Critique

Une brève histoire du temps avec Carlo Rovelli

25 mai 2018
Par Mathilde1
Une brève histoire du temps avec Carlo Rovelli

Physicien et directeur de recherche au CNRS à Marseille, Carlo Rovelli part à l’assaut d’une question de taille dans son dernier essai. Qu’est-ce que le temps ? À la fois familier et intime, il se dérobe sous nos pas dès que nous essayons de le comprendre. Aux côtés de Newton, Einstein et Hawking, Carlo Rovelli livre ses dernières découvertes dans L’Ordre du temps.

L-ordre-du-temps


Le temps, si proche et si lointain


« Qu’est-ce en effet que le temps ? Qui saurait en donner avec aisance et brièveté une explication ?… Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu’un pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus. » Ces quelques lignes célèbres de Saint Augustin dans Les Confessions (XI, 14, 17) datent du début du Vème siècle après Jésus-Christ. Et pourtant, elles auraient pu être écrites hier ! Carlo Rovelli, dans L’Ordre du temps, débute sa réflexion par la même aporie : le temps m’est familier, intime, nous passons notre journée à parler du passé, du présent, du futur, à nous donner des rendez-vous à des dates, des horaires, ou à clamer « Je n’ai pas le temps ! ». Nous sommes des êtres dans le temps, et même des êtres de temps, affirme Carlo Rovelli : « Qu’y a -t-il de plus universel et de plus évident que le temps qui passe ? ». Pourtant, la réponse n’est pas si aisée.  

La physique à l’assaut du temps


Les recherches scientifiques sur le temps, d’Aristote à Newton en passant par Einstein, ont démoli nos évidences et nos a priori. La physique moderne a mis à mal tout ce que nous pensions tenir pour acquis. Étudier le temps c’est, pour Carlo Revolli, comme prendre un flocon de neige dans sa main : il fond et finit par disparaître. 

Tout d’abord, nous pensons communément, que le temps est absolu, mesuré de manière scientifique par les horloges, qu’il s’écoule de manière uniforme d’un point A vers un point B, et qu’on peut l’ordonner selon la règle du passé, du présent et du futur. Faux ! Unicité, direction, présent ou indépendance ne sont pas des attributs dont dispose le temps. 

Par exemple, saviez-vous que le temps s’écoule plus lentement en montagne qu’en plaine ? Si vous partez habiter dans les Alpes et que votre sœur s’installe à La Rochelle, celle-ci vieillira moins vite, aura eu moins de temps pour vaquer à ses occupations, et ses plantes vertes auront moins poussé ! La vitesse ralentit également le temps, en plus des masses. Si désormais, vous demandez à votre sœur de rester immobile tandis que vous marchez d’avant en arrière… Le temps passera plus rapidement pour votre sœur ! Cet effet a été mesuré pour la première fois dans les années 1970 lorsque des horloges de précision ont été embarquées dans des avions à réaction. L’horloge sur terre retarde par rapport à celle envoyée dans l’espace. Quant au présent, il est tout relatif. Si votre sœur, toujours elle, est envoyée sur Proxima B et que je la regarde avec un télescope, quatre années nous séparent, temps que met la lumière pour parcourir la distance entre la terre et cette exoplanète. Le maintenant n’existe pas !

D’une manière simple et rigoureuse, avec un langage vivant exempt de formules mathématiques alambiquées (il n’y a qu’une équation dans l’ouvrage, celle du temps !), Carlo Rovelli étonne son lecteur en s’attaquant aux différentes strates du temps, qu’il déchire les unes après les autres, en s’appuyant sur la physique moderne.


De nouveaux territoires


La question demeure en suspens : qu’est-ce que le temps ? « La nature du temps reste un mystère. Peut-être le plus grand de tous », affirme Carlo Rovelli qui ne rechigne pourtant pas à livrer ses dernières hypothèses sur le sujet. Spécialiste de physique quantique, il décrit un monde constitué d’événements, une succession de processus mais vidé de « choses ». Difficile à croire ?  

Et si la physque ne pouvait pas répondre à toutes nos questions sur le temps ? Le physicien mondialement connu pour sa théorie de la gravitation quantique à boucles admet que la nature fondamentale du temps ou l’expérience que nous en faisons résistent à l’explication. Le temps est-il en nous, plutôt que dans la nature ? Ou plutôt entre nous et le Cosmos ? Le temps ne serait-il qu’émotion de celui-ci ? 

L’ordre du temps interroge, plus qu’il ne répond de manière définitive et exhaustive aux interrogations. Il a le mérite d’aborder le temps sous toutes ses coutures : de manière scientifique, bien sûr, mais en convoquant aussi philosophie et littérature, et, plus simplement, expérience vécue. Agrémenté de planches en couleurs, c’est un ouvrage contemporain à mettre entre les mains de tous les curieux. 


Ouvrage autobiographique rédigé entre 397 et 401 dans lequel Augustin d’Hippone raconte sa quête de Dieu, Les Confessions sont prétextes à de nombreuses exegèses littéraires et philosophiques. La question du temps est abordée dans le livre XI, dans lequel il propose une réflexion sur la condition humaine, sous le prisme de la temporalité. Ainsi la créature, c’est-à-dire l’homme, est éphémère, à l’inverse de son créateur, Dieu, permanent. À l’écoulement perpétuel s’oppose l’immuable. 
Saint Augustin étudie le temps de plus près et conclut à son non-être : le passé n’est déjà plus là, le futur n’existe pas encore, et le présent est fugace. Le temps n’existerait que dans notre esprit, et n’aurait pas d’être en lui-même. 
Un livre XI à relire pour aborder le temps d’un point de vue philosophique et existentiel.



Parution le 28 février 2018 – 288 pages

L’ordre du temps, Carlo Rovelli (Flammarion) sur Fnac.com


Aller + loin : Une brève histoire de…

Visuel d’illustration © Alexander Andrews

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