Depuis sa création, la licence n’a jamais cessé de se renouveler pour conquérir de nouveaux publics, comme en atteste le succès du récent film d’animation Le Commencement.
Un pilier de la pop culture a fêté il y a peu ses 40 ans. Fin 1983, la société Hasbro lance une nouvelle gamme de jouets inspirés de l’univers des mechas japonais. Un concept révolutionnaire à l’époque : ces robots articulés peuvent se transformer en véhicules. Pour populariser ce qui devient rapidement les Transformers, l’entreprise lance une série de produits dérivés : comics, cartes à collectionner et autres dessins animés sont alors mis en production, avec un succès éclair.
Un dessin animé qui parie sur l’écriture de ses personnages
À quelques jours de la sortie du film d’animation Transformers : le commencement, la rédaction de L’Éclaireur a eu la chance de s’entretenir avec son réalisateur, Josh Cooley (Toy Story 4, Soul, Vice Versa…). Ce dernier nous a confié son ressenti, partagé par de nombreux téléspectateurs des années 1980.
« Comme tous les enfants de ma génération, j’ai grandi avec les dessins animés Transformers, et j’en ai toujours gardé une certaine nostalgie ! […] Quand on m’a proposé de diriger un nouveau film dans cet univers, c’était évidemment un grand honneur ! »
Il faut dire que la saga a bien rapidement débordé de son cadre. C’est en 1984 que le premier dessin animé voit le jour, coproduit par les studios Marvel, Sunbow (GI Joe) et Toei Animation, la firme japonaise derrière Dragon Ball, Albator ou encore Les Chevaliers du Zodiaque. Une équipe solide, qui lui assure une grande popularité au Japon.
Cette première série compte près de 100 épisodes et scotche une génération entière de spectateurs devant leur téléviseur. Loin de toujours briller par ses aspects techniques, elle se fait néanmoins remarquer pour la qualité de ses intrigues, plutôt élaborées pour l’époque et pour ce type de productions.
Toute la mythologie développée dans les premiers comics se structure et s’organise : les vaillants Autobots, les fourbes Decepticons, l’exil depuis la planète Cybertron, la guerre civile tragique et sans fin. Comme le rappelle Josh Cooley : « Quand les Transformers arrivent sur Terre, ils ont presque le statut d’entités divines. Mais ce sont avant tout des personnages avec des histoires, des personnalités complexes, des conflits élaborés, une mythologie, un passé… »
Une approche qui culmine avec le film d’animation La Guerre des robots, paru en 1986. Mal reçu à l’époque malgré son casting vocal extrêmement prestigieux (ultime rôle au cinéma d’un certain Orson Welles), son animation élaborée et son scénario poussé, il est aujourd’hui considéré comme cultissime.
Il faut dire que son scénario politique complexe, les nombreuses morts de personnages principaux et sa conclusion douce-amère étaient d’un avant-gardisme remarquable pour un dessin animé pour enfants. Une production audacieuse, qui a poussé nombre de créateurs et de scénaristes à le réévaluer par la suite.
Des blockbusters qui ont revitalisé la franchise et divisé les fans
Dans les années 1990, la saga ne parvient pas à se départir de son image de produit pour enfants qui met en scène des jouets qui se transforment en engins de chantier. De nombreux jeux vidéo et cartoons sont produits à la chaîne, mais même ceux qui sont salués pour leur approche fine et complexe de l’intrigue (comme Transformers: Beast Wars entre 1996 et 1999) peinent à attirer un large public.
Transformers revient sur le devant de la scène quand Paramount Pictures, Hasbro, Dreamworks et un certain Steven Spielberg relancent la saga au cinéma, en la confiant au réalisateur de films d’action Michael Bay, qui en tire cinq longs-métrages entre 2007 et 2017.
