Si vous aussi, vous ne vous êtes toujours pas remis du destin de Jamie Miller et de sa famille, héros tragiques de la série phénomène « Adolescence », voici une sélection de films qui explorent cette période de transition fragile qui peut basculer d’un instant à l’autre.
En quatre plans-séquences brillants, la série Adolescence de Jack Thorne et Stephen Graham livre, depuis le 13 mars sur Netflix, le portrait complexe et sans concession de cet âge critique, délicat processus de séparation vers l’autonomie dont la traversée peut s’avérer périlleuse. L’âge des transformations, des conflits et parfois des drames. L’âge des premières fois, de la quête de reconnaissance et de l’affirmation de soi. Des métamorphoses aussi violentes que fragiles, comme autant de plongées vers l’inconnu. Et de fascinantes sources d’inspiration pour le cinéma.
Virgin Suicides, Sofia Coppola (1999)
En 1999, Sofia Coppola, 28 ans, faisait ses premiers pas derrière la caméra avec Virgin Suicides. Un premier film d’une rare puissance qui, bien avant le mouvement #MeToo, interrogeait déjà les rapports d’emprise et de domination. Au cœur de l’histoire, cinq sœurs issues d’une famille puritaine de la banlieue chic du Détroit des années 1970. Cinq jeunes filles poussées à commettre l’irréparable.
Le désir, la mélancolie, le mystère entre les garçons et les filles… Tels sont les thèmes qui nourrissent ce récit tiré du roman éponyme Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides. Et pour l’incarner, les inoubliables et diaphanes visages de Leslie Hayman, Chelse Swain, A.J. Cook, Hanna R. Hall et Kirsten Dunst.
Naissance des pieuvres, Céline Sciamma (2007)
Quelques années plus tard, de l’autre côté de l’Atlantique, une autre jeune femme, Céline Sciamma, 27 ans, et une autre première fois avec Naissance des pieuvres : « Pour moi, la pieuvre est ce monstre qui grandit dans notre ventre quand nous tombons amoureux, explique la cinéaste, cet animal maritime qui lâche son encre en nous. C’est ce qui arrive à mes personnages.«
Marie, Anne et Floriane sont trois jeunes filles au travers desquelles, dans le secret des vestiaires d’une piscine, Céline Sciamma nous offre une formidable radiographie de la naissance de la féminité. Un premier film d’une très grande maîtrise.
Bully, Larry Clark (2001)
Après les Kids de New York, le réalisateur Larry Clark s’est intéressé aux ados floridiens de Bully. Ou comment une bande de jeunes s’est retrouvée à mettre en œuvre l’assassinat d’un des leurs. Une histoire tirée d’un réel fait divers qui permet au cinéaste controversé de l’adolescence par excellence, de poursuivre son exploration d’une jeunesse désœuvrée et laissée pour compte. De jeunes Américains perdus entre leur quête de bonheur et de réussite, et une conscience morale au mieux en construction, au pire inexistante.
Paranoid Park, Gus Van Sant (2007)
Poétique, cérébral, fascinant… Il en va ainsi du cinéma de Gus Van Sant, et tout particulièrement de son Paranoid Park, nom que de jeunes marginaux de Portland ont donné au skatepark qu’ils ont construit illégalement sous un pont d’autoroute, aux confins de la ville. Un soir, lors d’une virée entre potes, Alex (Gabe Nevins), skateur passionné, ado secret et solitaire, se retrouve responsable involontaire de la mort d’un homme.
Après sa trilogie Elephant/Gerry/Last Days, Gus Van Sant saisit comme personne l’intimité de l’adolescence. Une vertigineuse et virtuose réflexion autour du crime, de la culpabilité et de la responsabilité individuelle.
We Need to Talk About Kevin, Lynne Ramsay (2011)
À l’aube de ses 16 ans, Kevin Khatchadourian (Ezra Miller) commet l’impensable. Eva (Tilda Swinton), sa mère, veut comprendre. Commence alors pour elle un long et douloureux travail de mémoire, retraçant pas à pas la trajectoire chaotique de leur relation. Une relation qui, depuis la naissance de Kevin, n’aura su évoluer que dans la colère, la haine et le sang.
Monté en flashback, We Need to Talk About Kevin de Lynne Ramsay est un bijou de mise en scène, d’une précision chirurgicale, et dont le ton glacia, nourri du jeu de ses deux interprètes, vient se percuter à une troublante esthétisation de la peur. Un film d’une implacable cruauté.
Simon Werner a disparu, Fabrice Gobert (2010)
Élève de Terminale au lycée Léon-Blum dans les Yvelines, Simon Werner a disparu… Débute alors une série de disparitions toutes aussi mystérieuses, de quoi ouvrir en grand les portes de l’imaginaire de ses camarades de classe. Fugue, enlèvement, suicide, meurtre ? À chacun de se faire son film, entre vérités imaginées et ragots incontestables. Des échappatoires à leur morne quotidien.
Fabrice Gobert emprunte pour son film la structure d’Elephant, mais aussi – plus lointain – celle des Disparus de Saint-Agil, tirée du livre de Pierre Véry (1935) et mise en images par Christian Jacq en 1938. Ce qui intrigue ici, au-delà du thriller, ce sont bien les mirages et les mystères de l’adolescence.
It Follows, David Robert Mitchell (2014)
En pleine nuit, une adolescente en nuisette s’échappe d’un pavillon en courant, terrifiée par un assaillant qu’elle est seule à voir… « Ça » la suit… It follows. Son corps disloqué est retrouvé au petit matin sur la plage. Quand le cinéma de genre s’empare des tourments adolescents…
Dans ce chef-d’œuvre horrifique d’une impressionnante beauté formelle, David Robert Mitchell fait du mal une MST. Oui, le mal se transmet par le sexe : tu couches, t’es mort ! Un classique du genre depuis Halloween. En réalité, au-delà du sexe, le mal accueille et personnifie les angoisses de celle ou celui qu’il persécute. Des peurs nées dans ce troublant interstice, entre enfance et maturité : cette satanée adolescence.
Morse, Tomas Alfredson (2009)
Oskar est un frêle blondinet livré à lui-même, martyrisé par les garçons de sa classe et torturé par ses désirs de vengeance. Eli est une brune « animale » qui ne supporte pas la lumière et ne passe jamais le seuil d’une porte à moins d’y avoir été invitée. Il a 12 ans. Elle a 12 ans… « depuis longtemps ». Aux côtés d’Eli, figée dans cet âge de l’entre-deux, Oskar apprendra à franchir cette frontière délicate qui sépare l’enfance de l’adolescence.
Entre neige, souffrance et longue nuit d’hiver, Tomas Alfredson signe avec Morse un pur film de vampire, parfaite antithèse de Twilight. Ici, le caractère anti-spectaculaire du film laisse la place à une mise en scène froide et dépouillée, baignant ces deux jeunes marginaux dans une atmosphère à l’étrangeté délicieusement poétique.
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