Sélection

La Librairie de Sébastien : Morts de rire(s)

04 avril 2024
Par Sébastien Thomas-Calleja
La Librairie de Sébastien : Morts de rire(s)

Tous les passionnés aiment échanger. Partageant l’amour de la littérature avec Nathalie, libraire sur Fnac.com, il nous arrive souvent d’avoir des discussions à bâtons rompus sur ce qui anime notre passion. L’idée d’écrire un article à quatre mains nous est venue à propos d’une thématique peu abordée, mais dont nous sommes très friands : quels livres nous ont fait le plus rire ? Une partie de ping pong pleine de bonne humeur s’est alors engagée qui saura susciter des envies de lire et de rire…

Avec Nathalie, on aime parler des livres qu’on a lus, et on aime bien rire aussi. Lors de mes venues au siège de la Fnac pour mes contributions sur L’Eclaireur Fnac, il nous arrive souvent d’en parler. L’idée ayant fait son petit bonhomme de chemin, un article en commun était devenu une évidence. 

Sébastien, Libraire à Bercy Village : « Alors Nathalie, quel serait pour toi le livre qui t’a fait le plus rire ? » 

Journal d’Adam, Journal d’Eve – Mark Twain

On connaît tous le grand écrivain américain qui a su nous transporter sur les rives du Mississippi avec ses deux livres devenus des classiques Les Aventures de Tom Sawyer et celles d’Huckleberry Finn, mais on le connaît moins pour ses livres engagés au ton souvent irrévérencieux et d’une drôlerie savamment tournée.

Journal d’Adam, Journal d’Eve est de ceux-là. Présentant tour à tour le point de vue du premier homme et de la première femme en direct du Paradis, Mark Twain tire à boulets rouges sur les archétypes masculins/féminins pour en faire un pastiche hilarant. Face à un Adam terre à terre et pas très malin, on trouve une Eve sensible et éclairée par sa soif de comprendre. Une curiosité dont elle ne pourra qu’être coupable à travers l’inénarrable épisode du fruit défendu revisité.

Mais c’est aussi, par la voix d’Eve, le premier « nous » prononcé, le premier couple qui se forme, avec sa majesté des sentiments mais aussi toutes les situations problématiques et leurs ressorts comiques que ne manque pas de souligner l’écrivain.

Ecrit en deux périodes : 1893 pour la partie concernant Adam et 1905 pour celle d’Eve, ce Journal peut se lire d’une traite en suivant les deux versions ou en les alternant, jour après jour.

« La nouvelle créature, avec ses longs cheveux, est toujours fourrée dans mes pattes. Toujours à traîner à mes basques et à me suivre comme un petit chien. Et je n’aime pas ; je n’ai pas l’habitude d’avoir de la compagnie. Si seulement elle voulait bien rester avec les autres animaux… Ciel couvert aujourd’hui, avec un petit vent d’est ; je pense que nous allons avoir de la pluie… Nous ?… Où est-ce que jai bien pu dénicher ce mot ?… Je me souviens maintenant – c’est la nouvelle créature qui l’emploie. »

Je vous assurer un grand éclat de rire !

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Nathalie, Libraire fnac.com : « Et toi Sébastien, si tu nous en citais un ? »

Demain c’est loin – Jacky Schwartzmann

« C’est quand même un joyeux bordel la vie »
François Feldman, ni chanteur, ni juif, ni Arabe, veut se sortir des magouilles de la cité en montant sa petite affaire. C’est sans compter les différences de classes et un passé qui ne s’efface pas.

