En résumé
Aussi punitif que gratifiant, Sekiro récompense le joueur à la hauteur de sa persévérance avec la garantie de lui octroyer une marge de progression significative à chaque fois qu’il trouve la force de se relever. Un combat contre soi-même qui peut légitimement décourager mais qui incite surtout à se surpasser pour prolonger autant que possible cette virée implacable dans le folklore ninja.
Note technique
Les plus et les moins
- Le « terreau » Tenchu aussi palpable que l'influence des Souls
- Un vrai tuto et un partenaire d'entraînement pour assimiler les compétences
- Liberté et rapidité de mouvement en phase avec la logique shinobi
- L'accent réellement mis sur la verticalité et la furtivité
- Des combats de sabre aussi dynamiques et prenants qu'exigeants
- La diversité des outils de prothèse à trouver et à optimiser
- Des boss que l'on n'oubliera pas de sitôt
- Un voyage de longue haleine propice aux fins multiples
- Le choix du doublage (voix japonaises incluses)
- Des routines de progression intransigeantes qui peuvent rebuter
- 100 % solo, aucune aide possible de la part des autres joueurs
- Le comportement parfois décevant de l'I.A.
- Le manque de fiabilité du saut mural sur certaines surfaces
Notre test détaillé
Bien résolu à nous faire souffrir, le nouveau-né de From Software délaisse les ambiances de dark fantasy pour une virée sur les terres d’un Japon féodal inflexible. Aussi palpable que l’influence des Souls, le terreau de la saga Tenchu nourrit abondamment cette nouvelle production qui nous happe dans un ballet mortel dont on ne ressort pas indemne. Notre test de Sekiro: Shadows Die Twice.
Ce test a été réalisé sur PlayStation 4.
Avec comme leitmotiv la volonté de faire en sorte que chaque minute passée dans Sekiro soit une lutte permanente pour notre propre survie, le réalisateur Hidetaka Miyazaki a mis à profit l’expérience acquise sur Dark Souls et Bloodborne pour servir une expérience aussi intransigeante que gratifiante. Mais la nervosité inédite des affrontements et la polyvalence du shinobi que l’on incarne témoignent d’une approche plus souple que par le passé, car basée ici sur l’exploitation permanente de notre environnement. Doté assez rapidement d’un grappin et de mouvements furtifs qui gagnent en efficacité au fil du jeu, notre personnage n’est plus désespérément cloué au sol mais virevolte dans tous les sens avec la garantie de pouvoir disparaître à la vue de ses adversaires en cas de tragédie imminente. L’air de rien, la donne s’en trouve considérablement changée et les schémas d’approche démultipliés pour offrir toujours plusieurs solutions aux questions de vie ou de mort qui ne manqueront pas de se poser à chaque nouvelle avancée en territoire ennemi.
Une affaire de postures
De la même façon qu’un Kengo ou qu’un Bushido Blade ne concevaient pas la recréation d’affrontements à l’arme blanche sans y incorporer un risque de mort subite, Sekiro aiguise au maximum le tranchant de ses sabres pour réduire la durée des duels au strict minimum. Une seule erreur dans l’exécution d’un contre ou d’une esquive peut donc s’avérer fatale, mais la règle du jeu est valable pour les deux camps. Aussi vulnérable que létal, notre shinobi a toutes les cartes en mains pour devenir le fléau de ses adversaires, alternant égorgements furtifs et confrontations directes pour repeindre les décors de véritables mares de sang.
Aussi dynamiques qu’exigeants, les combats de sabre revisités par From Software passent par un système de posture pouvant déboucher sur une attaque mortelle en récompense des parades parfaites et autres tentatives de déstabilisation. En bloquant plusieurs fois au moment opportun, la posture de l’adversaire est brisée, ce qui crée une ouverture qui l’expose à une frappe létale. En fonction des styles de combats adoptés par les différents ennemis, le joueur doit ainsi apprendre à employer la bonne stratégie de bataille, soit en restant mobile pour enchaîner les pas d’esquive, soit en déviant la lame de l’adversaire pour placer des contre-taillades qui ne lui laisseront aucun répit. Chaque altercation implique une lecture millimétrée du timing et une concentration à toute épreuve, la moindre erreur dans la gestuelle étant lourdement sanctionnée.
