Décryptage

Les origines du blues et du jazz

22 décembre 2021
Par Mathieu M.
Les origines du blues et du jazz
©Getty Images

Les deux genres historiques de la musique afro-américaine ont durablement marqué la culture moderne. Chants d’espoir de toute une époque, et bandes sons iconiques, jazz et blues ont notamment progressé sous l’impulsion de génies de la composition, de l’improvisation et de l’interprétation. Retour sur quelques-unes de leurs figures majeures et leurs albums majeurs.

Le blues, la musique afro-américaine par excellence

King Of The Delta Blues Singers Vinyle TurquoiseNé du mélange entre chants de travail des esclaves afro-américains, musiques de conte africaine et airs religieux chrétiens, le blues a été l’une des premières formes d’expression pour la Great Black Music. Codifié au niveau de son harmonie,  il s’est popularisé comme une sorte de gospel profane, traitant de la vie quotidienne et n’hésitant pas à parler du diable.

Une première génération de grands interprètes de blues émerge après la Première Guerre mondiale, dont le membre le plus célèbre reste Robert Johnson. Musique rurale à l’origine, c’est en gagnant les centres-villes et les studios d’enregistrement que le courant croît. Après 1945, à Chicago, Memphis ou sur les rives du Mississippi, le genre révèle des instrumentistes talentueux, auteur d’albums majeurs.

Boom-BoomJohn Lee Hooker (Boom boom, Burning Hell, House of the Blues, It Serves You Right to Suffer), B.B. King (Live at San Quentin, Singing the Blues), Muddy Waters (At Newport 1960), ou encore Albert King et Buddy Guy (Blues Singer) seront ainsi très écoutés pour leurs virtuosités guitaristiques. La voix évoquant le loup d’Howlin’ Wolf (Rough Guide to Blues, Moanin’ in the Moonlight) ou la liberté d’interprétation d’Etta James contribueront à faire du blues une musique populaire, ayant beaucoup influencé les rockeurs anglais comme Keith Richards, Eric Clapton ou Jimmy Page.

S’il a peu évolué stylistiquement dans les décennies suivantes, le blues continue d’être porté haut. Que ce soit au travers de la redécouverte de « vieux » musiciens, comme R.L. Burnside (I Wish I Was in Heaven Sitting Down) ou Junior Kimbrough (You Better Run), deux modèles des Black Keys, ou par l’entremise de blues-rockers blancs comme Popa Chubby (Two Dogs), le genre reste vivace et promet toujours de solides performances aux spectateurs qui viennent le voir se propager en live.

Swing et big band : les débuts du jazz classique

Money JungleLe jazz trouve sa forme moderne au début du XXe siècle, par l’intégration de musiciens noirs aux fanfares de la Nouvelle-Orléans. Que ce soit à l’occasion de défilés/carnavals (avec des orchestres nommés « marching bands ») ou de bals, les pionniers du genre introduisent une nouvelle rythmique (le fameux ternaire) et des harmonies de plus en plus sophistiquées au répertoire d’alors.

L’essor du jazz se mesure dans les années 1920-1930 avec le succès des big bands, qui jouent une forme très orchestrée et harmoniquement complexe de thèmes venus de la comédie musicale ou de la chanson populaire. On l’appelle le swing. De grands leaders émergent, comme Duke Ellington (Money Jungle, Anatomy of a Murder, Duke Ellington Meets Coleman Hawkins), et Count Basie (April in Paris).

Ella-And-LouisDes interprètes apparaissent aussi en marge des big bands tout en étant de généreux pourvoyeurs en swing. Le prolifique Louis Armstrong, trompettiste et chanteur, sera ainsi l’une des premières superstars du jazz, avec ses disques Ella and Louis et sa reprise de l’opéra de Gershwin Porgy and Bess.

En Europe, le swing fait des émules, en particulier dans la communauté manouche. Django Reinhardt inventera le style mêlant guitare acoustique et violon aux bases rythmiques et mélodiques du jazz, comme le prouvent Minor Swing, Pêche à la mouche ou Swing From Paris.

L’explosion bebop

Bird-DizDans l’immédiate après-guerre, une jeune génération développe un jazz rapide et virtuose, basé sur une multiplication des accords d’accompagnement et la vélocité de ses interprètes : le bebop. Bientôt, ses pionniers deviennent les plus grandes vedettes de la musique populaire. Le saxophoniste Charlie Parker (Bird & Diz, Now’s the Time), le trompettiste Dizzy Gillespie (Pleyel Jazz Concert 1948), les pianistes Bud Powell (Amazing Bud Powell) ou Oscar Peterson connaissent un énorme succès, aux États-Unis et en Europe.

