Décryptage

Histoire du funk : 1968-1987

03 janvier 2023
Par Christophe Augros
Histoire du funk : 1968-1987

Entre 1968 et 1987, la planète tout entière dansait sur le funk inventé par James Brown. La musique du corps, de la fête, des discothèques, c’était le Funk. Retour sur une musique ravageuse, énergique qui a dominé trente ans de création en évoluant constamment.

Origine du Funk

Jusqu’en 1968, la musique noire c’est la Soul. Puis James Brown enregistre Papa’s Got a Brand New Bag. Rythmes africanisés, de la place pour l’improvisation, une musique nerveuse conçue pour le corps, la danse, à l’image des pas de danse du James. Le « groove » devient le maitre-mot. Rapidement, Slystone puis George Clinton et Bootsy Collins s’engouffrent dans la brèche béante. Les décennies suivantes, Le funk va évoluer   suivant les changements de société et surtout en fonction des innovations technologiques.

1968-1978 : un funk sauvage, électrique, déjanté

Les années 1970 sont celles de James Brown. Sex Machine, Hot Pants, Revolution Of The Mind, There It Is, Get Up On The Good foot, Black Caesar, The Payback et Hell voient le jour entre 1970 et 1974 changeant pour toujours le visage de la musique noire-américaine. Dans le même temps, soit entre 1968 et 1974, Slystone sort six albums majeurs : A Whole New Thing, Dance To The Music, Life, Stand, There’s A Riot Going On et Fresh. Son funk est plus psychédélique, multiraciale et plus éclectique tout en étant très engagée.

En parallèle, à Detroit, un homme assure le relais avec un style plus déjanté. Ici, le maitre George Clinton et ses groupes Parliament / Funkadelic sont en réaction à l’école Motown. Terminé les beaux costards, les belles coupes de cheveux pour plaire aux blancs. Clinton est dans la provocation. Entre 1974 et 1979, ils jouent un funk beaucoup plus rock, haut en couleur musicalement et visuellement. Ce funk-là sera allégrement repris par les rappeurs des années 1990. Voir De La Soul ou Digital Underground. Up For The Down Stroke, Mothership Connection, Chocolate City, Maggot Brain, Cosmic Slop, One Nation Under a Groove transforment le funk. Les revendications et les messages sont toujours bien présents dans ce funk mais par des chemins détournés.

Toujours dans l’Ohio, la famille Troutman emmenée par le chanteur-guitariste Roger suit la même voie festive et délirante. Le groupe Zapp utilise le vocoder pour transformer voix et sons de guitare sur le modèle mis en place par Peter Frampton et Stevie Wonder. Une autre influence majeure pour le rap des années 1990.

1978-1987 : transformations par la technologie

Dans la deuxième moitié des années 1970, l’ouragan Disco balaie tout sur son passage. Même le funk ne résiste pas. De plus, de nombreux changements technologiques entrent sur le marché de la musique : boites à rythmes, claviers, système midi…Electronique et acoustique deviennent les composantes indispensables pour survivre. Cameo, groupe majeur dont la carrière débute en 1976, l’a bien compris. Ses albums Single Life et Word Up (1985 et 1986) en sont le reflet. Produire de la musique coûte moins cher et rapporte de plus en plus. Les studios, lieux de productions et le nombre d’artistes se multiplient comme des champignons. Los Angeles, New-York, Atlanta, Minneapolis deviennent des relais puissants. Tabu Records, Prelude, Solaar, Mtum, D-Train, Kool & the gang, Earth Wind & Fire, Chic, Skyy, Brass Construction, Kashif, Paul Laurence, Prince, Lionel Richie, Michael Jackson sont les parties immergées de l’immense iceberg funk.

Changements de société

Dans les années 1980, une partie importante de la communauté noire accède à des postes importants dans les entreprises. Changement de statu social qui implique un changement des comportements. Les revendications politiques, sociales et ethniques disparaissent de la musique funk. Le rap prend le relais. Désormais le funk est l’affaire des producteurs, des DJ et des spécialistes du remix. Les radios imposent leur loi avec un format de 3-4 minutes. Il s’agit d’innover pour faire danser la planète. Ce funk-là est propre, basé sur une esthétique visuelle et sonore avant-gardiste et lisse. Freddie Jackson, Luther Vandross, Alexander O’Neal, Whispers, Shalamar, Loose Ends, SOS Band, Cameo et d’autres bien trop nombreux pour être tous cités, deviennent les artistes à suivre. And The Beat Goes On, Rock Me Tonight, Never Too Much, Juicy Fruit, Just Be Good To Me, Make That Move, What’s Missing, You’re The One For Me, Le Freak deviennent des classiques pour les décennies suivantes. La planète entière danse sur ces hits et l’argent coule à flot ! Époque indécente vue d’ici.

Prince, un cas à part

À Minneapolis, le climat est froid. La musique va s’en faire le reflet. Roger « Prince » Nelson joue un funk technique et plus froid. Son style sera même baptisé un temps « electro-funk ». Il utilise des machines différentes pour les rythmiques. Mais la bass, les claviers et la guitare sont la base de ses compositions. Son look reprend les éléments de provocation de George Clinton. Il cherche à choquer par le sexe et une attitude subversive. Il s’adresse à la communauté gay, aux clubs « sales » des USA, à la rue. Résultat : il crée un genre dans le genre. Son « purple funk » inonde la planète. Point culminant : Purple Rain en 1984. Par la suite, il deviendra producteur et directeur de Paisley Park, son label. Le funk des années 1970 type Ohio Players, O Jays ainsi que Jimmy Hendrix seront ses influences majeures. Sur la période 1978-1987, ses indispensables sont Dirty Mind, 1999, Purple Rain, Around The World In a Day, Parade et Sign O The Times. The Time, Jesse Johnson, Andre Cymone, Mint Condition, NPG sont d’autres grands noms de la ville du Minnesota, entre autres. 

Washington : Go-Go funk