Et pourquoi pas une nouvelle rubrique, afin d’aller de temps en temps voir vers des livres plus anciens, ce qu’il s’y passe ? Allez, on révise nos classiques, et on commence par « Aurélien Malte », de Jean-François Chabas. Publié en 2001 chez Hachette, il fait depuis partie des livres à lire, de ceux qui construisent la base de la littérature adolescente.
Même si, il est vrai, chacun fait son choix, chacun grandit avec ses propres fondements… Pas d’obligation ici, pas de choix non discutés. Vous découvrirez ce qui, pour moi, a fait de la littérature jeunesse ce qu’elle est actuellement, en 2013.
Aurélien Malte a 36 ans. Il termine sa peine de 13 ans de prison et fait la rencontre d’une visiteuse, Anne, pendant sa dernière année d’emprisonnement. Il va lui écrire, très régulièrement, sans jamais lui faire lire son précieux cahier. Il revient alors sur sa vie à l’intérieur de ces murs gris et étriqués. Ce qui l’a emmené ici, bien sûr, puisque la curiosité du lecteur veut savoir, mais pas seulement. Son enfance, l’amour qu’il vouait à son grand-père, ses problèmes familiaux. Une descente aux enfers comme il y en a des milliers, mais décrite avec des mots qui résonnent. Une écriture parfois innocente – le comble pour un prisonnier qui reconnait les faits dont on l’accuse -, et une ambiance décrite avec tellement de justesse que les 123 pages suffisent à ressentir le malaise et la détresse d’Aurélien. Anne, la visiteuse, représente la liberté qui l’effraie, l’avenir qu’il pense incertain, la fraîcheur qu’il a oubliée. On en connaît peu sur elle, ce qu’elle veut bien lui raconter, mais ses lettres n’ont pas besoin de réponse, puisqu’elles tiennent tout le récit à elles-seules. L’art et la violence mènent une lutte acharnée et vaine dans le quotidien du prisonnier, qui fait tout pour ne pas devenir fou entre ces quatre murs sales.
Aurélien Malte est un véritable roman épistolaire, qui laisse au lecteur un sentiment de confidence. Puisqu’il n’enverra pas ces lettres, Anne est un peu en chacun de nous, et nous partageons ces moments d’intimité qu’il rêve de vivre avec elle. Nous tentons, par notre lecture, de lui apporter le soutien et la lumière dont il a tant besoin. Très souvent en prescription scolaire au collège, C’ est un roman juste et émouvant, où la raison pour laquelle il est en prison passe en second plan. On assiste avant tout à la rêverie d’un homme, à son retour sur son passé douloureux, à son goût pour l’art qui l’a sauvé de la folie.
Pour moi, Aurélien Malte, c’est un vrai « classique », de ceux dont on se souvient longtemps après l’avoir dévoré. Il a construit plus solidement ce qui fait la base de mes goûts en littérature jeunesse. Sur le même thème, un peu plus difficile, on trouvera l’excellent Lettres de l’intérieur de John Marsden, publié à l’Ecole des Loisirs. Loin du milieu carcéral, le roman épistolaire a continué à inspirer les auteurs, aussi bien pendant des conflits historiques – Une bouteille dans la mer de Gaza, de Valérie Zénatti, ou Inconnu à cette adresse, de Kathrine Kressmann Taylor – que pour dépeindre un quotidien parfois trop gris – La plus grande lettre du monde, de Nicole Schneegans, ou Moi, Delphine 13 ans, de Brigitte Peskine. Des lettres qui restent sans voix ou une vraie correspondance qui se tisse, le roman épistolaire reste une belle façon de raconter une histoire, avec tout le génie qu’il faut pour que le lecteur en apprenne suffisamment pour s’attacher aux héros.
Jean-François Chabas est un auteur connu, reconnu, même. Depuis 1995, il a publié pas moins de 35 livres, chez Casterman, Hachette, l’Ecole des Loisirs. Les secrets de Faith Green, paru en 1998, se fait très vite une place dans le panorama de littérature jeunesse. 23 prix, dont le prestigieux Tam-Tam, ça n’est pas rien… Il publie Aurélie Malte en 2001, et après 12 ans, presque autant que la peine du héros, il continue à plaire, à être lu, à interroger aussi.
En fait, Jean-François Chabas a tout à fait réussi ce tour de force, tout en douceur. Aurélien Malte, on le connait, on peut le comprendre, on veut qu’il s’en sorte. Et c’est tout ce qui fait de ce roman un classique de la littérature adolescente.