En résumé
Desservi par une durée de vie que l’on est obligé de pointer du doigt tant on aurait souhaité voir la prestidigitation se prolonger à l’infini, Gorogoa est une expérience indubitablement enrichissante. Reposant sur un concept de manipulations qui n’a finalement rien de si révolutionnaire, le titre est pourtant un incroyable concentré de malice qui nous enseigne une autre façon d’interagir et de penser.
Note technique
Les plus et les moins
- L'avènement d'un puzzle game d'un genre nouveau
- Un titre visuellement très singulier
- Un concept à la fois intuitif, ingénieux et déstabilisant
- Le caractère hypnotique des énigmes et la singularité de leur résolution
- Si peu de temps pour le terminer...
- L'histoire très opaque qui semble finalement presque accessoire
Notre test détaillé
Responsable à lui-seul de tout le game design de Gorogoa, ne laissant la main que pour les éléments ayant trait aux aspects musicaux, Jason Roberts a conçu un véritable OVNI vidéoludique qui fera date sur le créneau du puzzle game.
(Ce test a été effectué sur une Nintendo Switch.)
Tout autant rempli de mystère que ce que son titre nous laisse présager, Gorogoa s’ouvre sur un embryon de scénario largement empreint de fantastique. Un enfant y compulse un ouvrage pour le moins mystique et se retrouve illico parachuté dans une quête aux allures surréalistes difficile à décrypter. Le joueur, quant à lui, oublie bien vite le sens, ou plutôt l’absence de sens, de ce qui se déroule sous ses yeux pour se focaliser sur le véritable cœur de Gorogoa : ses énigmes d’un genre nouveau.
Devenir magicien
Tout le génie de Gorogoa est de parvenir à nous montrer l’étendue des possibles qui s’ouvre à nous à partir d’un gameplay on ne peut plus basique. Dépourvu du moindre indice textuel, le titre nous réapprend à lire au travers de simples images qui ont la particularité de se combiner entre elles ou de se désolidariser au gré de nos manipulations. Réunies au sein d’une même case ou séparées dans des fenêtres bien distinctes, ces images vont nous raconter une histoire qu’il nous appartiendra de faire défiler en débloquant telle situation ou en faisant avancer le jeune garçon dans des décors morcelés. Afin d’y parvenir, il nous faut donc garder un œil très attentif sur les quatre vignettes à la fois dans l’espoir de comprendre de quelle manière les différentes scènes présentées peuvent se recouper à un instant ‘t’. En analysant les indices muets qui transparaissent au gré des images, on se retrouve à zoomer et à dézoomer sur l’écran, voire à juxtaposer des scènes pour tenter d’en repérer d’éventuels points communs. Ces derniers seront alors autant de passerelles susceptibles de faire avancer notre personnage vers le lieu d’une autre image.
Le champ des possibles
Toute l’originalité du concept de Gorogoa réside ainsi dans ces manipulations infinies grâce auxquelles on découvre comment combiner des pans d’un décor entier ou ouvrir une fenêtre sur une autre scène pour en détacher des morceaux. Dans les cas les plus retors, il convient même d’agir rapidement en déplaçant plusieurs images successivement à des instants précis afin de déclencher l’action souhaitée. Des exemples concrets suffiraient à rendre toutes ces explications nettement plus limpides, mais ils gâcheraient incontestablement les belles surprises que réserve le soft. Pour vous donner une idée un peu plus large de l’éventail des interactions permises dans Gorogoa, sachez tout de même que certains objets réagissent de manière spécifique selon leur positionnement au sein du cadran d’images, comme ces aiguilles qui s’orientent suivant une loi bien à elles. À l’inverse, d’autres ne pivotent qu’à la faveur d’un mécanisme que l’on décèle seulement en inspectant minutieusement les détails d’un décor, d’un livre ou d’une photographie.
Aussi bref qu’un bon livre d’images
Le plus fascinant dans le concept de Gorogoa est qu’il y a également un côté « poupées gigognes » dans la façon de superposer ou de désassembler ces images qui se révèlent toujours susceptibles de s’entremêler de la façon la plus inattendue. Il est vrai que l’on se sent parfois trimballé par ces puzzles étonnants dont on ne comprend bien souvent la finalité qu’à force d’errances et de tâtonnements. La logique est toujours là et pourtant elle nous échappe, jusqu’à ce que l’on perce à jour la ruse du concepteur de ces énigmes si peu habituelles. De fil en aiguille, toutes les étapes finissent par se combiner, nous donnant envie d’entrevoir le véritable sens de cet amalgame de puzzles mystérieux.
Mais y a-t-il bien un scénario tangible derrière le casse-tête géant que constitue Gorogoa ? Difficile de répondre tant l’histoire très opaque semble presque accessoire, débouchant sur une liberté d’interprétation totale susceptible d’interpeller une certaine frange de joueurs tout en laissant les autres dans l’expectative. Il est vrai que l’on attendait forcément davantage à ce niveau-là. Toutefois, le principal reproche que l’on émettra à l’encontre de Gorogoa concerne surtout son insolente durée de vie, réduite à deux ou trois heures tout au plus. Sur cette question-là, on pourrait croire que le fait de connaître le déroulement du jeu rende caduque toute velléité de rejouabilité. Pourtant, une fois le jeu terminé, on n’a qu’une envie : tout recommencer à zéro en remplaçant nos tâtonnements initiaux par l’assurance de savoir exactement ce que l’on fait.
Conclusion
Desservi par une durée de vie que l’on est obligé de pointer du doigt tant on aurait souhaité voir la prestidigitation se prolonger à l’infini, Gorogoa est une expérience indubitablement enrichissante. Reposant sur un concept de manipulations qui n’a finalement rien de si révolutionnaire, le titre est pourtant un incroyable concentré de malice qui nous enseigne une autre façon d’interagir et de penser.