Le film, réalisé par Barry Jenkins, raconte l’histoire du père de Simba. Sans grand intérêt, malgré la prouesse technique évidente.
La popularité du Roi lion est incontestable. Considéré pour beaucoup comme le meilleur film d’animation des studios Disney, le long-métrage sorti en 1994 est devenu le symbole d’une époque, distingué par ses chansons emblématiques – adaptées ensuite en comédie musicale –, son histoire shakespearienne et ses personnages désormais cultes. Un succès qui s’explique aussi par l’aspect dramatique de son récit, à commencer par la célèbre mort de Mufasa, le père de Simba, des mains de Scar, le frère jaloux et envieux.
C’est justement cette relation fraternelle que Barry Jenkins veut raconter dans Mufasa, le roi lion, le nouveau film en live action des studios Disney, attendu dans les salles obscures le 18 décembre.
Mais avant Mufasa, c’est bien Simba qui est revenu sur le devant de la scène grâce au film d’animation ultraréaliste Le roi lion de Jon Favreau, sorti en 2019. S’intégrant dans la volonté du studio de réaliser des remakes en prises de vues réelles de ses grands classiques, Le roi lion a battu tous les records en récoltant 1,662 milliard de dollars au box-office mondial, devenant alors le film d’animation le plus lucratif de l’histoire (un titre dérobé cette année par Vice-Versa 2 et ses 1,698 milliard de dollars).
« On peut être paralysé par son propre choix ou par les attentes des autres. Si j’avais lu le scénario, sans l’aimer, tout en acceptant le film, cela aurait été quatre années très longues. Le scénario m’a vraiment touché. »
Barry JenkinsRéalisateur
Devant ce succès, Disney décide de continuer d’explorer l’univers de la terre des lions en lançant la production d’une suite/préquelle, Mufasa, le roi lion, permettant d’explorer les origines du souverain emblématique. Pour réaliser ce film, qui garde donc la même approche esthétique que le long-métrage de 2019, le studio se tourne vers Barry Jenkins, réalisateur primé de Moonlight (Oscar du meilleur film en 2016) et de Si Beale Street pouvait parler (2018).
Traiter de l’héritage et de la transmission
Si le choix du cinéaste peut intriguer, Barry Jenkins s’en défend sans mal à l’occasion d’une table ronde organisée pour la sortie du long-métrage. « Je n’avais pas les mains liées. C’était une belle opportunité de raconter une histoire sous cette forme et pour être honnête, avec ce film, j’avais un contrôle absolu, une liberté infinie. Je pouvais créer toutes les images imaginables, il n’y avait aucune contrainte technique. »
C’est finalement l’intérêt principal de ce Mufasa. Voir comment un auteur venu du cinéma indépendant s’est approprié une histoire définie tout en respectant les exigences d’un studio. Mufasa, le roi lion ne brille pas par son audace, mais Barry Jenkins arrive à lui offrir un souffle suffisamment authentique pour y déposer sa touche personnelle. Toute l’histoire tourne autour de la transmission et de l’héritage, une thématique longuement abordée dans ses créations précédentes et qui explique pourquoi cette nouvelle réalisation n’est pas simplement un prequel.
Le film commence après la fin du Roi lion et voit Rafiki (accompagné de Timon et Pumbaa) raconter une histoire à la fille de Simba et Nala, Kiara, alors que ses parents se sont absentés et que l’orage gronde. Le film joue avec l’idée de la narration, du conte transmis à une nouvelle génération pour faire passer des messages. Avec le cycle de la vie, qui se répète inlassablement, mais aussi les symboles qui reviennent régulièrement dans la mythologie du Roi lion, le film témoigne d’un onirisme intéressant et d’une grande poésie.
« La personne qui fait Moonlight ne fait pas, typiquement, Mufasa, le roi lion ; mais la personne qui regarde Le roi lion, enfant, n’était pas la personne qui fait ensuite Moonlight. Cela reste deux facettes de moi. C’était agréable de combiner ces deux éléments de ma vie. »
Barry JenkinsRéalisateur
Plusieurs années avant les événements du Roi lion, Mufasa, jeune lionceau séparé des siens, fait ainsi la rencontre du prince Taka et devient son frère adoptif. L’attaque d’une meute étrangère pousse les deux frères à s’embarquer dans un voyage lointain, pour espérer trouver une terre promise. Au fil du long cheminement des deux personnages et de leurs différentes rencontres, les relations s’écrivent et évoluent, transformant la complicité en rivalité, alors que Mufasa s’élève dans l’honneur et que Taka tombe dans la bassesse.