Avec Jacky Schwartzman dans Demain c’est loin, pas question de faire dans la dentelle, et l’on n’est pas près de se laisser bercer par « Les Valses de Vienne », François il serait plutôt du genre IAM : le titre du livre étant aussi une chanson dudit groupe.
François Feldman, le personnage principal, vient du quartier des Buers, à Villeurbanne, dans la banlieue lyonnaise. À 39 ans, il a ouvert une boutique de t-shirts détournant des citations, réelles ou imaginées, dans le but de créer une situation comique. Il veut se sortir des magouilles de la cité et devenir « enfin un Français. Un vrai. ».
« Bonjour, c’est bien ici Charlie Hebdo ? », signé Chérif Kouachi, est sa dernière création. Mais, apparemment son humour macabre ne passe pas dans le centre-ville. Ça ne marche pas. Son humour des banlieues n’arrive pas à passer le Rhône.
« Ce genre de vannes, aux Buers, ça faisait marrer tout le monde. Mais dans la presqu’île, pas du tout, et à la Banque populaire encore moins. »
Car évidemment, sa petite entreprise connaissant la crise, il a maille à partir avec les agences de prêts financiers, notamment sa conseillère, « la Bacardi », Juliane de son prénom. À travers son mépris, il se verra tel qu’elle le considère, avec la condescendance que lui impose son poste. C’est pourtant avec elle, une fois qu’elle se sera mise toute seule dans « une merde apocalyptique », qu’il partira dans une fuite effrénée à travers les rues de la ville lumière, tentant d’échapper autant à la flicaille qu’aux petites frappes de la cité.
Sur un rythmé enlevé, allié à un humour décapant, nous voilà embarqué dans une course poursuite délirante à laquelle il est difficile de résister, dépassés que nous sommes par la verve et style inimitable de l’auteur.
Entre un humour mordant à la Desproges, et une ironie sociale qui fait penser à Iain Levison, si Jacky Schwartzmann ne fait pas dans la demi-mesure, c’est au contraire pour nous offrir une écriture fine et maline.
Intelligent, vif, et drôle, je ne me souviens pas avoir autant ri en lisant un roman !
À condition d’apprécier le deuxième, voire le troisième degré, les fous rires sont garantis.
Un roman social à l’humour noir qui ne pourra vous laisser indifférent.

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Sébastien : « Deux livres et deux types d’humour totalement différents, voilà qui est très enrichissant ! Et si tu en avais un autre à nous conseiller ? »

Trilogie de Corfou – Gerald Durrell

Ce ne serait pas un, mais trois livres en un : La Trilogie de Corfou, d’un auteur du XXe siècle, Gerald Durrell.

Naturaliste britannique très célèbre pour son oeuvre de conservation et de préservation d’espèces en voie de disparition, cet écrivain scientifique a également œuvré avec succès dans le domaine des lettres. Son roman le plus connu est certainement cet ensemble de trois livres qui reprend sous forme de récit l’exil de sa famille à Corfou juste avant la Seconde Guerre Mondiale, en partageant avec nous son regard d’enfant sur la vie, ses aléas, la guerre, mais aussi la nature. Une sorte de journal de bord d’un exil que le petit Gerald ne vit pas du tout de la même façon que ses aînés. Plein de lucidité sur l’existence, son humour décalé apporte d’une touche de tendresse et de légèreté à une situation qui l’est beaucoup moins pour sa mère et ses frères et sœurs plus âgés.

C’est aussi la nature qui entre dans la grande maison grecque avec sa passion sans borne pour la faune et la flore locale. Paru en 1956, ce livre a déjà marqué plus d’une génération et ne cesse de séduire par son humour fin et plein de grâce, qui peut nous offrir à tous une très belle philosophie de la vie. Et je conseille toutes les autres oeuvres de Gerald Durrell par ailleurs !

À partir de
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Nathalie : « Et toi Séb, quel serait ton conseil d’humour et de tendresse ? »

Le bonheur est au fond du couloir à gauche – J.M. Erre

Il suffit parfois de traverser le couloir pour trouver le bonheur… enfin c’est un peu plus compliqué que ça avec J.M. Erre dans Le bonheur est au bout du couloir à gauche. Michel en a assez de rater sa vie. La seule compagne qu’il n’a jamais eu vient de plier bagage au bout d’une semaine. Il doit prendre les choses en main et en finir avec cette neurasthénie maladive. C’est décidé, il trouvera le bonheur. Evidemment rien n’est plus vain que cette quête illusoire qui est aussi une critique désopilante du développement personnel et du bonheur obligatoire.

