Critique

Que vaut « A House of Dynamite » ? Le retour sous haute tension de Kathryn Bigelow sur Netflix

23 octobre 2025
Par Catherine Rochon
Que vaut "A House of Dynamite" ? Le retour sous haute tension de Kathryn Bigelow sur Netflix
©Netflix

Et si l’apocalypse ne tenait qu’à un bouton ? La réalisatrice oscarisée Kathryn Bigelow revient ce 24 octobre sur Netflix avec « A House of Dynamite », un thriller imaginant une attaque nucléaire sur le sol américain. Et transforme la sidération en matière cinématographique. Critique.

Capturer l’inimaginable : tel est le tour de force que relève Kathryn Bigelow avec A House of Dynamite, disponible dès ce 24 octobre 2025 sur Netflix. Et elle frappe fort.

Dans ce long-métrage très attendu – qui aurait mérité une sortie en salle – la réalisatrice, oscarisée pour Démineurs en 2008, livre un nouveau récit haletant, construit autour d’une trame ultra-simple mais diablement efficace : un missile nucléaire fonce tout droit sur les États-Unis. Qui l’a lancé ? Comment l’arrêter ?
 

Filmer l’adrénaline ? Personne n’égale Bigelow en la matière. Et A House of Dynamite est un nouveau modèle du genre. En nous plongeant au cœur des bunkers, des centres de commandement et de la Maison-Blanche, la réalisatrice tisse une redoutable toile de tension pure. Fidèle à son style nerveux inimitable – montage sec, gros plans sur les visages incrédules, caméra embarquée au plus près du chaos intérieur -, elle orchestre un diabolique compte-à-rebours de 19 minutes… qu’elle va nous faire (re)vivre pas moins de trois fois. Résultat : une expérience en apnée de deux heures.

Car loin d’adopter une narration classique, A House of Dynamite nous immerge dans cette impensable situation de crise à travers trois points de vue différents. Au risque de susciter un sentiment de redondance ? Bien au contraire. Et c’est là tout le génie de Bigelow. Loin de s’essouffler, le récit gagne en ampleur, et la tension s’épaissit à mesure que les personnages se multiplient (casting royal où l’on retrouve Rebecca Ferguson, Greta Lee, Jared Harris entre autres). Et que l’on remonte la chaîne de commandement jusqu’au personnage le plus important de l’intrigue : le président des Etats-Unis (Idris Elba). 

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Une fin volontairement ambiguë

Entre coups de fil frénétiques, visioconférences et petits points lumineux qui avancent inexorablement sur les écrans, A House of Dynamite se vit comme un « white-knuckle » absolu – de ceux qui nous laissent les phalanges blanchies, cramponné.e.s à notre canapé. Un huis clos éreintant dont le final ne manquera pas de diviser.

En effet, si la géopolitique est bien au cœur du dispositif, elle reste étrangement en arrière-plan. Là où Zero Dark Thirty interrogeait la morale de la traque de Ben Laden et Detroit dénonçait le racisme systémique et les violences policières, ce House of Dynamite s’impose avant tout comme un pur exercice de style. Et s’il nous met évidemment face aux failles du système et aux conséquences vertigineuses d’une telle situation – surtout en ces temps troublés -, le film choisit de rester en retrait sur le plan idéologique. Du moins en apparence.

Parfois taxée d’apolitisme, voire de fascination pour le militarisme américain, Kathryn Bigelow signe ici une œuvre d’un pessimisme si profond qu’il échappe à tout dogme. Il ne s’agit plus d’un film sur le pouvoir, mais sur son impuissance. Et ce final agit comme un miroir : Bigelow nous pousse à y projeter nos propres peurs. En creux, un message aussi limpide que terrifiant : « Imaginez. »

Article rédigé par
Catherine Rochon
Catherine Rochon
Responsable édito
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