Le temps d’un bref séjour ou le long d’un trajet, le roman court nous immerge rapidement dans l’œuvre d’un auteur. Aussi appelés novellas, ces textes brefs nous apportent le bonheur de lire le temps d’un voyage. Dotés parfois d’une petite centaine de pages, ils nous donnent le moyen d’enfin terminer un livre et même de nous remettre le pied à l’étrier de la lecture. Avant les grands week-ends de mai, je vous propose une sélection aussi éclectique que subjective.
Fauteuils réservés et autres contes – Eugène Dabit (Folio 2€)
Nuit d’amour avec une prostituée, rencontre dans un théâtre de faubourg, ou voyage en train dans un compartiment de troisième classe, à travers cinq textes brefs, l’auteur de L’Hôtel du Nord, dépeint avec un lyrisme pudique quelques trajectoires d’hommes et de femmes du peuple. Eugène Dabit écrit d’une plume vive imprégnée de réalisme social. Dans Fauteuils réservés et autres contes, son style moderne enfante des personnages attachants habilement campés dans leur intimité. Toujours au bord du précipice de la mélancolie, écrasés par leur condition, ils sont sauvés de justesse par l’amour et l’espérance. Des scènes de vie populaire percutantes et universelles. Un auteur à découvrir absolument !
Gatsby le magnifique – Francis Scott Fitzgerald (Le livre de poche)
Dans sa somptueuse demeure de Long Island, Jay Gatsby organise de fastueuses réceptions où l’alcool et l’argent coulent à flots. Mais la fête continue peut-elle suffire à remplir une vie ? Sur un air de jazz et une coupe de champagne à la main, Francis Scott Fitzgerald met à nu le rêve américain et rend hommage au New-York des années folles. Gatsby le magnifique est une oeuvre qui se prête à toutes les mises en scène, notamment cinématographiques. Il est le livre de tous les absolus devenu un classique de littérature américaine.
Regarde les lumières, mon amour – Annie Ernaux (Folio)
Entre le journal intime et le récit de vie, Annie Ernaux nous entraîne à travers les coulisses de la grande distribution. Sous le prétexte de faire ses courses, l’écrivaine éclaire la réalité sociale d’un pays tout en explorant sa propre intimité. Pendant un an, elle a tenu le journal de ses visites à l’hypermarché Auchan du centre commercial des Trois-Fontaines situé en région parisienne. Avec ce relevé libre de sensations et d’observations, l’hypermarché, espace familier où tout le monde ou presque se côtoie, atteint la dignité de sujet littéraire, qu’il aurait dû toujours avoir. Comme si écrire sur le quotidien de tout à chacun n’était pas de la littérature. Regarde les lumières mon amour est issu d’un exercice original qui va très bien à l’autrice de La Place ou des Années, prix Nobel de littérature.
De notre monde emporté – Christian Astolfi (Pocket)
Des années 70 à aujourd’hui, la chronique d’un monde disparu, celui d’une industrie florissante et conquérante, celui aussi d’une classe ouvrière fière et solidaire. À la Seyne-sur-Mer, on était » des Chantiers » comme on est d’un pays, d’une famille. Mais les chantiers navals vont fermer et c’est tout un monde qui s’écroule. De notre monde emporté est un très bel ouvrage de mémoire ouvrière. Une dignité qui revit sous la plume de Christian Astolfi dans ce roman poignant et vibrant de poésie.
Le Bonheur est au fond du couloir à gauche – J.M. Erre (Pocket)
Une bulle de légèreté grâce à ce livre dopé à l’humour, Le Bonheur est au fond du couloir à gauche met en scène un certain Michel, neurasthénique depuis l’enfance qui décide que c’en est trop le jour où sa compagne le quitte. A partir de maintenant il sera heureux. Pour ce faire il achète des livres de développement personnel dont la promesse de bonheur est garantie. Meilleur qu’un anti-dépresseur, le nouveau J.M. Erre décortique avec humour quelques lieux commun du feel good en littérature en égratignant au passage l’injonction à être heureux. Une quête du bonheur qui en dit long sur notre société déprimée. Finalement, le rire reste la méthode la plus efficace.
