
Après avoir tout écrasé avec ses deux précédents albums, le poids lourd du rap français semble destiné à tout raffler avec Diamant noir, grosse bijouterie de 17 titres dont la moitié réunit le gratin en featurings. Alors, c’est carré ?
Lundi 7 avril, la nuit noire est déjà tombée sur Paris et la scène surréaliste résume à elle seule l’insolent succès du kid de Montreuil : après avoir fêté la naissance de son troisième album, Diamant noir, dans une Cigale pleine à craquer, Werenoi s’échappe de sa propre release party au volant de sa Lamborghini ; comme s’il était déjà l’heure d’aller écrire d’autres bangers pour Gotham City. Le moment dure 12 secondes et c’est presque déjà une éternité quand on sait que Jérémy Bana Owona n’était encore personne il y a quatre ans.
Werenoi, tu connais ?
Les chiffres ont de quoi affoler tous les comptables du rap game. En quelques années et avec seulement deux albums, le blaze de Werenoi s’est imposé sur toutes les lèvres, et surtout dans tous les classements. Laboratoire et Chemin d’or, extraits de l’album Carré, cumulent à eux seuls 250 millions d’écoutes sur Spotify et Werenoi était en 2023 et 2024 le plus gros vendeur de disques devant Gims ou Damso.
Loin des grosses « déclarations » façon Booba sur X ou des tentations grand public façon Bigflo et Oli, l’homme au béret a braqué tous les charts grâce à un flow « monototune » et quelques punchlines bien senties qui saturent quotidiennement des milliers d’AirPods. « Le plus malin, c’est pas celui qui l’ouvre non, c’est celui qui s’tait », scande le rappeur sur son titre La league. Bon résumé du personnage, beaucoup moins show off que pas mal de ses confrères, à la fois discret sur sa vie privée et mystérieux comme un Damso, mais bien décidé à revendiquer son titre de champion du stream. Étaler les billets sur la table ou démarrer en trombe dans sa Lambo, c’est bien plus que faire du bling-bling-rap, c’est montrer au monde qu’on peut se payer des gros cailloux grâce aux beaux mots. Bel exploit social, à seulement 31 ans.
Une formule pas révolutionnaire, juste efficace
Néanmoins, disons-le franchement : Diamant noir ne réinvente pas la recette de l’album rap ; il surfe simplement sur un mode d’emploi éprouvé depuis plusieurs années. Une tracklist pléthorique (17 titres), une somme d’invités qui ressemble au Top 20 de Spotify (Damso, Kalash, Vacra, SDM, Ninho) et des clips mixant grosses berlines, gangs de mecs cagoulés dans des hangars et armes à feu (1 million de vues pour 11.04.2025 en seulement 24 heures, qui dit mieux ?).
Pour autant, le style Werenoi c’est tout sauf un énième débat old school associant les rappeurs à la violence. Originaire du 93, à Montreuil, celui qui s’est fait connaître avec le titre Scarface livre avec Diamant noir un récital à la hauteur des espérances : à la fois bourré de spleen, de productions ultra-efficaces (par Barbe Noire ou Noxious) et de mélodies scotchées dans le cerveau (Jalouse avec Vacra et SDM est un modèle du genre), il est calibré pour garantir à la révélation masculine de l’année aux Flammes 2023 un hold-up sans brutalité sur tout 2025.
S’il n’est donc pas révolutionnaire – la stratégie étant d’inonder les plateformes de streaming avec presque autant de titres que de bangers et de featurings XXL –, ce troisième album lâche les coups sans retenue pour confirmer le statut international de Werenoi.
« Je suis toujours resté concentré / Sinon comment faire autant de blé ? », fait semblant de s’interroger le principal intéressé sur First. Puis de rajouter : « On n’est plus des gosses / on est des boss », sur Boss (ft. Dystinct). Dur de faire plus clair : le rookie rappeur a mis toute la concurrence au tapis.

De Depardieu à Rihanna
Diamant noir, c’est aussi l’occasion de rencontres inattendues, et on ne pense pas forcément aux noms des invités sur la pochette digitale. Outre les productions associant les boîtes à rythmes à l’autotune et aux pianos sentimentaux, on y croise également une référence au pif de Gérard Depardieu et au crâne de Fabien Barthez (sur Colisée), une autre à Rihanna (sur Riri) et même indirectement à la politique mobilité d’Anne Hidalgo.
En bref, même si les novices auront du mal à tout comprendre au langage Werenoi, lui a réussi en un temps record à imposer son franc-parler auprès d’une génération que peu de monde comprend vraiment. Avec la sortie de Diamant noir, le périphérique semble désormais s’étendre bien au-delà du trafic français pour celui qui aime décoiffer les radars en Lamborghini : Werenoi va clairement trop vite, surtout pour la police du bon goût.