Axées sur le très grand spectacle, un humour pas toujours fin et des intrigues mettant davantage en scène les humains que les Autobots, ces œuvres divisent. D’un côté, la communauté les salue pour leur capacité à rassembler un large public et à proposer des effets spéciaux dignes des combats spectaculaires entre machines géantes.
De l’autre, beaucoup de fans regrettent une mythologie trop simplifiée et des personnages sacrifiés sur l’autel des séquences à grand spectacle. C’est ce qui conduira les studios à proposer un reboot complet avec le film Bumblebee en 2018, cherchant à revenir à un équilibre plus fort entre action débridée, humour grand public et véritable tension dramatique.
Mais on ne peut pas enlever à cette époque le fait qu’elle a contribué à élargir la notoriété de la licence, à faire connaître ses personnages et à ouvrir le champ des possibles. À l’ère des blockbusters, Transformers a réussi à passer du statut de marque de jouet des années 1980 à pilier incontournable de la pop culture mondiale.
Un film d’animation acclamé qui ouvre une nouvelle phase pour la saga
Cette renommée planétaire a ainsi donné la possibilité de lancer des projets certainement plus risqués, à l’image de ce nouveau film Transformers : le commencement, une origin story confiée à un réalisateur et scénariste venu de chez Pixar et connu pour la grande finesse de la psychologie de ses personnages.
Le résultat est une œuvre à la fois familiale, mature et extrêmement surprenante dans sa manière d’aborder la licence. Elle revient sur les origines de l’antagonisme entre les Decepticons et les Autobots, et raconte la rencontre, sur fond de conflit aux frontières du post-apocalyptique, entre les futurs ennemis mortels Megatron et Optimus Prime.
Le scénario prend la forme d’un voyage dangereux en quête d’un artefact dans lesquels des personnages bien connus de la saga entament un passage à l’âge adulte, sur fond d’enjeux de plus en plus grands, alors qu’un drame se noue entre les deux héros. Une structure quasi shakespearienne, qui n’est pas sans évoquer celle des grands péplums de l’âge d’or de Hollywood.
« C’est à la fois un film d’aventure dont les péripéties peuvent prendre une tournure quasi biblique et un film très centré sur l’évolution des personnages, admet le réalisateur. Il s’agit d’un groupe qui évolue et qui apprend ensemble, et c’était passionnant de les faire évoluer dans ce cadre. »
La réussite de Transformers : le Commencement s’explique, outre la qualité de sa réalisation, par sa capacité à assumer un sous-texte politique adulte (le rejet des hommes providentiels et des faux prophètes, la nature de la légitimité du pouvoir…) et à savamment doser l’action, l’intrigue et un humour qui parlera aussi aux plus jeunes spectateurs.
« Nous avons fait en sorte que B-127 (le futur Bumblebee) soit drôle, mais pas bête, confie Josh Cooley. C’est un personnage qui a un regard frais et presque naïf sur ce qui se passe, mais qui est aussi très courageux et jamais réduit au rôle de sidekick. »
Un succès que l’on doit aussi sans doute au fait que Transformers : le commencement ne donne jamais l’impression d’être une simple origin story ou qu’il y ait une nécessité de connaître l’univers de la licence pour être apprécié. Comme nous le confirme le réalisateur : « Ce film n’a jamais été pensé comme une suite ou un prequel. Il s’inscrit dans un univers connu, mais j’ai vraiment souhaité que ce soit une œuvre à part entière et qu’on puisse aller la voir sans connaître les autres Transformers. »
De fait, il est extrêmement appréciable de voir aujourd’hui un film de licence tenir aussi bien par lui-même et offrir un récit bien structuré, clair, qui s’adresse à un large public, sans jamais devoir renier son univers. Ce n’est sans doute pas un hasard si Transformers : le commencement a été acclamé par un parterre de professionnels lors du dernier Festival d’Annecy, et c’est une excellente nouvelle pour une saga qui n’a, en quatre décennies, jamais cessé de se renouveler.