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Vers une agriculture 4.0 durable et raisonnée

28 octobre 2021
Par Pauline Garaude
Vers une agriculture 4.0 durable et raisonnée
©Shutterstock

Alors qu’en 2019 les agriculteurs représentaient en France 1,9 % des actifs, ce secteur connaît un renouveau dynamique porté par l’innovation technologique, la data et l’intelligence artificielle. En témoigne l’éclosion florissante de start-ups de l’AgriTech, pour une agriculture et une alimentation plus durables.

Le monde agricole est un terrain propice pour les start-ups innovantes issues du numérique. Agriculture de précision, nouvelles pratiques moins pénibles, assistance et gestion de l’exploitation, optimisation des coûts, distribution locale… Qu’elles permettent de mieux produire ou facilitent les interactions entre agriculteurs ou avec leurs fournisseurs et clients, ces jeunes pousses de l’AgriTech ont toutes un point commun : elles amassent, traitent – à l’aide de l’intelligence artificielle – et exploitent des données de tout type (marché, météorologique, géographique, agronomique…) et doivent permettre aux agriculteurs d’améliorer leur modèle économique, leur rendement ou leur empreinte environnementale. Les nouvelles technologies inventent l’agriculture de demain : une agriculture high-tech 4.0.

Bienvenue dans la French AgriTech

Parce que la France est le premier producteur agricole d’Europe et que l’écosystème des start-ups de l’AgriTech et de la FoodTech est l’un des plus dynamiques du continent, le gouvernement a lancé le 30 août dernier le programme « French AgriTech » : une enveloppe de 200 000 € pour promouvoir, sur les cinq années à venir, le développement de solutions accessibles aux agriculteurs et aux consommateurs pour une agriculture et une alimentation durables. Ce programme, qui va aider à la promotion de quelque 380 start-ups, est d’autant plus nécessaire que le défi agricole est de taille : 160 000 fermes sont à reprendre d’ici trois ans, soit un tiers des fermes françaises, 70 000 emplois agricoles sont à pourvoir chaque année et 20 % des sols agricoles souffrent d’érosion.

Xavier Niel a, lui, cofondé Hectar (la « Station F de l’agriculture ») qui ouvrira ses portes aux start-ups en janvier 2022 dans la Haute Vallée de Chevreuse. Plus grand écosystème agricole au monde, il regroupera sur un même site un campus de formation, des espaces de recherche et d’expérimentations, un accélérateur de start-ups, des espaces de séminaires et pédagogiques, et une grande ferme en agriculture régénératrice. Le patron de Free entend « rendre l’agriculture sexy » et attirer 2 000 jeunes par an, pour en faire des agriculteurs-entrepreneurs, générateurs de projets durables – suffisamment intéressants pour conquérir les investisseurs. « Nous devons attirer une génération entière de jeunes pour changer l’agriculture, produire mieux, moins cher et plus intelligemment », explique-t-il.

Des drones pour produire mieux

Les drones ont été parmi les premières technologies utilisées dans l’agriculture, car ils favorisent la précision. Dotés de capteurs, ils facilitent l’analyse de toute une panoplie de données (niveau d’azote, de chlorophylle, biomasse, taux d’humidité, stress hydrique…) grâce auxquelles les exploitants peuvent adapter précisément l’utilisation d’intrants. Ces technologies ont d’ailleurs permis d’en diminuer l’utilisation, facilitant ainsi l’agriculture durable et raisonnée. La start-up Abot se positionne comme un acteur majeur de cette transition.

Le portique enjambeur et doté d’outils de la start-up NéoFarm procède ici à un semis.©Pauline Garaud

Le drone agricole sert également à assister les éleveurs, surveillant les troupeaux et leurs déplacements dans les parcs et pâturages. Et, en janvier dernier, l’association Naturama, spécialisée dans l’écopâturage, a lancé l’appli « Mon berger local » pour mettre en relation éleveurs et bergers avec des particuliers, entreprises et collectivités territoriales. Une application géolocalisée, en économie circulaire, qui participe au développement local et rural.

Robots et intelligence artificielle

La robotisation des pratiques culturales, associée à l’IA, est un autre volet primordial de cette « nouvelle agriculture ». En témoigne NeoFarm, une start-up qui se penche sur des modèles de fermes de maraîchage clé en main. Ici, high-tech et agroécologie se côtoient : deux modèles complémentaires destinés à se développer conjointement. En plus d’un portique enjambeur robotisé, équipé d’une dizaine d’outils qui réalisent des tâches culturales (semis, plantation, désherbage, récolte…), la jeune pousse a développé une application de gestion intelligente de l’activité maraîchère, des capteurs et automatismes, permettant entre autres le contrôle de l’irrigation et de l’aération.

Ces nouveaux agriculteurs, de jeunes entrepreneurs issus d’écoles d’agro-ingénierie pour la plupart, rivalisent d’imagination pour proposer de nouvelles solutions, y compris dans le traitement biologique des cultures. Chez les vignerons, dont les maladies et le gel sont la bête noire, UVBoosting est une solution d’avenir très prometteuse. « Notre machine Hélios flashe les feuilles avec des UVC, ce qui permet d’augmenter la sécrétion d’acide salicylique et donc l’autorésistance de la feuille aux maladies comme au gel. Notre technologie n’est pas un substitut aux intrants, mais elle permet de réduire de 40 % leur utilisation », précise Baptiste Rouesne, directeur général de la start-up fondée il y a quatre ans.

UVBoosting protège les vignes par flash. Son directeur général, Baptiste Rouesne, fait ici la démonstration de cette machine devant le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, et le secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique Cédric O.©Pauline Garaud

Avec plus de 500 millions d’euros levés en 2020, les start-ups françaises de l’AgriTech se hissent à la cinquième place mondiale. Nul hasard à ce que le gouvernement ambitionne de faire de la France « le berceau mondial de l’AgriTech ».

Article rédigé par
Pauline Garaude
Pauline Garaude
Journaliste