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Cashless : faut-il en finir avec l’argent liquide ?

05 juillet 2022
Par Marion Piasecki
Sans contact, par téléphone ou même avec sa montre, les moyens de paiement se multiplient.
Sans contact, par téléphone ou même avec sa montre, les moyens de paiement se multiplient. ©Absent Vector/Shutterstock

Les festivals de musique se tournent de plus en plus vers le « cashless », le paiement sans contact par cartes ou bracelets rechargeables. Une preuve de plus du désamour français pour le paiement en espèces. La disparition de l’argent liquide est-elle pour bientôt et, surtout, est-elle souhaitable ?

Comme la bise, l’utilisation de l’argent liquide sera-t-elle une habitude perdue à cause du Covid-19 ? Si certains pays d’Europe du Nord comme la Suède et la Norvège pensent à la fin de l’argent liquide depuis le milieu des années 2010, la France reste attachée aux billets et aux pièces, tout en augmentant sans cesse sa part de paiements par carte bancaire. Pour ou contre une société sans argent liquide ? Comment les moyens de paiement influencent-ils notre perception de l’argent ?

Toujours plus de moyens de passer à la caisse

Il y a encore quelques années, choisir son moyen de paiement était simple : espèces, carte bancaire ou chèque. Aujourd’hui, avec l’évolution des technologies, il est également possible de payer avec son téléphone, sa montre ou encore sa bague connectée. Le but étant de créer une expérience de paiement la plus fluide possible, la biométrie compte aussi faire son entrée sur ce marché en permettant de payer grâce à ses empreintes digitales ou même son sourire avec la reconnaissance faciale.

Ces moyens de paiement plus modernes ne sont cependant pas plébiscités par les Français. Une étude de Panorabanques et Poll&Roll publiée en juin 2022 montre que seulement un Français sur cinq paie avec son téléphone et 69 % ne souhaitent pas l’utiliser. Les montres et bagues connectées étant moins répandues, leur utilisation pour régler des achats est d’autant plus marginale. Ces usages pourraient néanmoins évoluer avec les générations : 26 % des 18-34 ans paient avec leur téléphone, contre 15% des 66 ans et plus.

Plus pratique, plus sécurisé…

La possibilité d’une société sans argent liquide existe parce que les autres moyens ont de nombreux avantages. Le paiement sans contact a par exemple été généralisé avec la pandémie parce qu’il est plus hygiénique, mais les consommateurs l’adoptent aussi parce que c’est plus rapide et pratique.

L’argument de la sécurité est aussi souvent mis en avant, que ce soit pour les consommateurs ou les commerçants, avec la possibilité pour les premiers de faire opposition si leur carte est volée et pour les seconds d’engranger une grande quantité d’argent sans avoir peur de se faire braquer leur caisse. Selon les partisans de la fin de l’argent liquide, celle-ci ne limiterait pas que les vols, mais aussi le travail au noir, la fraude fiscale et les trafics en tous genres.

… mais à quel prix ?

Et pour cause, toutes les transactions faites par carte bancaire sont traçables. Aujourd’hui, seuls l’argent liquide et les cryptomonnaies permettent d’échapper à cette forme de surveillance. La protection de la vie privée est donc le principal argument des défenseurs de l’argent liquide. La question de l’anonymat des transactions est considérée comme fondamentale, que ce soit pour les cryptomonnaies ou pour le projet d’euro numérique : comment protéger la vie privée des consommateurs lambda tout en luttant contre la criminalité ?

Un autre inconvénient de la fin du paiement en espèces est la modification de notre perception de l’argent. Lors d’une étude réalisée en 2008, Priya Raghubir et Joydeep Srivastava ont démontré que l’on a tendance à dépenser plus d’argent par carte bancaire qu’en espèces. L’argent étant moins visible, presque considéré comme fictif, il y a moins de résistance à l’achat, donc les dépenses sont plus élevées. L’utilisation de la carte bancaire encourageant les achats compulsifs, elle crée même des différences dans les chariots de courses : selon une étude publiée en 2011, les consommateurs qui paient leurs courses par carte sont plus susceptibles d’acheter de la malbouffe.

Le problème, c’est que ces inconvénients n’en sont que pour les consommateurs. Les entreprises créant les cartes et bracelets cashless pour les festivals mettent précisément ces arguments sur le devant de la scène pour convaincre. Tracer les achats des festivaliers permet d’obtenir des données pour le marketing et pousser à la consommation est bien sûr un objectif pour les organisateurs. Enfin, s’il est possible de se faire rembourser l’argent restant sur les cartes et bracelets à la fin d’un festival, peu de personnes iront faire la démarche pour récupérer un ou deux euros. Et pour les événements comptant plusieurs dizaines de milliers de personnes, c’est une manne dont les organisateurs n’auraient pas disposé avec le paiement en espèces.

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Marion Piasecki
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Journaliste
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