En résumé
On aimerait pouvoir dire que RiME se hisse à la hauteur de ses ambitions, mais il trébuche trop souvent pour pouvoir prétendre marcher sur les traces de ses modèles, ICO en tête. Reste malgré tout le sentiment d’avoir joué à une œuvre touchante, sincère et poétique, dont on ne ressort pas complètement indemne. Dommage que le portage sur Switch n’ait pas bénéficié d’autant d’attentions que les autres versions du jeu.
Note technique
Les plus et les moins
- La D.A. qui dégage quelque chose d'à la fois enfantin et poétique
- La pureté de l'interface pour une immersion optimale
- La voix de l'enfant, ses murmures, ses chants, ses appels de détresse
- De belles énigmes, quand elles sont basées sur le son ou la lumière et non sur la plate-forme
- Une ambiance sonore qui enchante l'oreille de bout en bout
- La narration implicite avec ses moments magiques et sa révélation finale
- Un portage Switch décevant avec d'incessantes chutes de framerate en mode TV et un rendu complètement flou en mode portable
- Le manque de clarté de certains indices
- Des énigmes qui tournent un peu en rond
- Les phases de plate-forme trop approximatives
- La dernière zone, redondante et peu intéressante sur le plan ludique
- Relativement court malgré les bonus à dénicher en option
Notre test détaillé
Jusqu’à son lancement sur PC, PS4 et Xbox One, le 26 mai 2017, RiME est resté un mystère. De ceux qui vous font espérer une œuvre à la hauteur des plus grandes, venue de nulle part et pourtant capable de susciter les émotions les plus vives. Car avec ses visuels évoquant tantôt les océans stylisés de Zelda: The Wind Waker et son atmosphère poétique rappelant ICO, la pièce maîtresse de Fumito Ueda, RiME semblait porteur de mille et une promesses. Envoûtant malgré ses défauts, ce titre méritait bien une seconde chance de trouver son public, cette fois sur Switch, mais le portage est-il satisfaisant ?
Si elle est l’œuvre du studio espagnol Tequila Works, qui s’était fait remarquer pour son jeu de survie post-apocalyptique Deadlight, RiME, dans sa version Switch, devient le fait de l’équipe de Tantalus, à qui l’on doit le portage HD de Zelda: Twilight Princess sur Wii U. Disons-le tout de suite : malgré l’affection que nous avons pour le concept de RiME, ce n’est pas sur Switch que le titre trouve son meilleur moyen d’expression. Affichant des baisses de framerate encore plus fréquentes que dans l’original en mode TV ainsi qu’un rendu visuel abominablement flou lorsqu’on se risque à y jouer en mode portable, cette adaptation n’offre pas les meilleures conditions d’immersion dans l’univers mélancolique de RiME. On espère donc qu’une mise à jour viendra corriger ces énormes lacunes techniques.
Une narration implicite
L’histoire de RiME débute par un naufrage aux circonstances volontairement troubles pour mieux servir la force de l’histoire. Durant toute la durée du jeu, la narration se veut implicite, ne comportant aucun dialogue pour nous obliger à comprendre les choses à travers ce que l’on voit, ce que l’on entend. Mieux encore, RiME soulève des thèmes forts que l’on est loin de soupçonner au début, mais nous ne prendrons pas le risque de vous en gâcher la surprise ici.
Suite au naufrage de sa frêle embarcation, l’enfant que l’on incarne échoue sur une île déserte, dépourvue de toute trace de vie. Ce lieu mystique semble avoir abrité une lointaine civilisation disparue ayant érigé d’étranges mécanismes régis par les sons et la lumière de la lune. L’enfant étant totalement vulnérable, on comprend vite que c’est par la réflexion que l’on pourra progresser dans le jeu en résolvant toutes sortes d’énigmes insolites, celles-ci fonctionnant plutôt bien dès lors qu’elles ne reposent pas uniquement sur des notions de plate-forme. Il faut dire que le caractère imprécis des sauts et des collisions ne rend pas les ascensions grisantes, ni même plaisantes, ce qui n’est heureusement pas dramatique dans le sens où RiME reste avant tout un jeu d’aventure, de découverte et d’énigmes.