Après trois semaines d’amour éperdu – son record – la bien-aimée quitte notre narrateur porte claquante, le laissant désespéré, lui qui se voyait convoler en justes noces pour l’éternité. Ne lui laissant rageusement qu’une pile de livres de développement personnel, notre héros y voit le signe de sa résurrection : être heureux fera revenir Bérénice sur sa brutale décision.
Il faut dire que Michel H., dont vous reconnaitrez sans mal la parenté avec un célèbre écrivain français, cultive depuis longtemps le goût du désespoir : « J’ai été un enfant triste et un adolescent cafardeux avant de devenir un adulte neurasthénique. » Son premier mot prononcé ? « Prozac » : tout un programme ! Oui, Michel souffre de « troubles de l’humeur », un gros euphémisme, car ce type est en fait complétement névrosé… caricature habile d’un homme de 25 ans en pleine crise de dilettantisme aigu, perdu dans un monde qui ne lui propose aucun épanouissement. Bien sûr il y a beaucoup de mauvaise foi chez Michel, mais on est vite conquis par son cynisme décomplexé et son regard acéré sur notre société.
Fuyant la « course féroce à la productivité, impitoyable machine à frustration », il se gargarise néanmoins des discours des experts de BFM TV, « oracle des temps modernes » pour ensuite se rasséréner devant les diatribes volontaristes d’un certain Emmanuel Macron… Il ne manque que le déclic à Michel pour devenir un homme fort et fier, un remède qu’il trouvera dans les livres de développement personnel que Bérénice lui a laissés.
Construit comme une critique délicieusement acerbe de la littérature feel-good dont son propre titre n’a pas à rougir, Le bonheur est au fond du couloir à gauche nous entraîne dans une quête hilarante de la félicité sans bouger du 32 m2 de notre dépressif préféré. Sans effets secondaires, J.M. Erre agit sur notre moral plus efficacement que les anti-dépresseurs que Michel absorbe à longueur de journée.

Absurde et enlevé s’il ne vous satisfait pas assez, vous pourrez toujours l’utiliser comme Michel pour mettre à niveau les meubles de votre maisonnée. Car comme il le dit lui-même : « Sans littérature pour caler l’existence, tout menace de s’écrouler. » À méditer…

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Sébastien : « Et pour finir, Nathalie, quel serait pour toi le roman hilarant que tu relirais sans hésiter ? »

Wilt – Tom Sharpe 

Avec pour sous-titre « Comment se sortir d’une poupée gonflable et de beaucoup d’autres ennuis encore », Wilt est certainement une des lectures les plus loufoques qui existent. Partant de l’histoire d’un homme ordinaire, professeur dans le secondaire, Tom Sharpe extrapole vers des situations plus ubuesques les unes que les autres, néanmoins toutes crédibles. Ne supportant plus la vie commune qu’il mène avec sa femme, il essaie imaginer toutes les possibilités qu’il aurait à sa portée pour se débarrasser d’elle. Empêché dans son grand dessein par des coïncidences toutes plus comiques les unes que les autres, c’est une sorte de grand délire parfaitement maîtrisé qui se déroule sous nos yeux. 

Un récit abracadabrantesque qui n’en est pas moins caustique à sa façon, car Tom Sharpe aime se moquer des normes sociales toute faites, tout comme il n’hésite pas dans d’autres de ses romans à dénoncer l’apartheid au cœur d’une Afrique du Sud qu’il a lui-même très bien connu. Pour Wilt et ses folies, cinq autres tomes suivront après le premier publié en 1976. 

On n’a pas fini de rigoler !

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Nathalie : « Allez Sébastien, mon libraire préféré, un petit dernier pour la route ? » (éclats de rires)

L’Os de Lebowski – Vincent Maillard

Le jardinier Jim Carlos survivra-t ’il à l’os déniché par son débonnaire quadrupède ? La belle propriété semble cacher des secrets profondément enfouis. Entre chronique sociale et diatribe sur les faux-semblants et la bourgeoisie un roman intrigant et amusant qui vous fera passer à coup sûr un bon moment !

C’est drôle, on rit et on s’inquiète aussi avec Vincent Maillard dans cette enquête qui a du chien ! La belle propriété semble cacher des secrets profondément enfouis par ses occupants bien sous tous rapports. Une chronique douce-amère qui prête à sourire autant qu’à réfléchir dans cette maison trop parfaite pour être honnête. Le chien a disparu depuis sa mystérieuse découverte, mais d’ailleurs où est le jardinier ?

Récompensé par le prix 30 millions d’amis, L’Os de Lebowski est un polar, car il y a une enquête, un roman noir qui en dit long sur notre société actuelle et qui a le mérite d’être drôle, ce qui a le mérite d’être souligné.

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Nathalie et Sébastien : « Nous espérons que ça vous a plu. Que cette sélection pensée avec légèreté et bienveillance vous donne envie de lire, de sourire… et de rire ! »

Article rédigé par
Sébastien Thomas-Calleja
Sébastien Thomas-Calleja
Libraire à Fnac Bercy
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