Les jours de la civilisation judéo-chrétienne sont comptés, quoique nous fassions. Au mieux, nous sombrerons avec panache et élégance, au pire, nous nous effondrerons sans style. Dans tous les cas, nous ne survivrons pas à nos errements et à la menace islamique. Tel est le postulat de Michel Onfray dans Décadence, somme perturbante, polémique et éminemment pessimiste. Finalement, une civilisation, c’est comme un homme : le compte à rebours vers sa mort est lancé dès la naissance…
Michel Onfray : ses influences…
La prose chargée de Michel Onfray charrie avec elle des siècles de philosophie, dont Friedrich Nietzsche, Oswald Spengler (dont Onfray a récemment préfacé L’Homme et la technique) ou plus récemment Samuel Hunttington constituent le climax.
Le concept de « décadence » est en effet utilisé par l’auteur du Crépuscule des idoles : est décadent celui qui choisit quelque chose qui l’affaiblit, et non quelque chose qui accroît sa puissance. Pour Michel Onfray, la civilisation judéo-chrétienne se meurt de ses propres égarements, plus qu’elle n’est tuée par un tiers. Après Nietzsche, les partisans de l’extrême droite ont jusqu’à aujourd’hui repris à loisir le terme. L’ouvrage de Michel Onfray s’inspire directement de l’œuvre majeure d’Oswald Spengler Déclin de L’Occident, publiée avant la Première Guerre mondiale, bien avant Le Choc des Civilisations de Samuel Huntington (1997), auquel on a pu l’associer.
Il y a un siècle, Oswald Spengler dressait un parallèle entre l’homme et la civilisation : les deux naissent, croissent, déclinent et meurent. Le compte à rebours vers la mort est lancé dès le premier jour sur terre et, la civilisation et nous-mêmes, nous mourons d’être nés. Cet essai historique plus que controversé de l’histoire des idées a été rejoint sur le banc des œuvres polémiques par Samuel Huntington en 1993, après la publication d’un article dans le magazine Foreign Affairs, suivi par Le Choc des Civilisations en 1997. Selon les thèses d’Huntingtones, les conflits mondiaux ne sont pas dus à des divergences politiques mais à des clivages culturels, dits civilisationnels, dans lesquels le fait religieux prendrait un place importante.
Une prédiction de la mort de l’Occident
L’essai d’Onfray est effrayant de déterminisme : la mort de l’Occident est inévitable, et en aucun cas nous ne pourrions le sauver à coup de réformes, de super-héros politiques, de conflits armés ou de pacifisme évangélisateur. De quoi se meurt-il ? D’être né ? L’invasion musulmane et le déclin d’un christianisme erratique sont les deux causes qui justifient le grand saut vers l’inconnu, selon Michel Onfray. Philosophe athée s’il en est, l’écrivain prédit lui aussi, à la manière des Écritures, son apocalypse. Le parti pris de Michel Onfray étonne, voire révolte certains intellectuels : si l’on peut concevoir que « l’invasion musulmane » aura raison de l’Occident, c’est sa haine envers l’héritage judéo-chrétien qui fait de lui un philosophe partial, adoré ou détesté. Et c’est cette même haine qui peut affaiblir la rigueur de la démonstration. Pamphlet ou essai ? L’on ne refera pas le débat sur l’objectivité des sciences-humaines, néanmoins l’analyse est ici ouvertement à charge.
Un fatalisme dérangeant
Le futur de notre civilisation est le néant : résolumment pessimiste, Michel Onfray n’admet pas le progrès ou la potentielle amélioration de notre système actuel. Mais n’est-il pas confortable d’être si fataliste : « Foutu pour foutu, il n’y a rien à faire… » ?
Peut-être que l’islam renversera la civilisation judéo-chrétienne… Mais si l’on réfute le déterminisme, que l’on ne croit pas en des prétendues lois en Histoire, tout reste à faire : les cartes sont sur la table. Il est souvent plus fécond et enrichissant intellectuellement de proposer des alternatives, de jouer avec, et d’exercer son intelligence à confronter tous les scénarios possibles. Au lieu de désespérer de ce que nous sommes, ne pourrions nous pas, au contraire, essayer de redonner un second souffle à l’Occident ?
En somme, Décadence est un ouvrage riche, foisonnant, résolument partial et polémique. Que l’on adhère ou pas à la prose de Michel Onfray, on ne peut que reconnaître le travail fourni et les questions politiques, religieuses et civilisationnelles que l’ouvrage suscite. Cosmos, La brève encyclopédie du Monde s’impose comme une œuvre contemporaine de référence, à adorer, critiquer mais surtout à interroger.
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Parution le 11 janvier 2017 – 656 pages
Décadence : vie et mort du judéo-christianisme Tome 2, Michel Onfray (Flammarion) sur Fnac.com
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