Décryptage

Le roman-photo fait son come-back

21 août 2024
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“La Fabrique du prince charmant”, d'Ovidie et Sophie-Marie Larrouy (Seuil, 2024).
“La Fabrique du prince charmant”, d'Ovidie et Sophie-Marie Larrouy (Seuil, 2024). ©Le Seuil

Des années 1950 à 1980, une place de choix était réservée aux romans-photos dans les rayons des librairies… avant qu’ils deviennent totalement ringards. Après avoir disparu, ils reviennent à la mode. Zoom sur l’histoire de cet ovni littéraire.

Ringard ou tendance ? À la croisée de l’album de bande dessinée, de la mise en scène théâtrale et des séquences découpées d’un film de cinéma, le roman-photo a bercé toute une génération… avant de tomber en désuétude. Mais, récemment, deux nouvelles parutions ont remis au goût du jour cet objet culturel atypique.

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L’âge d’or du roman-photo

Des dialogues mièvres, des réactions surjouées, des mises en scènes complètement kitsch et des baisers langoureux. Voici la recette du parfait roman-photo. Le genre voit le jour dans l’après-Seconde Guerre mondiale, notamment en Italie. Rapidement, la mode se propage et plusieurs revues françaises se lancent dans l’aventure. Le succès est immédiat.

La Fabrique du prince charmant, d’Ovidie et Sophie-Marie Larrouy (Seuil, 2024).©Le Seuil

Si l’association de la photographie au texte n’est pas nouvelle – dès la fin du XIXe siècle, le photographe français Félix Nadar imaginait des interviews photographiques pour Le Journal illustré –, le roman-photo propose quant à lui des feuilletons aux intrigues captivantes et divertissantes. Des histoires d’amour et de vengeance qui permettent aux lecteurs et lectrices de s’évader de la dureté du quotidien de l’après-guerre. Miroir d’une époque désormais portée vers le rêve et le fantasme, le roman-photo, alors peu coûteux, s’impose dans les habitudes culturelles de cette génération.

Un périodique restera dans les annales : Nous deux. Créé en 1947, le magazine spécialisé dans les histoires sentimentales écoule plus de 1,5 million d’exemplaires par semaine en 1971. Un record ! Il doit sa popularité notamment aux célébrités, telles que Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Dalida ou Joe Dassin, qui se mettent volontiers en scène dans ses pages. Le roman-photo et ses mises en scène loufoques et colorées incarnent la génération yéyé et l’image d’Épinal des années 1970. À l’époque, le phénomène est tel que chaque publication lance sa propre rubrique. Comme Charlie Hebdo, qui, de 1979 à 1980, publie le feuilleton d’actualité politique Les Pauvres sont des cons, imaginé par l’humoriste Coluche.

Guacamole Vaudou, de Fabcaro (Seuil, 2022), met en scène Éric Judor.©Le Seuil

À la fin des années 1970, le roman-photo atteint son pic de popularité. Un français sur trois en lit alors régulièrement. Mais c’est déjà le début de la fin. Le genre passe de mode et se raréfie. La cause de ce déclin ? L’arrivée en masse des postes de télévision dans les foyers. Au tournant des années 1980, les chaînes se diversifient et les feuilletons télévisés éclipsent ceux des romans-photos.

Le roman-photo se réinvente

En voie de disparition depuis près d’un demi-siècle, le roman-photo n’a pourtant pas dit son dernier mot. En 2017, le Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) à Marseille consacrait une exposition à l’histoire de cet objet trop souvent qualifié de ringard et le hissait en symbole de la culture populaire. Il faut dire que sa force de frappe a toujours fasciné et son potentiel créatif a continué d’inspirer des artistes, tels que la photographe Marie-Françoise Plissart qui a publié cinq romans-photos depuis les années 1980. Par ailleurs, le magazine emblématique Nous deux n’a jamais cessé son activité. Pour rester dans la course, 70 ans après sa création, le périodique propose même une application pour être lu sur tablette numérique.

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Aujourd’hui, le roman-photo tente de s’imposer de nouveau en librairie. L’auteur Fabcaro, maître de l’absurde, s’empare de ce format passé de mode dans Guacamole Vaudou (Seuil, 2022). Pour animer les cases de ce roman-photo 2.0, un casting 100 % comique. En tête d’affiche : l’humoriste et comédien Éric Judor, qui incarne le roi des loosers d’une agence de pub prêt à tout pour être aimé de ses collègues. Tout en conservant les codes originaux, Fabcaro réinvente le genre en moquant les réactions exagérées et l’esthétique kitsch des intrigues d’autrefois. Mais il n’est pas le seul.

Plus récemment, l’autrice féministe Ovidie et la comédienne Sophie-Marie Larrouy ont publié La Fabrique du prince charmant. Plus grande arnaque depuis l’invention du jacuzzi (Seuil, 2024). Dans cet ouvrage, elles déconstruisent l’idéal de l’amour hétérosexuel. Et ça fonctionne ! Inspirées par les personnages de tombeurs et, surtout, de machos des années 1970, si souvent représentés dans ces revues, les autrices imaginent les aventures de Jean-Michel Déconstruit.

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Dans de courtes histoires successives, ce dernier, accompagné de ses copains masculinistes, se sent dépassé par les femmes et le féminisme. Ovidie et Sophie-Marie Larrouy proposent une véritable parodie du genre du roman-photo, dont les intrigues datant des années 1970 étaient loin d’être subversives.

Traverser les époques et muer selon les habitudes des lecteurs et des lectrices, c’est la force de ce média culturel, qui plaît autant aux nostalgiques qu’aux plus jeunes qui le découvrent. Alors, le roman-photo est-il ringard ou tendance ? Pour nous, un seul verdict : il est intemporel !

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