La puissance des sons
Ce qui saisit le plus lorsqu’on découvre RiME, c’est bien la fragilité du héros, cet enfant drapé de rouge qui gesticule comme un beau diable dans des environnements beaucoup trop grands pour lui. Ne pouvant rien faire d’autre qu’utiliser le son de sa voix pour crier, lançant des appels de détresse dans le vide, chantonnant ou murmurant selon le contexte, l’enfant émeut davantage par sa voix que par ses actes. Parce qu’on peut lire tout le spectre des émotions en lui, comme lorsqu’il n’ose plus parler en présence des fantômes ou qu’il s’extasie devant la majesté d’un couloir sylvestre, ce héros fragile fait inévitablement penser à celui d’ICO appelant Yorda pour établir un lien vocal rassurant. Mais ici, l’enfant de RiME ne semble avoir personne à qui tenir la main, évoluant en solitaire vers un but qui nous échappe. La plupart du temps, le bouton affecté à la voix du garçon n’est pas indispensable pour progresser, mais c’est le seul moyen de s’identifier à lui en découvrant son ressenti dans les lieux qu’il traverse.
L’importance du son dans RiME ne s’arrête d’ailleurs pas là, faisant partie intégrante de l’expérience de jeu à travers ses mélodies enchanteresses et ses bruits d’ambiance immersifs. On ne se contente plus d’entendre, on écoute… tantôt le souffle du vent mugissant, l’écoulement d’un ruisseau, le chant des mouettes, et surtout cette petite litanie que nous sommes libres de fredonner ou non avec le garçon. Et RiME d’ajouter encore une corde à son arc par l’entremise du renard qui joue le rôle de guide mystérieux, l’influence du Petit Prince de Saint-Exupéry n’était visiblement pas très loin.
Immersion, envoûtement, (dés)illusion ?
Si la bande-son est à souligner dans RiME, c’est évidemment le cas également de la direction artistique. Certes, la réalisation du jeu est loin de prétendre à l’exploit technique, surtout au regard des lacunes déjà évoquées sur cette version Switch. Les décors trahissent même un effet pâte à modeler avec leurs textures souvent grossières et leur manque de finition.
Alors pourquoi est-on à ce point saisi par la beauté poétique qui se dégage de RiME lorsque l’on joue ? Sans doute parce que la pureté de l’interface facilite cette immersion dans un ailleurs qui semble totalement irréel, comme rêvé, avec ses phares dressés bien trop haut et ses eaux qui s’étendent on ne sait jusqu’où. Rompant brutalement avec la fraîcheur des premiers environnements insulaires baignés de soleil, les couloirs sinistres de la seconde partie du jeu affichent une tonalité beaucoup plus sombre qui nous fait comprendre que l’aventure tiendra davantage du chemin de croix émotionnel que du conte de fées, malgré son rendu parfois cartoon.
Et c’est justement dans sa dernière ligne droite que le titre surprend le plus par ses révélations qui donnent envie de refaire le jeu avec la conscience de nouveaux enjeux, malgré une zone finale décevante. Après tout, la relative brièveté du titre (six heures environ) a été pensée pour être abordée à plusieurs reprises, les décors renfermant de nombreux bonus habilement dissimulés qui peuvent justifier un second run. Certes, il y a parfois de quoi être rebuté par les phases de plates-formes peu optimales et par le manque de clarté de certains indices, mais qui commence le périple RiME se doit de le terminer. Non seulement les enjeux diffèrent au fil de la partie, mais ses mécanismes de progression se renouvellent aussi lorsqu’on s’y attend le moins. Et puis le soft comporte surtout des moments magiques sur le plan émotionnel avec des métaphores sous-jacentes dont on ne cerne toute la portée qu’à la lumière d’une seconde partie. Alors oui, malgré ses faiblesses, on aime RiME pour son onirisme et sa capacité à nous transporter dans un ailleurs bien loin de la morosité de notre quotidien.
Conclusion
On aimerait pouvoir dire que RiME se hisse à la hauteur de ses ambitions, mais il trébuche trop souvent pour pouvoir prétendre marcher sur les traces de ses modèles, ICO en tête. Reste malgré tout le sentiment d’avoir joué à une œuvre touchante, sincère et poétique, dont on ne ressort pas complètement indemne. Dommage que le portage sur Switch n’ait pas bénéficié d’autant d’attentions que les autres versions du jeu.