Rose Royal – Nicolas Mathieu (Babel)
Rose, la petite cinquantaine, trompe son ennui et son stress au Royal, le bar du coin. Divorcée et mère de deux grands garçons, plus personne ne l’attend à la maison. Après le travail, elle aime retrouver sa copine Marie-Jeanne pour boire des coups, rigoler et séduire. Du haut de ses talons rouge cerise, Rose se moque de ses désillusions et les défie, toujours prête au combat. Ce n’est pas pour rien qu’elle garde un revolver dans son sac. Nicolas Mathieu, l’auteur de Leurs enfants après eux prix Goncourt 2018, nous propose avec Rose Royal un texte court mais intense. Une histoire de désir et de violence aussi, car toute la colère de Rose ne demande qu’à sortir.
Un roman brûlant et d’actualité sur la condtion féminine qui capte son public autant que son époque.
La Vague – Todd Strasser (Pocket)
Ben Ross est professeur d’histoire dans un lycée calfornien. Pour tenter de faire comprendre à ses élèves incrédules comment une population peut adhérer massivement au fascisme, il monte une expérience qui va s’avérer plus que concluante. Il crée un mouvement expérimental avec pour slogan : « La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l’Action ». En l’espace de quelques jours, l’atmosphère du paisible lycée se transforme en chaos totalitaire. Utilisé dans des établissements scolaires à but de prévention et d’initiation, La Vague de Todd Strasser est un roman publié en 1981 dont les résonances se ressentent encore à l’heure actuelle. Il est donc plus que temps de le lire.
La Métamorphose – Franz Kafka (Folio)
Publié en 1915, ce roman à la frontière du réél fait partie des classiques de la littérature. Il raconte l’histoire de Gregor Samsa, un représentant de commerce qui se réveille un matin transformé en infâme cancrelat. Franz Kafka explore avec maestria le thème de la transformation à travers l’aburde et du regard de l’Autre. Car finalement les personnes que cette métamorphose transforme le plus sont assurément les proches de Gregor dont le regard sur lui est bouleversé, et peut-être aussi les lecteurs. À lire absolument car La Métamorphose ne vous laissera pas indemne.
Le Horla – Guy de Maupassant (Folio)
Avec Le Horla de Maupassant, on plonge directement au coeur du fantastique. Ce court roman raconte l’histoire d’un narrateur qui se sent progressivement envahi par une présence invisible et malveillante, qu’il appelle « le Horla ». Cette sensation le plonge dans une angoisse permanente et une mélancolie profonde. Guy de Maupassant aborde ici les thèmes de la folie, de la possession et de l’angoisse qui envahit tout votre être. Il utilise le fantastique pour parler de problèmes beaucoup plus cartésiens qui concernent beaucoup de personnes, notamment celles affectées par des troubles psychologiques plus ou moins importants. C’est un roman marquant et indémodable.
Le Tour d’écrou – Henry James (Librio)
Qui sont Peter Quint et Miss Jessel, ces deux anciens employés du manoir de Bly isolé au coeur de la campagne anglaise ? C’est la gouvernante de la demeure dont on nous rapporte ici le récit. Celle-ci commence à voir des apparitions mystérieuses et devient convaincue que les enfants dont elle s’occuppe, Miles et Flora, sont sous l’influence de ces esprits maléfiques. Fantômes ou fantasmes ? Les apparitions qui hantent le manoir sont-elles pures hallucinations ou phénomènes surnaturels avérés. Entre répulsion et fascination, Henry James installe une inquiétante étrangeté aux niveaux de lecture tant psychologiques que sociaux. D’une dextérité littéraire machiavélique, Le Tour d’écrou est un texte empreint de mystère où le manoir lui-même devient suspect. Un chef-d’oeuvre du fantastique.
