En 1968, Guy Boniface, trois-quatre centre du Stade Montois, meurt dans un accident de voiture. Son frère et coéquipier, André, arrête tout : le ballon ovale est derrière lui. Pourtant, cette page tournée doit se rouvrir pour sauver son club en déroute. « Un âge d’or du rugby, une histoire de renaissance, de transmission », que raconte Olivier de Baillenx. Rencontre.
Pouvez-vous nous présenter les frères Boniface ?
Olivier de Baillenx : « André et Guy Boniface, nés respectivement en 1933 et 1936, ont constitué une paire mythique de centres du Stade Montois et de l’Équipe de France de rugby dans les années 1950 et 1960. André, l’aîné, était un véritable penseur du jeu, athlétique, élégant, avec une vision, une qualité de course et de passe sans égal. Guy était davantage un acharné, teigneux et exubérant. Au contact de son frère aîné, il s’est mué en joueur de grande classe, rapide, sachant toujours bien se placer pour redynamiser une attaque. Tous deux se complétaient merveilleusement et la passe croisée qu’ils inventèrent traduit plus que tout autre mouvement l’osmose qui existait entre eux. »
Votre livre démarre après la mort de Guy Boniface ; qu’est-ce qui vous a amené à écrire sur cette période moins connue de la vie sportive d’André ?
« Guy est mort tragiquement le 1er janvier 1968, victime d’un accident de la route au retour d’un match. Pendant un an et demi, André n’a plus touché un ballon. Puis ses anciens compagnon de jeu en équipe de France, Michel Crauste et Jean Gachassin notamment, l’ont convaincu de rejouer lors d’un match amical. Les dirigeants du Stade Montois, mais aussi les jeunes joueurs, sont venus le chercher pour qu’il prenne en main l’équipe à une époque où elle se portait mal. Et il est revenu d’abord pour entraîner, puis, quelques mois plus tard, pour jouer à nouveau. C’est une histoire de renaissance, de transmission et de quête d’un jeu idéal que je trouve très touchante mais aussi inspirante. Un exemple magnifique, donné par un homme qui a aussi ses défauts mais qui a su convertir une bande de gamins et redonner du bonheur à tous ceux qui venaient voir jouer le Stade Montois, bien au delà des Landes. »
Les Boniface jouaient un rugby d’attaque flamboyant, André seul a-t-il poursuivi sur ce chemin ?
« Et comment ! Il l’exprime lui-même, être entraîneur-joueur était pour lui la meilleure façon de mettre en œuvre sur le terrain le jeu qui habitait sa tête, son cœur… et ceux de son frère. Je pense qu’il l’a aussi fait en hommage à Guy. Et ses équipiers sont entrés dans la farandole sans se faire prier. »
Était-il soutenu dans sa démarche à une époque où l’AS Béziers et ses avants dominent le championnat ?
« Soutenu, je ne sais pas. Toujours est-il qu’il proposait une véritable alternative au jeu tout en puissance des Biterrois. Il a sans doute inspiré d’autres équipes qui ont, petit à petit, remis en question la domination incroyable qu’a exercé le club héraultais pendant les années 70.»
Comment vous êtes-vous documenté ?
« Tout d’abord, en faisant des recherches dans la presse mais aussi chez les joueurs de l’époque dont certains ont conservé des archives de journaux, de photos sur cette époque. Ces joueurs, je les ai également rencontrés longuement et ils m’ont raconté leurs souvenirs, bons et moins bons, ces histoires de rugby qui en font un sport qui se voit mais aussi se raconte, se lit, se transmet par la parole. Enfin, André lui-même, rencontré à plusieurs reprises, a pleinement coopéré pour faire revivre une période de sa carrière sans doute moins connue que celle où il jouait avec Guy, mais qui est, à mon sens, tout aussi passionnante.»
Le rugby pratiqué au début des années 70 est-il très différent de celui d’aujourd’hui ?
« Oui, bien sûr, pour plein de raisons et surtout pour une : le temps passe. »
D’où vous vient cette passion pour le rugby ?
« Des histoires d’enfance, comme toujours. J’ai eu la chance de voir André jouer à la fin de sa carrière, étant souvent présent dans les tribunes du stade Barbe d’Or (désormais Guy Boniface) à Mont-de-Marsan, entre mon grand-père, membre du Stade Montois, et mon père tout aussi converti que moi-même. Mais ce que j’aimais le plus, c’étaient les matchs des phases finales, où tout se joue pendant 80 minutes, dans une autre ville, contre un club autant déterminé que le vôtre à poursuivre sa route vers la finale. On tremble, on vibre, on pleure parfois, on crie aussi… et on y retourne dès que possible.»
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Paru le 20 mars 2018 – 312 pages