Les casques de réalité virtuelle utilisent déjà les images et le son, mais qu’en est-il des autres sens ? Plusieurs entreprises cherchent des moyens d’y intégrer le toucher, l’odorat et le goût pour des expériences plus immersives. Tour d’horizon.
Dans l’imaginaire collectif, la réalité virtuelle ultime serait une immersion parfaite au point d’être difficile à distinguer de la vraie vie, voire quelque chose de plus intense et de plus intéressant. Dans la réalité, les casques sont encore un marché de niche et la stimulation des autres sens s’adresse avant tout à un public professionnel.
Le toucher : plusieurs pistes à explorer
Après la vue et l’ouïe, le toucher est le sens sur lequel les entreprises travaillent le plus. Il permet de rendre les interactions avec l’environnement plus intuitives et réalistes, et donc de rendre le monde virtuel plus immersif. Bien que l’on pourrait considérer ce secteur comme étant encore expérimental, car il n’y a pas encore de standards bien établis, il existe déjà plusieurs produits dont le design est finalisé et qui sont prêts à être vendus, généralement à des professionnels.
La plupart des équipements haptiques – qui reproduisent le sens du toucher – se concentrent sur les mains, puisque cela aide avec la préhension d’objets et la faculté à distinguer différentes textures. Par exemple, l’entreprise néerlandaise Senseglove a créé une paire de gants haptiques qui transmettent des vibrations et créent une résistance contre la main pour imiter la présence d’un objet. Aujourd’hui, ils sont déjà utilisés par l’armée néerlandaise, le concepteur automobile Volkswagen et plusieurs universités, à des fins de recherche, de formation et de marketing. Toujours pour les mains, les Italiens de Weart ont conçu des sortes de dés à coudre à mettre sur le pouce, l’index et le majeur. En plus de la résistance et des vibrations, ils permettent de ressentir le froid et la chaleur. Eux aussi s’orientent pour l’instant vers des usages professionnels.
Un autre type de produit haptique a fait son apparition : les vestes. Actronika, basée à Paris, a ainsi conçu Skinetic, une veste sans manches équipée de 20 moteurs pour reproduire différentes sensations, comme une averse, un coup ou le souffle d’une explosion. Contrairement aux entreprises précédemment mentionnées, Actronika s’intéresse avant tout à une utilisation dans le divertissement et à la vente aux particuliers. Malheureusement, cela ne veut pas dire que c’est un produit facilement accessible : en vendant une veste à 500 €, Actronika n’a obtenu que 35 000 euros sur les 97 000 espérés lors de sa campagne de financement participatif sur Kickstarter le mois dernier.
Des chercheurs vont encore plus loin. Des scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ont inventé une seconde peau haptique : souple et flexible, cette peau artificielle constituée de silicone et d’électrodes pourrait être utilisée aussi bien pour la réalité virtuelle que pour aider des patients en rééducation.
L’odorat : des appareils bientôt commercialisés pour les professionnels
Si le toucher est le sens qui a le potentiel le plus évident en réalité virtuelle, quelques entreprises s’intéressent tout de même à l’inclusion de l’odorat. Les Américains d’OVR Technology ont créé un dispositif qui s’accroche à un casque de réalité virtuelle pour délivrer des odeurs à des moments précis et à différentes intensités. Ils estiment que leur technologie peut rendre des formations professionnelles plus immersives pour certains métiers où l’odorat est un sens capital, comme la lutte contre les incendies, l’armée ou le secteur pétrolier. Dans l’univers médical, ils ont créé une expérience de relaxation qui utilise la vue, l’ouïe et l’odorat pour inviter à la méditation.
Du côté du made in France, c’est Olfy qui occupe ce terrain. La start-up a remporté le prix Revolution Start-Up de Laval Virtual en 2021. Le dispositif, similaire à celui d’OVR Technology, propose jusqu’à cinq odeurs différentes par expérience en réalité virtuelle. Les senteurs de base viennent d’huiles essentielles, mais chaque client peut être mis en relation avec un nez (un créateur de parfums) pour réaliser une expérience personnalisée. Pour l’instant, Olfy s’intéresse avant tout aux professionnels pour des utilisations marketing, avec une commercialisation prévue pour l’été 2022.
Le goût : encore au stade expérimental
Le toucher et l’odorat sont déjà compliqués à retranscrire séparément dans la réalité virtuelle, mais le goût est un sens d’autant plus complexe qu’il comprend des odeurs et des sensations physiques comme les textures et la température. Le goût pourrait donc être considéré comme l’un des obstacles ultimes de la réalité virtuelle.
Parmi les inventions dans ce domaine, l’université nationale de Singapour a développé le Vocktail, pour virtual cocktail. Un verre connecté à une application pour smartphone qui donne l’illusion de boire un cocktail au lieu d’un banal verre d’eau. Pour cela, des lampes colorent le liquide, des électrodes stimulent la langue pour donner un goût sucré, amer ou acide et des odeurs sont envoyées vers le nez grâce à des micropompes équipées de cartouches. C’est un début, mais il faut tout de même un verre d’eau à portée de main, ce qui n’est pas des plus pratiques dans la réalité virtuelle.
Au Japon, une autre invention utilise aussi l’électrostimulation pour imiter le goût : des baguettes qui permettent de donner un goût salé à des aliments. À l’Université de Tokyo, un dispositif permet même de donner l’illusion de mâcher des aliments en donnant des impulsions électriques au niveau de la mâchoire. Tout cela est à un stade expérimental depuis plusieurs années et risque de l’être encore longtemps, tant la simple action de manger est en réalité complexe à simuler.
Aujourd’hui, seuls les casques de réalité virtuelle – capables de stimuler la vue et l’ouïe – sont réellement accessibles aux particuliers. L’accélération de l’innovation pour les dispositifs de simulation du toucher, de l’odorat et du goût dépendra non seulement de la popularité du metaverse dans les années à venir, mais aussi du type d’expérience que les utilisateurs en attendent.