Décryptage

La folle histoire de(s) Mad Max

15 mai 2024
Par Robin Negre
La folle histoire de(s) Mad Max
©Warner Bros Pictures

45 ans après avoir réalisé le premier film de la saga, George Miller retrouve sa dystopie emblématique, Mad Max, avec un film entièrement consacré à Furiosa, présenté en avant-première mondiale au Festival de Cannes. Pour l’occasion, L’Éclaireur revient sur les quatre premiers films de la franchise.

Au début des années 1970, un jeune médecin australien décide de s’intéresser au cinéma et de réaliser un film inspiré de la gravité des accidents de voiture qu’il constate dans la salle des urgences. Son nom est George Miller et il a en tête les prémices du film Mad Max, épopée dystopique violente consacrée à un guerrier de la route, Max, et à la chute de la civilisation australienne. Neuf ans plus tard, après avoir passé la majeure partie de son temps à s’essayer au cinéma, George Miller parvient à terminer le montage de son film dans un salon, sur une machine bricolée sur mesure.

Le tournage de son film légèrement fauché s’est déroulé entre novembre et décembre 1977, et met en scène un acteur relativement inconnu alors, Mel Gibson. C’est le début d’une longue exploration de la mythologie humaine et de l’évolution de la société par George Miller, qui reviendra constamment à son Max au fil des 45 années suivantes.

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Un coup de génie apocalyptique

Max est, à l’origine, un policier légèrement tête brûlée, envoyé pour arrêter un gang de motards hors-la-loi dans une Australie à la délinquance omniprésente. Provocateur et violent, le premier Mad Max mélange le road trip et le film apocalyptique tout en montrant les signes de l’effondrement et la rareté des ressources. George Miller brise les codes et parvient à s’imposer sur grand écran, malgré l’aspect artisanal de son film.

Mad Max a déjà la richesse du propos et la réflexion aboutie du cinéaste : le film montre la tombée progressive d’un homme dans les limbes de la folie, contraint de devenir aussi fou que le monde qui l’entoure et que les criminels qu’il tente d’appréhender. Avec ses scènes puissantes, sa violence sous-jacente et sa mise en scène déjà impressionnante autour des poursuites automobiles, Mad Max est un coup d’éclat, un coup de génie, et marque la naissance d’un mythe du 7e art autant que celle de son réalisateur.

Cependant, le manque de budget général empêche George Miller de véritablement donner vie à sa vision. Armé de son premier succès, il décide ainsi de revenir à l’apocalyptique histoire de Max avec Mad Max 2 : le défi, en 1981.

Transformer l’essai

Avec un budget dix fois supérieur au premier film, le cinéaste peut enfin filmer et montrer l’effondrement selon son idée initiale. « Tu peux courir, mais tu ne peux pas te cacher »… Cette phrase résume l’évolution du monde de Mad Max et l’envie de George Miller de montrer une Terre plus désolée et aride.

Les routes ne sont plus définies, le sable commence à prendre leur place, la végétation se fait rare et la folie s’est emparée de tous les personnages.

Le carburant devient la richesse absolue : une guerre d’essence et de pétrole – pour alimenter des voitures de plus en plus élaborées, armes destinées à s’imposer dans un monde où les règles ont disparu – se met alors en place. Avec Mad Max 2 : le défi, George Miller délivre un véritable chef-d’œuvre du genre et touche aux fondements mêmes de sa saga.

Son chef-d’œuvre réalisé, George Miller ne compte pas pour autant laisser Mad Max de côté et la saga prend une nouvelle dimension dans les années 1980. Alors que, jusqu’à présent, les deux films permettaient au réalisateur de traiter de ses peurs et de ses obsessions, le troisième film est aussi une façon de répondre à l’époque et à l’évolution du cinéma hollywoodien.

Mad Max 3 : au-delà du dôme du tonnerre sort en 1985 et propose un spectacle nettement plus kitsch et second degré. Mel Gibson est toujours présent, mais son Max doit, cette fois, protéger un groupe d’enfants. L’antagoniste incarnée par Tina Turner est gentiment ridicule et toute la direction artistique peine à garder un semblant de sérieux. 

