L’Étranger d’Albert Camus n’a rien perdu de sa force ni de sa pertinence. Grâce notamment à un travail d’orfèvre sur la langue, Camus a écrit un ouvrage qui semble toujours d’actualité. À l’occasion de la journée mondiale de la francophonie, retour sur un classique intemporel.
La notion d’absurde
L’Étranger est le premier roman d’Albert Camus et le seul roman dans « le cycle de l’absurde » (qui compte aussi l’essai Le Mythe de Sisyphe, les pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu). À travers ces quatre œuvres, l’auteur français définit sa vision de la condition humaine. L’homme mène une vie dont le sens lui échappe, il ne comprend plus le monde qui l’entoure, et se retrouve étranger à son environnement, sa propre vie. Notion philosophique, l’absurde décrit aussi la façon d’être du personnage, son comportement, son ressenti. Des émotions très subtiles qui vont être véhiculées par une langue, une écriture très précise.
Une ouverture marquante
L’incipit du roman (sa première phrase, donc) est l’un des plus célèbres de la langue française avec le fameux « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » de la La Recherche du temps perdu de Proust.
« Aujourd’hui, maman est morte. », bénéficie ainsi de sa propre page Wikipédia, signe de célébrité absolue à l’ère 2.0. Laconiques, détachés, distants déjà, ces quelques mots définissent à la fois le personnage et son attitude vis-à-vis du monde. Un style simple, dépouillé (trop presque : à la lecture du manuscrit Malraux critiquera l’utilisation systématique des phrases « sujet, verbe, complément, point », Camus corrigera par la suite) qui résonne avec une époque de désenchantement (le roman paraît en 1942) et de désillusion.
Meursault, notre contemporain ?
Bien que profondément ancré dans l’ambiance et le ressenti d’après-guerre, le personnage de Meursault apparait plus actuel que jamais. Pour Camus, « Meursault, contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu’il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée ». À l’ère de Facebook, Instagram et Compagnie, bref à l’ère des faux-semblants (où l’on parait comme on le souhaite au lieu d’être véritablement), Meursault est plus que jamais une caisse de résonnance troublante et dérangeante. Ne nous renvoie-t-il pas à notre superficialité, ou du moins à celle de notre société ? Étranger, le personnage de Camus l’est encore aujourd’hui à ce monde tourmenté, déchiré. Mais, surtout, il est devenu un miroir déformant qui suscite le questionnement, et, qui sait, la révolte ?
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Première parution en 1942 – 192 pages
L’Étranger, Albert Camus (Gallimard, collection Folio) sur Fnac.com
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