En résumé
Traité avec justesse et sensibilité, le thème du deuil sert de point de départ à ce que l’on pourrait décrire comme une quête éperdue visant à enrayer l’engrenage tragique du destin. Réécrire le quotidien d’une poignée d’individus que rien ne semble lier pour tenter de sauver la vie d’une innocente victime, voilà le défi que nous lance Last Day of June comme un pied de nez à la fatalité.
Note technique
Les plus et les moins
- La délicatesse d'un scénario dramatique sans paroles
- Une direction artistique magique tout en peinture et papier mâché
- Les changements de points de vue qui s'entremêlent
- Les "rewind" à conséquences pour autant de destins différents
- Le concept des nœuds temporels de plus en plus captivant à mesure qu'on approche de la fin
- Une atmosphère sonore douce signée Steven Wilson, teintée de sursauts musicaux opportuns
- Le dernier « chapitre » et l'imprévisible dénouement
- La dimension contemplative et un peu trop dirigiste, surtout en début de partie
- La simplicité des énigmes et, à l'inverse, les temps morts quand on s'égare un peu
- Durée de vie très courte (4 à 5 heures) malgré la collecte des souvenirs cachés
Notre test détaillé
Expérience narrative osant aborder le thème douloureux de l’acceptation de la perte d’un être cher, Last Day of June fait partie de ces productions singulières sans réels équivalents. Au-delà du jeu, le titre se place comme vecteur d’un flux d’émotions qui demeurent même une fois l’aventure terminée.
Ce test a été effectué sur une PlayStation 4.
À la manière d’un Pixar ayant su toucher son auditoire dès les premières minutes du prologue du film Là-haut, Last Day of June met en scène la douleur du deuil à travers les yeux d’un certain Carl qui vient de perdre sa tendre épouse June dans un accident de la route. Quelques instants plus tôt, nous les apercevions tous deux tranquillement installés sur un ponton en bordure d’un lac, bercés par la tiédeur du soleil couchant. Brisés en une nuit, l’idylle et l’avenir du couple appartiennent désormais au passé, laissant derrière eux un homme rongé par le désespoir et dépossédé de l’usage de ses jambes. Mais si cette journée s’était déroulée autrement, n’aurait-il pas été possible de sauver la vie de June ?
Aimer, perdre, accepter
Last Day of June nous relate ainsi la quête illusoire de cet homme qui ne peut s’empêcher de croire qu’il aurait peut-être suffi qu’une toute petite chose soit altérée durant cette terrible journée pour que l’accident n’ait pas lieu. Mais peut-on réellement changer le cours du destin ? Liés par une fatalité funeste conduisant irrémédiablement à la mort de June, quatre membres d’un même petit village vont ainsi nous livrer, à travers les yeux de Carl, les heures qu’ils ont vécues juste avant le drame. Des moments en apparence anodins qu’il va nous falloir revivre inlassablement pour tout tenter dans l’espoir de contrecarrer le destin.
Afin d’enrayer la chaîne des événements fatidiques, le titre nous invite à modifier quelque chose dans le déroulement de la journée de chacun, en sachant que la moindre altération aura des répercussions directes sur le cours de l’histoire des autres personnages. Car arranger les faits du point de vue d’un individu modifie l’éventail des possibilités offertes dans la journée des autres personnes, conduisant, à terme, le drame à se répéter. De fil en aiguille, le joueur doit donc expérimenter toutes sortes de combinaisons différentes en rembobinant l’histoire de chacun pour la réécrire différemment jusqu’à ce que tout concorde vers une issue favorable à la survie de la jeune femme.
Pas de changement sans conséquences
Sur le plan du gameplay, le soft a le bon goût de ne pas nous obliger à réitérer à l’excès les mêmes séquences déjà résolues, les principales modifications étant conservées d’un rewind à l’autre. Et lorsqu’il convient de reproduire à nouveau une action passée, cela ne prend que quelques instants. Ainsi, sans le savoir ni même le vouloir, les uns ouvrent les portes aux autres, leur permettant d’élargir à chaque fois un peu plus leur éventail de possibilités d’actions.
Surtout, les multiples changements de points de vue qui s’entremêlent rendent l’expérience d’autant plus captivante que les différents protagonistes incarnés sont loin d’imaginer qu’ils ont un rôle à jouer dans la tragédie à venir. On y voit par exemple un gamin en quête d’un ami avec qui jouer au ballon, une femme contrainte de déménager un peu dans la précipitation, un chasseur qui se laisse embarquer dans une traque impromptue avec un oiseau voleur de médaille, ou encore un vieil homme animé par une intention bienveillante aux conséquences désastreuses.
Enchantement et onirisme
Outre son propos poignant, Last Day of June interpelle aussi par sa direction artistique enchanteresse évoquant les peintures aux accents impressionnistes, parfois proche de l’aquarelle et auréolée de jeux de lumière saisissants. Les scènes ressemblent à de véritables toiles et les protagonistes donnent l’impression d’être faits en papier mâché. Semblables à des poupées de chiffon sans yeux, ils n’en trahissent pas moins parfaitement tout le spectre des émotions, ne serait-ce qu’à travers la justesse de leurs attitudes. Ils ne parlent certes pas de manière intelligible, mais leur mutisme rejoint directement la pudeur de la bande-son (inspirée par le clip Drive Home de Steven Wilson et ses autres compositions) qui ne s’exprime qu’à travers des mélodies discrètes et de brefs sursauts musicaux dans les moments les plus importants.
Car plus on approche de la fin, plus la résolution du drame se complexifie et captive. Les nœuds temporels deviennent de plus en plus délicats à démêler à mesure que le nombre d’acteurs liés au drame augmente, le joueur recollant les fragments du puzzle narratif avec la crainte que le destin reste inchangé.
S’étalant sur une petite poignée d’heures, l’expérience se savoure un peu vite malgré la présence de quelques souvenirs cachés à dénicher et ne présente évidemment pas de rejouabilité digne de ce nom une fois l’enchaînement des faits déjà connu. Malgré tout, la force émotionnelle contenue dans Last Day of June et dans son final inoubliable suffit à en faire un titre qui marque et que l’on a envie de faire découvrir autour de soi.
Conclusion
Traité avec justesse et sensibilité, le thème du deuil sert de point de départ à ce que l’on pourrait décrire comme une quête éperdue visant à enrayer l’engrenage tragique du destin. Réécrire le quotidien d’une poignée d’individus que rien ne semble lier pour tenter de sauver la vie d’une innocente victime, voilà le défi que nous lance Last Day of June comme un pied de nez à la fatalité.