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Hectar : quand la tech aide à construire l’agriculture de demain

28 février 2022
Par Pauline Garaude
Hectar : quand la tech aide à construire l’agriculture de demain
©Hectar

Intelligence artificielle, drones, robotique, FoodTech… Hectar entend faire la part belle à l’innovation pour répondre aux défis de l’agriculture de demain. Et commence l’aventure avec 11 start-ups issues pour beaucoup de l’AgriTech. Nous avons visité le plus grand campus agricole au monde.

À une heure de Paris, dans la vallée de Chevreuse, la ville semble déjà très loin. Partout, des forêts et des champs à perte de vue que traversent des routes sinueuses, parfois à peine goudronnées. C’est là, au Domaine de la Boissière, à Levis-Saint-Nom, qu’est implanté sur 600 hectares le plus grand campus agricole au monde. Fondé par une ancienne conseillère d’Emmanuel Macron, Audrey Bourolleau, et par Xavier Niel, Hectar veut réunir l’agriculture, la tech et l’esprit d’entreprise sur un même site. Il accueillera ainsi un campus de formation, un accélérateur de start-ups et d’innovations, des espaces de coworking, une ferme pilote en agriculture régénératrice et 50 hectares pour expérimenter les innovations techniques et culturales.

L’innovation au cœur du projet

L’objectif : soutenir l’entrepreneuriat agricole, notamment grâce à la tech. Le 16 février dernier, Hectar a officiellement lancé dans ses corps de ferme rénovés le top départ de l’accélération des 11 premières start-ups sélectionnées pour démarrer l’aventure. « Le volet innovation d’Hectar est devenu plus central qu’imaginé au départ. D’un programme axé sur les repreneurs de fermes, nous sommes passés à un écosystème AgriTech, avec davantage de start-ups dont les technologies pourront apporter des solutions », détaille Francis Nappez, directeur général d’Hectar (et cofondateur de BlaBlaCar).

En témoignent les pépites sélectionnées (des jeunes pousses déjà établies, avec un chiffre d’affaires de 350 000 €, et au moins dix salariés) : toutes répondent aux besoins du secteur agricole dans quatre domaines, dont l’AgriTech (IA, robotique, équipement) et la FoodTech (alimentation). Assister les agriculteurs au quotidien et réduire la pénibilité de leurs tâches, les aider à diversifier leurs sources de revenus et les guider avec la data, qui permet de prendre les bonnes décisions : les 11 pépites désormais « accélérées » prônent toutes des technologies pour une agriculture et une alimentation plus durables.

Faciliter la prise de décision avec la data

« Les données acquises grâce à l’AgriTech facilitent la prise de décision et il y a tout un parcours à créer autour de la donnée, son accès, sa valorisation et l’aide finale offerte aux agriculteurs », avance Francis Nappez. Alvie, une plateforme d’IA, a ainsi développé une appli pour l’optimisation de produits phytosanitaires et de biocontrôle. Comme l’explique Edita Bezegova, cofondatrice de la jeune pousse : « Hygo prend en compte des dizaines de paramètres pour conseiller au mieux les agriculteurs sur la composition et l’usage de produits phytosanitaires. Notre assistant intelligent de pulvérisation repose sur des capteurs embarqués et une plateforme intelligente. Cela permet de réduire les pulvérisations de 40%. »

Cofondée par trois fils d’agriculteurs, dont Simon Denonnain, Aptimiz commercialise une solution permettant de mesurer automatiquement le temps de travail en agriculture – nombre d’exploitants essaient en effet de mieux organiser leurs activités pour dégager du temps. « S’appuyant sur la géolocalisation avec des capteurs Bluetooth installés sur les machines et les outils, notre application mobile détermine automatiquement le temps passé par un agriculteur sur un matériel et les tâches effectuées. Les données sont ensuite remontées à l’interface web. L’agriculteur peut alors les consulter pour préciser une tâche, en supprimer une autre, pour mieux organiser son travail et mieux anticiper les périodes les plus chargées, afin de prévoir la quantité de main-d’œuvre ou le matériel adapté pour répondre à ses besoins. »

De son côté, la start-up RGX a développé des caméras intelligentes reprenant les techniques de l’imagerie spectrale pour la détection précoce de pathologies dans la vigne. « Les viticulteurs surtraitent la vigne pour s’attaquer à des maladies que l’œil humain à lui seul ne peut détecter. Nos caméras intelligentes permettent, elles, de détecter toutes les pathologies et de cibler le traitement », précise l’entreprise fondée par les frères Nedeltchev, qui ont grandi dans les vignes de Bourgogne.

Réduire la charge de travail avec la “cobotique”

À cet usage de la data s’ajoutent la robotisation et les solutions visant à réduire les tâches ingrates et difficiles, comme le désherbage. Pas question pour autant de remplacer les humains par des machines : Francis Nappez n’imagine d’ailleurs pas la ferme de demain comme un amoncellement de technologies gérées par une intelligence artificielle. « Il y a un prisme sur lequel nous ne voulons pas aller : la technologie comme remplacement. Je n’y crois pas. Il faut que les agriculteurs prennent la décision finale et pilotent leurs fermes. La technologie doit aider à augmenter la valeur directe. »

Pour réduire la charge de travail des agriculteurs et les accompagner dans leur prise de décision, Touti Terre a conçu un autoporteur électrique pour les maraîchers, afin d’assister les tâches de désherbage, de plantation et de récolte. Une innovation née d’une aventure familiale. « Elle a débuté en 2011, quand ma sœur Laurence, maraîchère en agriculture bio, s’est retrouvée face à des besoins d’outillage. Je suis designer de formation et notre père, lui, est ingénieur en électronique », explique Flore Lacrouts-Cazenave, devenue présidente de la start-up.

©Dimitri Klosowski

« Notre solution est la “cobotique”, une collaboration entre l’homme et la machine où l’assistance robotique permet plus de précision, un gain de temps indéniable et une pénibilité bien moindre ! Le cobot, le “robot”, est connecté à une plateforme de données qui analyse les tâches et aide les agriculteurs à trouver les bonnes solutions pour prendre les bonnes décisions en temps réel. »

Rendre la technologie accessible aux agriculteurs

Tous les agriculteurs ne sont pas des geeks en herbe ! Pour coder et développer des solutions numériques faciles, Hectar ira piocher ses profils tech à l’École 42 (le dernier pôle tech de Xavier Niel, basé à Perpignan). « Il faudra faire évoluer ces codeurs dans un contexte agricole afin qu’ils comprennent les besoins réels et les contraintes des agriculteurs », promet Francis Nappez. Soucieux que cette technologie soit abordable tant dans son utilisation que dans son coût, il prévient : « Si votre marché correspond aux agriculteurs, votre technologie doit être accessible. Il faut étudier précisément son coût, car elle ne doit pas provoquer une rupture économique avec un taux d’adoption faible si le prix de vente est inabordable pour des agriculteurs qui, souvent, peinent déjà beaucoup enfin de mois. »

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Article rédigé par
Pauline Garaude
Pauline Garaude
Journaliste
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