![Timothée Chalamet dans le rôle de Bob Dylan dans Un parfait inconnu.](https://leclaireur.fnac.com/wp-content/uploads/2025/01/inconnu-00-1-1256x826.jpg)
Le film avec Timothée Chalamet est une vibrante reconstitution des années 1960 et de l’évolution musicale de l’époque, alors que Bob Dylan émerge et change la donne.
Avec Un parfait inconnu, James Mangold revitalise le genre du biopic en se focalisant sur une période bien précise de la vie de Bob Dylan, lorsque le chanteur explose dans la musique folk avant de s’orienter vers l’électrique.
Le film, qui bénéficie d’un casting exceptionnel et d’une reconstitution minutieuse de l’époque, parvient à développer toute la particularité de la personne et de la carrière de Bob Dylan sans jamais dévier de son postulat initial.
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New York, 1961. Le jeune Bob Dylan arrive en ville avec sa guitare et tente de se faire un nom dans la musique folk. En rencontrant certaines des figures emblématiques de l’époque – dont Pete Seeger, incarné par le brillant Edward Norton –, Dylan va bouleverser les codes d’un style en perdition et accéder à la célébrité.
Un parfait inconnu est construit en deux parties. L’ascension de Bob Dylan dans la folk, puis sa transition vers l’électrique. James Mangold – qui s’est déjà essayé au genre du biopic musical avec Walk the Line (2005) sur Johnny Cash – traite de l’expression artistique et humaine d’un musicien anticonformiste, solitaire et profondément libre dans sa musique et son écriture, qui façonne la période selon sa seule sensibilité. Au point de le rendre antipathique ? Un parfait inconnu ne cherche pas à faire aimer Bob Dylan et le place volontairement en dissonance avec tous les autres personnages ; marque de fabrique d’un génie visionnaire. Seuls sa musique et ses textes splendides parlent pour lui et en sa faveur.
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Un parfait inconnu est donc un film très musical. James Mangold prend le temps d’enchaîner les tableaux et les séquences en reproduisant certains des titres les plus célèbres de Bob Dylan tels que Mr. Tambourine man, Girl From the North Country, The Times They are A-Changin’, Blowin’ in the Wind et bien sûr Like a Rolling Stone.
L’aspect musical est la grande force du film. En permettant aux interprètes de jouer eux-mêmes les chansons, du chant à la guitare en passant par l’harmonica, James Mangold ajoute une authenticité immédiate au projet et offre aux comédiens l’opportunité de composer une partition complète dans le jeu.
La force d’un casting impliqué
Timothée Chalamet devient Bob Dylan dès les premiers accords : l’acteur arrive à retranscrire le mal-être intemporel du chanteur face à la célébrité et au « star system » imposé par l’industrie. À ses côtés, Monica Barbaro interprète Joan Baez – qui a partagé la vie de Bob Dylan pendant un temps – et s’illustre comme la grande révélation du film. L’actrice – qui chante et joue de la guitare également –, particulièrement charismatique, semble tout droit sortie des années 1960 et incarne les plus belles séquences du film.
Car si Chalamet est excellent, son rôle l’oblige à être en opposition avec tous les autres personnages. Des protagonistes qui brillent par leur bienveillance envers Dylan, malgré son attitude et son « égoïsme » affiché. Monica Barbaro vole ainsi la vedette dès qu’elle apparaît, tout comme Edward Norton, profondément touchant dans ce rôle de mentor fou amoureux du folk. Boyd Holbrook, plus rare dans le film, incarne avec brio un impertinent Johnny Cash, sorte de « grand frère » de Dylan qui l’encourage dans sa liberté artistique, tandis qu’Elle Fanning – au rôle plus ingrat – permet d’aborder la vie sentimentale de l’artiste.
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Libre à tout prix
Le film questionne ainsi l’icône qu’est Bob Dylan, mais aussi la définition même de la musique et de l’art. Dès ses débuts, l’artiste refuse d’être catégorisé dans un seul genre et conspue même l’idée que la musique soit divisée à ce point. Seule la création du moment compte. Le passage à l’électrique est ainsi vécu pour Bob Dylan comme une simple continuité et une possibilité d’expérimenter de nouveaux sons. Pour les autres, et pour certains fans, c’est une trahison.
Le film parvient à créer de l’empathie à la fois pour le protagoniste et pour tous ceux impactés par son comportement. En introduisant d’abord un Bob Dylan sensible et authentique, la star qu’il devient, plus refermée et solitaire, conserve une certaine candeur. Si le personnage fait tout pour être détesté (sauf quand il prend sa guitare), il ressort de son anticonformisme une sorte de tristesse. Oui, Dylan est libre d’être ce qu’il veut, mais il est libre en étant seul.
Au total, Bob Dylan c’est plus de 30 albums, des centaines et centaines de concerts, plus de 60 ans de création et un prix Nobel de littérature – il est le seul auteur-compositeur-interprète à l’avoir reçu. Face à la grandeur du mythe, James Mangold fait le choix pertinent de limiter au maximum son sujet et ne tente pas l’impossible en voulant raconter toute la vie de l’artiste.
Son postulat en main, le cinéaste ne s’éparpille jamais et s’affranchit de certains codes établis par le genre du biopic. Le film pourrait en être abstrait – il ne cherche pas à raconter Dylan en dehors de sa musique –, mais il gagne en intemporalité. Une façon pour James Mangold de poser des questions sur les sujets abordés et de montrer ce qu’est Bob Dylan, plus que de raconter qui est Bob Dylan. Une respiration nécessaire dans le genre alors que la mode du biopic connaît une ascension sans fin.
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D’une certaine façon, James Mangold adopte vis-à-vis du genre du biopic la même posture que celle de Bob Dylan vis-à-vis de la musique folk. Libre d’en faire ce qu’ils souhaitent, en dépit des conventions. Pour autant, le film – comme la musique de Dylan – garde une structure lisible, sans tomber dans l’expérimentation chaotique (comme a pu le faire Todd Haynes avec I’m not There, son film sur Bob Dylan interprété par plusieurs acteurs et actrices).
Un parfait inconnu est ainsi une tranche de vie contenue au casting prestigieux et aux séquences musicales savoureuses qui contient l’essence même du symbole Bob Dylan. Son approche de la musique vue dans le film sera la même pour les 60 années suivantes.
Un parfait inconnu, de James Mangold, avec Timothée Chalamet, Monica Barbaro, Edward Norton et Elle Fanning, 2h20, au cinéma le 29 janvier 2025.