Néanmoins, le film pose les bases de ce qui deviendra Mad Max: Fury Road des décennies plus tard. Comme si Miller devait d’abord faire son brouillon avant d’atteindre la copie parfaite de son film (Mad Max 2 par rapport au premier et Fury Road par rapport au Dôme du tonnerre). Dans ce troisième film, George Miller insiste sur l’importance et la place des leaders autoproclamés de ce nouveau monde, qui utilisent le fanatisme pour contrôler la population et les ressources. Le monde est cruel, fou, et seuls les plus fous peuvent atteindre le sommet de la hiérarchie.

Cependant, la production du film est également chaotique. Le décès d’un collaborateur de Miller, le producteur Byron Kennedy, affecte lourdement l’équipe. Malgré ce défi, George Miller parvient à créer une trilogie triomphante et à marquer le cinéma de science-fiction en faisant entrer dans la légende le personnage de Max. 

Dynamiser furieusement le cinéma d’action

Dès la fin des années 1980, George Miller a envie de réaliser un quatrième film Mad Max sous forme d’une longue course poursuite infernale. Le projet prend son temps et il ne peut y revenir qu’en 2010, après avoir réalisé notamment… Babe, le cochon dans la ville (1998) et Happy Feet (2006).

Mel Gibson est alors trop âgé pour incarner Max, et George Miller veut un acteur dans la même tranche d’âge que celui des premiers films. Après avoir envisagé Channing Tatum, Jeremy Renner, ou encore Michael Fassbender, il jette son dévolu sur Tom Hardy, nouvelle incarnation de Max, qui reçoit même l’approbation de Gibson. À ses côtés, Charlize Theron incarne Furiosa, le personnage féminin central du film, et Hugh Keays-Byrne se glisse dans la peau de l’effrayant Immortan Joe.

Comme imaginé initialement, Mad Max: Fury Road est une longue course-poursuite à travers un désert infini, poussant le concept de Mad Max 2 : le défi encore plus loin et insistant une nouvelle fois sur la vénération des icônes. Le désert ne laisse aucun répit et la narration se crée à mesure que les bolides rugissent et se pourchassent à toute allure.

Le tournage est compliqué. Les conditions climatiques se mêlent à la dangerosité des cascades et des séquences imaginées. George Miller utilise le plus souvent des effets pratiques et ses acteurs sont régulièrement placés dans des situations dangereuses : pour une scène où Tom Hardy se retrouve la tête entre deux voitures en mouvement, c’est bien lui, avec Charlize Theron au volant. Durant tout le tournage, Tom Hardy restera perplexe et ne comprendra pas où veut en venir le cinéaste. Frustré et inquiet, il faudra finalement qu’il assiste au résultat final sur grand écran pour enfin saisir tout le génie de George Miller et s’excuser auprès de ce dernier dans la foulée. 

Mad Max:Fury Road est un monument et arrive à dynamiser le cinéma d’action par son inventivité de chaque instant, son intensité et son jusqu’au-boutisme absolu.

Vengeance, Vengeance, Vengeance

Meilleur film de la saga et meilleur film de George Miller, qui continue d’utiliser son personnage pour traiter de l’évolution du monde et des sociétés, Fury Road se passe dans un contexte où la guerre de l’eau fait rage, après le conflit autour de l’essence. En revenant à Mad Max près de 40 ans après son premier film, George Miller témoigne par son parcours de la portée de son cinéma : éternellement en reconstruction et en évolution, sans jamais perdre la fureur initiale de son premier projet, monté dans un salon avec les moyens du bord.

Alors même qu’un autre film avec Tom Hardy se murmure, George Miller décide d’offrir un long-métrage entièrement consacré à Furiosa en 2024, avec Furiosa : une saga Mad Max, cinquième film de la franchise.

Libéré de Max pour cette fois, mais gardant la même folie et le thème de la vengeance au cœur de son film, il livre son propre Mad Max au féminin, avec la certitude pour tous, à nouveau, de deux choses : le tournage a été chaotique – Anya Taylor-Joy, qui s’empare du rôle, parle de l’expérience la plus solitaire et difficile de sa vie –, et le résultat sur grand écran fera encore l’effet d’une révélation, comme à chaque nouveau Mad Max.

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