Entre tranches de vie et souvenirs vintage, le portrait sensible et inspiré de la découverte de son homosexualité dans la France ouvrière des années 70 et 80.
Un premier roman autobiographique
Issu du milieu du théâtre, co-auteur notamment de la pièce Comme à la maison, l’auteur nous livre ici son premier roman. L’histoire de sa vie, de son enfance et de son adolescence surtout, dans « un village des coteaux lyonnais ». Écrit sous forme de fragments, sans chapitres clairement définis, Éric Romand nous invite dans sa famille, un milieu populaire des années 70 et 80. Il nous fait entrer dans le salon de son enfance dans lequel règne en maître la télévision et ses programmes, brillant comme des étoiles dans les yeux de cet enfant introverti. Sheila est son étoile polaire, son guide. Ses chansons joyeuses le réconfortent, et ses tenues scintillantes, même en noir et blanc, le font rêver : « Love me baby, with devotion ».
Éric Romand aussi veut croire à l’amour. Celui que lui apporte ses parents, mais aussi celui qu’on lui interdit, envers les garçons de son âge.
La découverte de son homosexualité
Comment apprendre à vivre sa sexualité, lorsqu’on est adolescent dans une famille qui n’accepte rien de ce qui soit différent d’une norme fantasmée, car les fins de mois étant difficile à boucler, vivre cette normalité est seulement rêvée. On préfère s’en prendre à des victimes faciles et qui font peur à cette famille : « nègres », « Arabes » ou homosexuels, notamment gays, car pour son père : « Deux femmes qui couchent ensemble, c’est pas pareil, surtout si elles m’invitent. »
« Tu ne vas quand même pas devenir une tantouse ! m’a soudainement balancé ma tante Paulette alors que je lui chantais Quel tempérament de feu, le dernier tube de mon idole. Mon père, lui, disait tata. » Sa mère quant à elle n’arrive même pas à prononcer le nom : l’homosexualité, la toile de fond de ce premier roman.
Il est dur de trouver sa place entre son père, sa mère… et Sheila, son moi idéalisé.
La musique pour refuge
« J’écoutais la chanteuse en boucle, allongé sur le lino du salon, les yeux rivés sur la pochette, l’oreille collée contre le haut-parleur ». Si Sheila représente une véritable bouffée d’oxygène pour le jeune Éric, c’est aussi toute une époque qui nous est restituée notamment à travers les objets : comme le « mange-disque rouge » dans lequel le jeune garçon fait tourner ses 45 tours et bien connu des plus de trente ans, mais aussi le « cendrier Ricard en plastique jaune », ou encore le « distributeur de cacahuètes ». Un doux parfum de nostalgie qui nous invite à la tendresse plus qu’à la colère, car le long chemin de la compréhension et de l’acceptation de soi sera pavé pour le jeune garçon de plus d’amour que de haine.
Les années passent entre petits bonheurs et attirance pour tout ce qui est féminin de la part du jeune garçon. Un passé qu’il revisite aujourd’hui avec un humour salvateur, et ce pour notre grand bonheur.
Éric Romand nous ouvre son album-photo. Entre polaroïds et pellicules surannées, les souvenirs se pressent. Un premier roman touchant, drôle et séduisant.
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Parution le 23 août 2017 – 108 pages
Mon père, ma mère et Sheila, Éric Romand (Stock) sur Fnac.com