Le début du film, prometteur, pose simplement les enjeux, avant de se perdre en chemin avec des péripéties qui n’en finissent plus. Pas désagréable, mais bien trop long. Le dernier acte, enfin, tombe dans la surenchère explicative et tente de donner une réponse à tous les événements vus dans Le roi lion, soulevant l’un des grands problèmes du long-métrage.
En voulant tout expliquer et tout montrer, Mufasa perd en mysticisme et en intérêt. Malgré l’aspect conte, qui demeure la piste la plus intéressante du film, il enchaîne les scènes façon origin story pour à peu près tous les symboles du premier film. Comment les personnages se sont-ils rencontrés ? Comment sont-ils devenus ceux qu’ils sont ? Comment l’organisation de la terre des lions s’est-elle construite… ?
À trop vouloir raccrocher les wagons, le film de Barry Jenkins est paradoxalement confus : la lente construction des personnages est expédiée en quelques secondes sur la fin pour atteindre le statu quo connu de tous dans Le roi lion. Le film aurait gagné à rester plus énigmatique, plus superficiel. Tout dire et tout montrer ne le rend pas plus profond pour autant.
Une émotion sacrifiée par le réalisme à l’excès
En conservant l’approche réaliste du film de 2019, Mufasa, le roi lion fait face à un autre souci majeur : son manque d’expressivité et de personnalité. La prouesse technique est évidente. Le film enchaîne les tableaux impressionnants et l’animation est capable de montrer des lions plus vrais que nature, mais, là aussi, l’intérêt se questionne. Pourquoi chercher à ce point le réalisme, pour mettre en scène des animaux qui parlent et qui chantent ?
Le film d’animation de 1994, avec son style 2D et sa direction artistique mémorable, était nettement plus attachant.
Dans Mufasa, le roi lion, les félins se ressemblent tous – rendant la compréhension de l’action parfois difficile – et aucune émotion ne parvient à naître de ces animaux en CGI sortis tout droit d’un documentaire du National Geographic.
Seules quelques scènes plus symboliques parviennent à renouer avec l’émotion. Barry Jenkins est à son meilleur quand il s’éloigne de ses personnages et les traite volontairement comme des archétypes et des symboles, faisant le lien entre les différentes générations montrées, de Mufasa à Kiara, retournant à la force du cycle de la vie. « J’ai revu le film original pour en saisir l’énergie. Mais ce qui m’a réellement touché, c’est de voir la comédie musicale à Broadway, je m’en suis énormément servi comme source d’inspiration. »
Mufasa, le roi lion a-t-il finalement un intérêt ? Le retour en terre des lions est sympathique, assurément, mais le film se révèle particulièrement vain et insipide. Pire encore, il impose des explications et des justifications là où ce n’était pas nécessaire.
L’imagination avait déjà offert aux personnages du Roi lion leur passé et leur histoire. Statuer dessus et choisir de tout montrer nuit à la symbolique. Avec ses chansons oubliables – malgré la présence du talentueux Lin-Manuel Miranda, qui ne signe pas sa meilleure composition – et son humour mal senti – Timon et Pumbaa ne sont là que pour dédramatiser la situation, à l’excès –, le résultat est dispensable. Mufasa, le roi lion tombe malheureusement dans la catégorie des films qui ne marqueront pas le public, malgré la volonté manifeste de Barry Jenkins de traiter cet héritage avec respect et importance.
« Il y a quelque chose dans le film original qui fonctionne et résonne même 30 ans après. Les gens ont une connexion profonde avec Le roi lion de 1994. »
Barry JenkinsRéalisateur
Si Mufasa, le roi lion n’est pas honteux en tant que tel, il ne convainc pas – tout comme le film de 2019, d’ailleurs – et rappelle une nouvelle fois que le véritable roi des lions reste encore et toujours le film d’animation de 1994 : plus beau, plus sincère, plus touchant, et plus créatif.
Mufasa, le roi lion, de Barry Jenkins, avec les voix françaises de Tahar Rahim, Alban Ivanov et Jamel Debbouze, 1h58, au cinéma le 18 décembre 2024.