En résumé
Si le premier Shaq Fu était un bon gros nanar inoffensif comme on ne pouvait en voir qu’à la fin du siècle dernier, sa suite, tout aussi ratée sur le plan ludique, s’avère nettement plus problématique. Il y avait de l’idée à jouer la carte de l’humour, à proposer un scénario vaguement politisé, mais son écriture ratée et teintée de racisme ordinaire le plombe totalement et achève d’en faire un jeu infréquentable.
Note technique
Les plus et les moins
- Le personnage de Shaq Fei Hung, attachant
- Des graphismes datés
- Des animations très basiques
- Aucune sensation d’impact
- Extrêmement répétitif
- Vendu beaucoup trop cher (entre 20 et 40 €)
- Une écriture ratée et teintée de racisme ordinaire
Notre test détaillé
En 2014, Big Deez Productions, un studio inconnu au bataillon, menait avec succès une campagne de financement participatif visant à donner une suite au tristement célèbre Shaq Fu. L’ambition affichée était claire : relancer la franchise et rompre avec cette « abomination », pour reprendre les termes employés, qu’était le jeu originel afin de donner naissance à un titre dont les développeurs et Shaquille O’Neal lui-même pourraient être fiers. Défi relevé ?
(Ce test a été effectué sur une Nintendo Switch.)
Si vous faites partie des joueurs à n’avoir jamais entendu le nom de Shaq Fu, sachez que vous ne manquez rien. Il s’agit en effet d’un jeu sorti en 1994 sur Super Nintendo et Mega Drive, qui tentait de s’extraire de la masse en mélangeant plusieurs des ingrédients en vogue à ce moment-là. Shaq Fu premier du nom prenait en effet la forme d’un jeu de combat (genre dont la popularité était au plus haut grâce au succès de Street Fighter II) et mettait en scène le nouveau prodige de la NBA, un certain Shaquille O’Neal. Comme le laissait supposer cette association hautement improbable, le résultat s’était révélé médiocre, dans la droite lignée des jeux à licences qui pullulaient à l’époque.
L’histoire aurait pu s’arrêter là et Shaq Fu serait resté à tout jamais ce petit jeu dont les initiés aiment se moquer avec tendresse. Sauf que voilà, pour une raison qui nous échappe, certains ont cru déceler dans cette affection une sorte de manque, de nostalgie. Résultat : vingt ans après les faits, un studio un brin opportuniste a réussi à convaincre le Shaq de prêter son image une seconde fois à un jeu afin de produire une suite que personne ne réclamait.
Des ambitions satiriques
Shaq Fu: A Legend Reborn, de son petit nom, raconte l’histoire de Shaquille Fei Hung. Cet orphelin chinois (si, si) pas tout à fait comme les autres menait une petite vie tranquille, multipliant les courses de pousse-pousse pour gagner sa vie et les entraînements pour parfaire sa maîtrise des arts martiaux, jusqu’au jour où la Terre est devenue la cible d’une invasion de démons. N’écoutant que son sens de la justice, notre héros va parcourir le monde pour leur faire face et tenter de ramener la paix.
D’entrée, Shaq Fu: A Legend Reborn donne le ton. Il se veut drôle et satirique, et n’hésite pas, pour arriver à ses fins, à faire référence assez explicitement à des personnalités actuelles. En effet, ici, les démons tentent d’abrutir les masses pour mieux les asservir, cachés derrière les traits d’un Donald Trump ou d’une Paris Hilton. Un peu comme le ferait un épisode de South Park, le jeu de Big Deez Productions essaye donc de faire une critique de la société occidentale moderne, en dénonçant ses travers et en fustigeant les célébrités qui nous servent de dirigeants ou d’idoles. Un parti-pris culotté qui déçoit malheureusement bien vite, la faute à une écriture basse du front et à un humour qui tombe souvent à plat.
L’œil et la poutre
À la limite, que le jeu ne se montre pas spécialement drôle n’est pas le problème. Ce qui l’est davantage, c’est sa capacité à entretenir toutes sortes de stéréotypes racistes à l’encontre des Asiatiques. Les développeurs se sont abaissés à faire de l’humour de seconde zone – celui-là même que l’on a pu reprocher ces dernières années à certains comédiens français de renom. Et le pire, c’est qu’ils l’ont fait en pleine conscience. La présence de ninjas (qui sont, rappelons-le, d’origine japonaise) dans le niveau se déroulant en Chine aurait pu passer pour une maladresse imputable à un manque de culture. Mais il suffit de se rendre dans l’encyclopédie du jeu pour se rendre compte que leur présence est tout sauf le fruit d’une erreur.
Shaq Fu: A Legend Reborn joue sciemment avec des clichés racistes, ce qui le rend d’autant plus navrant. Et ce ne sont pas ses tentatives de second degré (« qu’est-ce que fait un Chinatown en Chine ? ») ou de briser le quatrième mur (quand Shaq interpelle un développeur, notamment) qui allègeront l’atmosphère. Le niveau qu’il atteint est à ce point déplorable que le voir s’attaquer à Marine Le Pen dans un contenu additionnel a quelque chose d’assez ironique.
A côté de ses pompes
L’écriture ratée et insultante qui caractérise Shaq Fu: A Legend Reborn n’est malheureusement pas contrebalancée par des qualités ludiques satisfaisantes. Bien qu’il abandonne le genre du jeu de baston pour celui du beat’em all, ce second Shaq Fu s’avère aussi bancal que son aîné. Il y a bien des coups faibles et des super coups de pieds inspirés de Bayonetta à combiner. Il y a aussi la possibilité de réaliser une charge sur un ennemi ou une attaque de zone. Mais le tout manque furieusement de subtilité.
La gestion des collisions manque de précision, l’impact des coups est inexistant, et ce ne sont pas les deux transformations (en mecha ou en cactus) imposées par la progression qui amélioreront les sensations. Shaq Fu: A Legend Reborn est certes jouable et accessible, mais il s’avère fade dans la pratique, complètement sans relief. D’ailleurs, ses niveaux remplis d’ennemis jusqu’à la nausée se suivent et se ressemblent tellement que les deux à trois heures de jeu qu’il faut pour boucler l’aventure paraissent excessivement plus longues. Bref, ce titre a tout d’une farce et ce n’est pas sa réalisation digne d’un jeu mobile qui viendra nous contredire.
Conclusion
Si le premier Shaq Fu était un bon gros nanar inoffensif comme on ne pouvait en voir qu’à la fin du siècle dernier, sa suite, tout aussi ratée sur le plan ludique, s’avère nettement plus problématique. Il y avait de l’idée à jouer la carte de l’humour, à proposer un scénario vaguement politisé, mais son écriture ratée et teintée de racisme ordinaire le plombe totalement et achève d’en faire un jeu infréquentable.