Au début des années 1950, des musiciens reliés au bebop vont dépasser le modèle pour expérimenter encore un peu plus. Le contrebassiste et leader Charles Mingus (Mingus Ah Hum, Blues and Roots, Mingus Mingus Mingus Mingus, Tijuana Moods, Pithecanthropus Erectus) ou le pianiste légendaire Thelonious Monk (Piano Solo, Round Midnight, Straight No Chaser) communiquent leur goût pour les harmonies modernes et leur sens infini du rythme.

Cool et jazz vocal : quand le jazz ambiance

Lady-in-satinEn parallèle du caractère très saillant du bebop, le jazz gagne aussi la variété, comme l’atteste le succès de Frank Sinatra (Come Fly With Me) et des artistes de jazz vocal. Sarah Vaughan (After Hours), Nina Simone (I Put a Spell on You), Ella Fitzgerald (Sings Duke Ellington Songbook) et Billie Holiday (Lady in Satin) côté femmes, Chet Baker (Chet) et Nat King Cole (Unforgettable) côté hommes, en constituent les plus grands interprètes et contribuent à populariser d’immenses standards associés à jamais à des voix uniques.

Un genre hyper relax, devenu presque parodique du jazz, naît dans les années 1950 : le cool. Initié par Miles Davis (avec l’album Birth of the Cool), ce courant fait émerger quelques instrumentistes soucieux de soigner les ambiances et de sonner de manière très douce, parmi lesquels Dave Brubeck (Time Out, Take Five) et son saxophone soprano au timbre inimitable.

Un peu à part dans cette scène, Stan Getz ramènera du Brésil la bossa-nova dans une série d’albums, où en compagnie de stars locales (Astrud et Joao Gilberto notamment sur le disque Getz/Gilberto), il fera briller son phrasé délié et mélodique.

Hard bop et modal : le jazz change de registre

Somethin-elseEn réaction au cool-jazz, un courant plus expressif et revendicatif naît à la fin des années 1950 : le hard bop. Allant chercher ses thèmes et ses phrasés dans le rhythm and blues, pratiqué majoritairement par des musiciens noirs, le genre fait florès sous la houlette des batteurs Art Blakey (et ses Jazz Messengers pour Moanin’) et Max Roach (sur We Insist!), du pianiste Horace Silver (Song for Father) ou encore du trompettiste Freddie Hubbard (Open Sesame).

Miles Davis, à part, réunit la crème des musiciens de son époque sur le disque Kind of Blue, qui ralentit le rythme du hard bop mais exploite brillamment le potentiel des « modes », série de gammes qui permettent de renouveler l’improvisation. John Coltrane (A Love Supreme, Giant Steps) Cannonball Adderley (Somethin’ Else), et Bill Evans (Waltz for Debby) participent à cet album qui a valeur fondatrice pour le jazz moderne.

Jazz-rock, l’explosion des styles

HeadhuntersSous l’impulsion de Miles Davis encore, une musique psychédélique et proche des rythmes binaires du rock naît à la fin des années 1960, à la faveur des albums In a Silent Way et Bitches Brew. Le célèbre trompettiste y a réuni la crème de ce que sera le jazz-rock des années 1970 : Herbie Hancock (Head Hunters), Chick Corea (Return to Forever), Keith Jarrett (Facing You, The Köln Concert) et John McLaughlin figurent parmi ces artistes ayant mêlé les deux grands courants de la musique d’alors pour produire une nouvelle matière sonore, à la fois planante et énergique.

Un jazzman comme Pat Metheny, guitariste et leader, tirera du jazz-rock quelques-uns de ses meilleurs motifs, sur ses disques Offramp, Pat Metheny Group

Aujourd’hui : le jazz dans tous ses états

ImmersionQu’il soit symphonique et orientalisant avec Ibrahim Maalouf, intimiste avec Youn Sun Nah (Immersion), gracieux avec les stars actuelles du jazz vocal comme Anne Paceo (Circles), Norah Jones (Come Away With Me), Diana Krall (The Girl in the Other Room) ou Madeleine Peyroux (Careless Love), traditionnaliste comme le prouve le succès du vétéran Ahmad Jamal (The Awakening), ou novateur avec les garçons de Gogo Penguin (Ocean in a Drop), le genre continue de multiplier les palettes d’expression et de séduire les amateurs et les profanes.

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
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