Monument de la littérature mondiale et œuvre d’une vie, À la recherche du temps perdu est une suite de sept livres devenus autant de pièces d’un édifice complexe, dont on découvre encore aujourd’hui l’infinie profondeur. Saga de la mémoire et du temps, l’imposante contribution de Marcel Proust reste un incontournable absolu. Le printemps 2019 est justement proustien : cette année marque en effet le centenaire du Prix Goncourt décerné à Proust pour À L’ombre des jeunes filles en fleur.
Un monde en soi
Résumer À la recherche du temps perdu en tait nécessairement la richesse. Ni autobiographie, ni véritable fiction, elle est une tentative de coucher l’intégralité d’une conscience sur papier. Racontant une suite d’épisodes familiaux, mondains et sentimentaux dans la vie bourgeoise d’un narrateur nommé Marcel, ainsi que quelques incises autour d’un ami de ses parents, Charles Swann, cette suite demeure avant tout l’histoire d’un « je ». La focalisation des sept romans (Du côté de chez Swann, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Le Côté de Guermantes, Sodome et Gomorrhe, La Prisonnière, Albertine disparue, Le Temps retrouvé) se concentre sur la perception de celui qui écrit. C’est à travers son interrogation sur les êtres, ses hypothèses psychologiques ou sociologiques, le cheminement de sa mémoire et les mécanismes de sa psyché qu’avance « l’intrigue », non par des péripéties.
Une boucle
Pour mettre en chantier cette œuvre colossale, Proust a bâti deux piliers : le premier chapitre de Du côté de chez Swann et le dernier du Temps retrouvé ont été écrit successivement. Puis l’auteur a complété les intermédiaires pendant de nombreuses années, n’ayant plus d’autre activité dans sa vie que noircir ces milliers de pages. Avec un style virtuose, dopé par de longues phrases, des métaphores étirées et des propositions imbriquées les unes dans les autres, il a écrit la complexité de notre pensée, nos erreurs, nos raisonnements. L’art, l’écriture, les mondanités, la vie des domestiques, l’homosexualité et la sociologie sont autant des thèmes abordés par La Recherche, au gré d’une expérience de durée, un temps de lecture si long et une phraséologie rythmée d’une façon si particulière qu’on a l’impression de monter à crû sur le fil d’une pensée.
Une pierre à l’édifice
Initialement refusé par les éditeurs, le premier tome de la Recherche fut publié à compte d’auteur en 1913. Quelques années plus tard, À l’ombre des jeunes filles en fleur obtint le Prix Goncourt, permettant à Proust, alors en pleine rédaction des suites, de bénéficier d’un début de reconnaissance. Mais c’est à titre posthume, une fois les derniers romans publiés en 1927, que l’on comprit l’ampleur de la tâche et la révolution que représentait cette œuvre inouïe. Outre le passage d’une expression dans le langage courant (une « madeleine de Proust » désigne une perception d’enfance qui réapparaît plus tard grâce à la mémoire), c’est la manière éminemment moderne avec laquelle l’écrivain s’était joué des codes du roman qui a marqué le XXe siècle. Céline, Kafka, Joyce ou Borges, avec d’autres techniques, ont transcendé ces schémas eux aussi, dans une brèche sans doute ouverte par Marcel Proust et sa cathédrale sur papier.
Le Printemps proustien
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Parution Février 1999 – 2408 pages
À la recherche du temps perdu, édition intégrale, Marcel Proust (Gallimard) sur Fnac.com
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Visuel d’illustration : Wikimedia Commons
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