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Test de GRIS : Quatre heures au paradis

19 décembre 2018
Par Valérie Précigout (Romendil)
Test de GRIS : Quatre heures au paradis

En résumé

Si l’on peut évidemment pointer du doigt la brièveté du voyage sensoriel et émotionnel dans lequel il nous entraîne, GRIS est de ces jeux qui interpellent bien après le défilement des crédits. Propice aux interprétations multiples, le titre pousse à l’introspection sous des dehors on ne peut plus poétiques et, rien que pour cela, il mérite toute notre attention.

Note technique

Les plus et les moins

Les plus
  • Une expérience éthérée, pleine de sensibilité
  • Direction artistique unique et poétique
  • L'atmosphère sonore qui porte le jeu sur ses épaules
  • Le dialogue subtil entre l'acquisition des couleurs et des pouvoirs
  • Des moments magiques qui poussent à faire le jeu d'une traite
  • L'accès direct aux sous-chapitres, utile pour chercher les secrets
Les moins
  • Si singulier qu'on aimerait ne pas en voir le bout aussi rapidement

Notre test détaillé

En l’espace d’un seul jeu, l’équipe espagnole de Nomada Studio s’offre une place de choix sur la scène indépendante et relance le débat visant à élever le jeu vidéo au rang d’art. À la fois pudique et intimiste, GRIS est une expérience pleine de sensibilité à ne surtout pas rater.
(Ce test a été réalisé sur une Nintendo Switch.)

Évoquer une curiosité telle que GRIS sous l’angle de la critique relève déjà de la gageure, mais il va également nous falloir distiller les informations le concernant avec prudence si l’on ne veut pas mettre en péril le plaisir de la découverte. S’étalant sur une durée extrêmement réduite, l’expérience est de celles qui – à l’instar d’un Flower ou d’un Journey – nous invitent à nous laisser porter par le jeu sans que l’on sache vraiment en présence de quoi nous nous trouvons. Car GRIS fait fi des notions habituelles de concept, de genre ou de composantes purement ludiques pour nous entraîner aux frontières de l’émotion, ravissant nos sens avant de songer à nous divertir.

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Chercher sa voi(e/x)

Fruit de l’imagination créative de l’artiste Conrad Roset, la direction artistique pèse lourd dans la balance lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui nous pousse à accepter l’invitation de GRIS. Au même titre que l’atmosphère sonore bouleversante, les visuels singuliers sont indissociables de l’expérience, chaque tableau dégageant quelque chose de fort qui nous incite à immortaliser la scène par le biais d’une capture d’écran. Hors contexte, on prend cependant conscience que ces décors insolites revêtent un aspect géométrique aux composantes souvent très rectilignes pour un rendu qui pourra peut-être en rebuter certains. L’immersion est cependant telle que rien de tout cela ne heurte dans le cadre de ce voyage virtuel, et même lorsque l’éloignement de la caméra fait quasiment disparaître notre héroïne aux confins de ce que l’on peut distinguer nettement, l’effet reste saisissant.

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Car la force du voyage réside d’abord dans cette envie de comprendre quels maux torturent cette jeune femme qui désespère de faire entendre le son de sa voix, mais qui n’y parvient pas. Le fait de ne pouvoir faire aboutir le chant associé à un bouton bien défini de la manette rappelle immanquablement le fredonnement du jeune héros de Rime qui se trouvait esseulé dans un environnement particulièrement sinistre. Dès les premiers instants, GRIS met en avant une approche pleine de sensibilité visant à nous faire prendre part à une expérience émotionnelle captivante. De défis, il n’y en a guère, si ce n’est dans le cadre d’un second run en quête des fragments secrets éparpillés aux quatre coins du jeu. À ce titre, l’accès direct aux sous-chapitres une fois l’aventure terminée encourage efficacement l’optique d’un second voyage qui aura le mérite de consolider un petit peu la fragile durée de vie du jeu. Il faut dire que les rouages de GRIS s’enchaînent de manière si intuitive que quatre heures suffisent en moyenne pour atteindre son dénouement, et l’on peut difficilement s’empêcher de parcourir le titre d’une traite.

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L’Ara aux sept couleurs

Bien qu’il nous porte de manière quasi contemplative la plupart du temps, le titre sait aussi nous confronter à des questionnements plus pointus sous la forme d’énigmes dont l’objectif est de mettre en lumière l’utilité des pouvoirs hérités par l’héroïne au fil de la partie. Se changer en bloc ou faire pousser des fleurs feront partie des capacités indispensables à la progression se déroulant dans des environnements tantôt arides, tantôt exposés au vent, tantôt sous-marins. Le renouvellement des décors s’appuie en réalité sur l’obtention de nouvelles couleurs qui, à l’instar des capacités, viennent s’ajouter les unes aux autres pour nous faire sortir de la monochromie de l’introduction. Bien que tout arrive naturellement, la combinaison des routines de plate-forme et de réflexion contribue à nous interpeller à mesure que de nouvelles teintes et de nouveaux pouvoirs entrent en jeu.

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Conçu dans une optique contemplative dépouillée de toute forme de menace incarnée par l’omniprésence de dangers ou de pièges qui risquerait de mettre en péril la survie de l’héroïne, GRIS fait pourtant parfois entorse à cette règle en invitant quelques créatures de nature plus souvent hostile qu’amicale. Bien qu’elle n’occupe qu’une place extrêmement brève dans le déroulement du jeu, leur présence suffit à faire grimper la tension pour nous rappeler qu’il y a peut-être nécessité d’ouvrir l’œil au-delà des aléas de l’environnement. Par l’intermédiaire de l’inversion de la gravité ou de plates-formes d’eau ou de lumière, le périple gagne lui aussi en complexité à mesure que l’on approche de la fin, ne laissant jamais la moindre place à l’ennui.

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Seul face à ses démons

Reste la question du sens que l’on s’évertuera ou non à vouloir donner au jeu à l’issue de la partie, alors même que l’on devine la volonté des concepteurs de Nomada Studio de ne livrer aucun indice concret susceptible de nous orienter. Tout en symboliques et en métaphores, GRIS opte ainsi pour une interprétation libre soumise à la sensibilité de chacun, et ce choix pourra peut-être en frustrer certains. À la fois éthérée et pleine d’aspérité, l’expérience s’achève forcément trop vite alors que l’on aimerait, pour une fois, qu’elle s’éternise à l’excès. Il ne reste alors plus qu’à relancer le voyage pour partager à nouveau la souffrance de l’héroïne et tenter de se l’approprier.

Conclusion

Si l’on peut évidemment pointer du doigt la brièveté du voyage sensoriel et émotionnel dans lequel il nous entraîne, GRIS est de ces jeux qui interpellent bien après le défilement des crédits. Propice aux interprétations multiples, le titre pousse à l’introspection sous des dehors on ne peut plus poétiques et, rien que pour cela, il mérite toute notre attention.

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