bonté sans faille du super-héros fascine. C’est peut-être finalement ce qui donne envie à certains de rejeter Superman : le fait qu’il soit difficile de croire qu’un alien capable de mettre le monde à ses pieds en un coup de rayon laser choisisse, au contraire, de le sauver dès qu’il en a l’occasion.

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