Critique

Le dossier Maldoror : un thriller dense et sordide qui explore la discorde policière et humaine

10 janvier 2025
Par Pablo Baron
Anthony Bajon “Le dossier Maldoror”, en salles le 15 janvier 2025.
Anthony Bajon “Le dossier Maldoror”, en salles le 15 janvier 2025. ©Sofie Gheysens

Inspiré d’une affaire pédo-criminelle qui a profondément marqué la Belgique dans les années 1990, ce nouveau polar de Fabrice du Welz, en salle le 15 janvier prochain, nous plonge dans l’obsession d’un gendarme en quête de justice et au cœur d’un système policier dysfonctionnel.

Belgique, 1995. Deux fillettes d’environ 8 ans sont portées disparues. Ainsi débute une histoire librement inspirée de l’affaire Marc Dutroux, un scandale pédocriminel qui avait révélé l’inaction de la justice et la cacophonie policière de l’époque. Trois ans après l’échec commercial de son thriller Inexorable, Fabrice du Welz signe ici l’un de ses projets les plus ambitieux. 

Un récit ancré dans un drame historique 

Anthony Bajon, connu pour ses performances dans La prière (2018), Au nom de la terre (2019) et Teddy (2020), incarne Paul Chartier, un jeune gendarme idéaliste et fougueux. Dès le témoignage d’un suspect récidiviste, Paul découvre une piste concernant la disparition des fillettes. Il rejoint alors l’enquête Maldoror, une opération de surveillance complexe. Malgré les interdictions répétées de ses supérieurs et des autres services de police, Paul s’entête, déterminé à rendre justice à tout prix. 

Anthony Bahon dans Le dossier Maldoror. ©Sofie Gheysens

Le casting réunit des habitués du réalisateur, comme Laurent Lucas dans le rôle de l’adjudant-chef, Alba Gaia Bellugi dans celui de la femme de Paul, ou encore Jackie Berroyer en collaborateur immonde. Sergi Lopez livre une performance glaçante en Marcel Dedieu, personnage inspiré de Marc Dutroux. Si Anthony Bajon impressionne par son intensité, son visage poupon contraste parfois avec l’image d’un justicier indomptable et obsessionnel. 

Un thriller captivant, mais entravé par une narration confuse 

Adapter une affaire aussi complexe en 2h33 est un défi de taille. Le film s’attaque à sept années d’enquête, mais la quantité de ramifications et de rebondissements finit par diluer la clarté du récit. La narration, alternant entre images d’archives, conflits internes à la police et affrontements personnels de Paul, devient parfois décousue.

Certaines scènes, comme le mariage de Paul, semblent trop longues et peu pertinentes. Ces séquences auraient pu être évitées pour rendre le film plus digeste et haletant. Cependant, la descente progressive de Paul dans l’obsession et la paranoïa est brillamment mise en scène, offrant un point de rupture presque cathartique pour le spectateur. 

Un décor sombre pour explorer le mal 

Le film mêle plusieurs genres – thriller, film noir, drame social – et s’appuie sur une esthétique froide et austère. Les décors industriels de la Belgique des années 1980, les scènes nocturnes et les atmosphères poisseuses renforcent l’impression d’un monde gangrené par la violence et la misère. 

Le dossier Maldoror. ©Frakas Productions – The Jokers Films – One Eyed – RTBF – FWB – France 2 Cinéma

Les comparaisons avec Seven (1995) ou Zodiac (2007) sont évidentes, notamment dans les scènes où Paul rampe dans des caves et garages désaffectés à la recherche des corps. L’obsession de ce dernier rappelle celle de Jake Gyllenhaal dans le film de David Fincher sorti en 2007, tandis que l’atmosphère lugubre du film rejoint l’obscurité et le désespoir d’un film comme Prisoners (2013) de Denis Villeneuve.

À mesure que l’enquête progresse, les disparitions s’accumulent, et Paul perd de vue sa propre vie, au point de négliger la naissance de sa fille. Fabrice du Welz capture l’horreur de ce réseau pédocriminel tentaculaire à travers des scènes d’une noirceur oppressante, qui poussent le spectateur à guetter chaque ombre et chaque frémissement dans l’obscurité. 

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Un film imparfait, mais nécessaire 

Au-delà de dénoncer les dysfonctionnements policiers d’une époque pré-réforme Octopus (1998), Le dossier Maldoror interroge les limites de l’acharnement individuel face à une hiérarchie corrompue. Fabrice du Welz livre un film dense, parfois confus, mais qui éclaire une affaire tragique qui a marqué l’Europe entière. 

Bande-annonce du Dossier Maldoror.

L’affaire Marc Dutroux a non seulement révélé des failles institutionnelles, mais aussi permis des avancées, comme la création en 1998 de Child Focus, une fondation pour enfants disparus et exploités sexuellement. Avec ce thriller sombre et viscéral, le réalisateur belge rappelle que, face au mal, le courage individuel ne suffit pas toujours à triompher.

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