Au-delà des bases que l’on vient d’énoncer, le système de combat de Sekiro trouve sa force dans les subtilités qu’il dévoile à mesure que de nouvelles techniques se débloquent. Toujours prompt à récompenser la prise de risque maximale, le jeu nous pousse parfois à nous exposer volontairement aux attaques les plus risquées de l’adversaire pour les retourner contre lui, en guettant par exemple l’estoc foudroyant d’un lancier pour placer un contre Mikiri qui brisera sa posture dans une chorégraphie de folie. Ailleurs, c’est le grappin qui viendra nous aider à compenser l’inégalité d’un duel entre David et Goliath pour jouer les moustiques face à un cavalier un peu trop sûr de lui. Plus furtif qu’une ombre, le shinobi dispose d’un éventail de talents sournois ouvrant la porte à de nouvelles perspectives ludiques qui atténuent l’amertume tenace de la défaite.
Lone Wolf & Cub
En tirant un trait sur l’éditeur de personnage, le titre fait le choix d’attribuer à tout le monde les mêmes chances au départ, l’évolution des compétences du héros se faisant a posteriori via le déblocage des arbres de talents dont certains sont cachés. C’est alors seulement que l’on peut s’orienter vers une personnalisation de notre style de jeu selon que l’on souhaite privilégier la furtivité, les techniques de combat ou la survie, même si toutes ces capacités restent complémentaires. Doté d’un katana et d’un bras artificiel pouvant accueillir différents outils de prothèse éparpillés dans le monde du jeu, « le Loup » joue les homme-orchestre en libérant flammes, pétards ou shurikens tout autour de lui pour mieux désorienter ses cibles. À terme, des améliorations peuvent même être opérées sur l’ensemble de ces outils, gage d’un renouvellement appréciable dans les techniques d’approche autorisées.
Il faut dire que la verticalité prononcée du level design se prête on ne peut mieux à la mise en place de stratégies sournoises passant par le repérage des points d’ancrage pour le grappin, l’espionnage, les mises à mort furtives ou les disparitions éclair par la voie des airs. Caractérisée par une liberté de mouvement et une rapidité de déplacement totalement en phase avec la logique shinobi, l’expérience est en adéquation avec la configuration des environnements qui offrent toujours différentes voies pour atteindre nos objectifs. En l’absence de carte des lieux, l’exploration se fait en immersion totale et comporte le risque évident de se perdre autant que de tomber sur des secrets pouvant optimiser considérablement nos chances de survie.
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort
Reste cette dure loi de l’apprentissage par l’échec qui pousse à se surpasser soi-même à force de persévérance, sans rien pour atténuer une difficulté souvent impitoyable. Car la mort entraîne la perte non négociable de la moitié de l’expérience et des gains acquis sans aucune possibilité de les récupérer. La seule concession passe alors par une possibilité de résurrection à double tranchant, synonyme de seconde chance que l’on emploiera le plus souvent à fuir pour préserver ce qui peut encore l’être. Renaître, c’est aussi garder à l’esprit que les morts accumulées propageront inexorablement une peste dont les conséquences ne sont heureusement pas irrémédiables. Mais en nous laissant nous-même choisir délibérément la mort plutôt que la résurrection, le jeu ne cherche-t-il pas d’une certaine façon à nous aider à dédramatiser l’échec ? Après tout, il y a toujours suffisamment de secrets à découvrir ailleurs et de défis à relever pour remettre à plus tard les duels les plus décourageants, la profusion de gardiens de plus ou moins grande envergure étant aussi là pour nous octroyer les récompenses qui feront évoluer sensiblement notre personnage.
S’il fascine autant qu’il effraie, Sekiro ne livre évidemment pas une copie irréprochable. Il souffre par exemple d’incohérences dans le comportement parfois décevant de l’intelligence artificielle avec des cibles que l’on ne peut jamais enchaîner furtivement sans donner l’alerte ou qui, à l’inverse, nous perdent de vue un peu trop facilement. En termes d’exploration, il n’est pas toujours évident d’évaluer la bonne distance avec les points d’ancrage lorsqu’on est forcé de s’élancer dans le vide pour savoir s’il est possible de s’y accrocher ou non, mais c’est surtout le manque de fiabilité du saut mural qui dénote dans l’escalade de certaines surfaces. Rien de critique heureusement, les détracteurs de Sekiro risquant plutôt de pointer du doigt son intransigeance dans ses routines de progression et peut-être aussi l’abandon du système d’entraide des Souls. Les autres devront se préparer psychologiquement à un périple de longue haleine s’il veulent percer à jour ses différents dénouements !
Conclusion
Aussi punitif que gratifiant, Sekiro récompense le joueur à la hauteur de sa persévérance avec la garantie de lui octroyer une marge de progression significative à chaque fois qu’il trouve la force de se relever. Un combat contre soi-même qui peut légitimement décourager mais qui incite surtout à se surpasser pour prolonger autant que possible cette virée implacable dans le folklore ninja.