Critique

Avec La Cage, Franck Gastambide valide-t-il son statut de réalisateur de la street culture ?

08 novembre 2024
Par Thomas Ducres
“La Cage”, le 8 novembre sur Netflix.
“La Cage”, le 8 novembre sur Netflix. ©Netflix

Porté par le succès de Validé, Gastambide revient le 8 novembre sur Netflix pour faire saigner des mâchoires avec la première série française consacrée au MMA. Pas vraiment une surprise pour ceux qui le suivent depuis Les Kaïra : quand il est question de filmer la trop sous-estimée culture urbaine, là aussi, tous les coups sont permis.

Dana White. Son nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose, mais sa présence à la tribune ce mercredi 6 novembre pour célébrer la victoire de Donald Trump dans la course à la Maison-Blanche en dit beaucoup. Cet Américain de 55 ans est, dans son genre, une véritable légende de la culture white trash et du MMA. Président controversé de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), il s’est fait une place de choix dans l’octogone en co-inventant dès 2004 The Ultimate Fighter, série américaine de téléréalité dédiée aux arts martiaux mixtes (dits MMA ou free fight).


Malgré (ou peut-être à cause de) sa présence au banquet de la victoire de Trump ou ses déclarations homophobes, sa notoriété de l’autre côté de l’Atlantique va de pair avec celle du MMA ; un sport officiellement (et tardivement) reconnu par la France en 2020, et extrêmement populaire sur les réseaux sociaux grâce à son côté sulfureux. Quatre ans après cette légalisation sur le territoire, Franck Gastambide enfile les gants dans La Cage, première série française ayant pour ambition de filmer les coulisses de ce sport longtemps interdit. Pari réussi ?

Faire une clé de bras au destin

Choisir Gastambide pour porter l’histoire de Taylor, un jeune combattant sans le sou souhaitant percer dans la compétition sans règles, est tout sauf une erreur. La marmite de la street culture, le Français est tombé dedans quand il était petit : passionné par les pitbulls dès l’âge de 13 ans, muni d’un CAP d’agent de sécurité et proche de la galaxie Kourtrajmé où il fait ses premières armes, le réalisateur était sur le papier un choix évident pour l’écriture de ce qui est au final la première série au monde à raconter le MMA de l’intérieur.

On y suit les galères de Taylor, incarné par Melvin Boomer, l’acteur révélé dans Le Monde de demain (Arte) où il campait le jeune JoeyStarr. Face à lui dans La Cage, le très musclé Ibrahim (joué par Bosh, déjà aperçu dans… Validé). Au milieu : pas vraiment d’arbitre, mais une intrigue à la Rocky et des rêves de gloire pour des outsiders dans un univers aussi impitoyable que douloureux et fascinant.

On le comprend rapidement en découvrant les cinq épisodes du show : les dialogues ne sont pas la vraie force de cette production (c’est même plutôt l’inverse). Les scènes de combats, réalistes, sont la véritable attraction – jusqu’au fight épique de l’épisode 5, d’une durée de 16 minutes.

©Netflix

Et comme il est ici question d’une série Netflix, tous les coucous sont permis : on pense au caméo remarqué de Ragnar le Breton (lui-même passionné par le MMA) et surtout à la présence au casting de légendes du sport, notamment Georges Saint-Pierre et Jon Jones. Bref : tout est fait pour réunir novices et puristes. Un peu trop sans doute. La Cage verse davantage du côté fiction à regarder en famille, pour le grand désespoir des amateurs du côté le plus sombre de la pratique.

Des scores de visionnage OK par KO

Gastambide, lui, valide ce parti pris : « [Avec La Cage], j’assume d’essayer de faire en sorte que le plus large public aime l’histoire que je vais raconter », déclarait-il récemment à l’AFP. Pas de quoi accuser de trahison celui qui a depuis longtemps prouvé son habileté à toucher un large public en combinant une approche sans maquillage de la culture urbaine avec un sens certain du divertissement.

©Netflix

En 2020, Validé, sur les coulisses de l’industrie du rap, faisait un carton sur Canal+ avec 10 millions de spectateurs en une semaine pour la saison 2. Les Kaïra en 2012, avec son humour décomplexé et son casting composé de rookies du cinéma, avait, lui aussi, trouvé son public avec plus d’un million d’entrées en salles, un score inattendu pour une comédie de ce type.

Quant à Medellin, son dernier film sorti en 2023 sur Prime Video, il a également atteint les sommets avec la première position dans 54 pays. Et là encore, le réalisateur-acteur avait frappé fort en incrustant Mike Tyson au casting.

©Netflix

Les sports de combat, comme le rap : deux passions fortes chez celui qui n’hésite pas à remplacer le Eye of the Tiger de Rocky par un track d’A$AP Ferg pour rythmer les entraînements de Taylor dans La Cage. Mais, comme dans le film culte de Stallone, l’arc narratif est le même : le mythe du self-made man né dans la rue. Et ça marche toujours.

Apash, Taylor et le rêve de la street cred’

Forcément, difficile de ne pas penser à Apash, le rappeur incarné par Hatik dans Validé quand on découvre Taylor en train d’encaisser les coups sans broncher. La passion de Gastambide pour les coups dans le ventre, au propre comme au figuré, explique une partie de sa filmographie.

On pourrait lui reprocher d’avoir été, comme dans Validé, trop gourmand en apparaissant lui-même dans sa propre série (le rôle du coach surnommé… Boss), mais c’est une énième preuve d’amour à la culture urbaine et l’on ne voit pas quel autre média de masse que Netflix pour toucher le plus grand nombre.

©Netflix

À travers l’ascension de Taylor, Gastambide boucle donc ici une boucle. Mais reste-t-il le porte-étendard de cette jeunesse née avec La Haine, ou devient-il peu à peu le « produit » de ce qu’il dénonce ? Que celles et ceux qui trouvent que La Cage manque de percutant se rassurent : une saison 3 de Validé devrait bientôt faire son retour sur le ring.

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