Voilà plus de dix ans que Riad Sattouf, fils d’une bretonne et d’un Syrien, chronique et croque notre époque à grands coups de crayons et de traits d’humour drôle et grinçant, parfois cruel. Retour sur le « drôle » d’itinéraire de cet auteur-dessinateur phare de la BD made in France.
Enfance, adolescence… Ces deux espaces-temps intenses et étranges, propices aux révélations et transformations en tout genre, constituent pour Riad Sattouf d’inépuisables sources d’inspiration. Elles sont les racines de son œuvre, dont on s’amuse à lire depuis maintenant plus d’une dizaine d’années les différentes ramifications dessinées.
Périls jeunes
Né à Paris, Riad aura passé son enfance entre Algérie, Libye et Syrie avant de rappliquer en Bretagne à l’âge de 12 ans. Pour le jeune garçon, c’est le choc (des civilisations, des cultures…). Un malaise charnière qui traversera toute son œuvre à venir. Ces troubles juvéniles, il apprendra à les dépasser par le dessin et le rire. Ainsi s’amuse-t-il très tôt à mettre en images et en mots ces déroutantes péripéties adolescentes, entre poussées d’acné intempestives, pérégrinations sentimentales contrariées et contrariantes et virilité mise à mal… Ça commence avec Manuel d’un puceau et Ma circoncision, deux récits édités sous la houlette de Joann Sfar et inspirés de ses propres expériences. Ça se poursuit avec Jérémie, double de fiction de Riad dont il publie les Pauvres Aventures chez Dargaud (3 tomes rassemblés en une intégrale en 2013). Et on n’oubliera pas, évidemment, Retour au collège (album à l’origine de son premier long-métrage Les Beaux Gosses), La Vie secrète des jeunes (chroniques publiées par Charlie Hebdo entre 2004 et 2014)… Et puis son héros testostéroné au cœur tendre Pascal Brutal, déclinaison plus adulte des thèmes de prédilection de l’auteur-dessinateur, la satire politico-sociale en plus.
Une autobiographie du futur
Il fallait bien que ça arrive… Avec un tel parcours, Riad Sattouf se devait de se confronter frontalement à sa propre enfance. La petite. Celle passée en Syrie où malgré le conflit, une petite partie de sa famille réside toujours. Cette confidence dessinée, il la raconte dans son incontournable série best-seller L’Arabe du futur.
L’Arabe du futur, c’est lui, bien sûr. Un titre que Riad doit à son père qui, lorsqu’il était petit, ne cessait de lui répéter : « Tu dois y aller, parce que l’Arabe du futur va à l’école ». L’auteur-dessinateur revient donc sur cette période bouleversante de sa vie, nous plongeant au cœur de la Syrie des années 1980, dans le village rural de Ter Maaleh, mais sans jamais se délester pour autant de son humour et de son œil à la fois critique et bienveillant. Une autobiographie graphique fascinante.
Sociologue à hauteur d’enfant
Au fil des Cahiers d’Esther, Riad Sattouf continue aujourd’hui de capter l’air du temps, d’en croquer les tics et les travers avec sagacité et malice. Une approche sociologique toujours menée à hauteur d’enfant, à travers le journal intime (toujours inspiré d’une histoire vraie) de sa nouvelle et jeune héroïne. Derrière ce prénom d’Esther se dissimule une véritable petite fille, celle d’un couple d’amis, dont Riad s’amuse à « copier » le quotidien pour le « coller » ensuite à sa façon en dessins et en bulles. Esther avait 9 ans lorsque Riad commençait à en révéler les confidences dans les pages du Nouvel Obs. Elle en avait 10 lorsque fut édité le premier tome. Elle en a désormais 11 dans le tome 2, et entre en sixième dans le 3e volume. l’objectif avoué étant de publier un tome par an jusqu’à ses 18 ans. Ces Cahiers s’annonce donc comme un fantastique et vertigineux miroir – en construction – de notre époque. Et la promesse pour Sattouf, de beaucoup de boulot sur… la planche. Un comble pour un dessinateur.
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Photo de l’auteur © Olivier Marty/Allary Éditions
Planche de Riad Sattouf © Les Cahiers d’Esther, Allary Éditions
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