Le 15 avril 1874, au 35, boulevard des Capucines, dans les anciens ateliers de Nadar, se tenait la première exposition impressionniste. Aujourd’hui, partout en France, les musées célèbrent les 150 ans de cette manifestation historique, le temps d’événements culturels ou d’accrochages spécifiques, grâce en grande partie aux prêts du Musée d’Orsay. Décryptage !
Temple majeur de l’impressionnisme, le Musée d’Orsay se devait de fêter comme il se doit les 150 ans du mouvement pictural, l’un des plus populaires à l’heure actuelle, mais aussi de remettre les pendules à l’heure ! L’institution le fait parfaitement dans une vaste exposition narrative : Paris 1874, inventer l’impressionnisme. Le parcours rappelle notamment que seulement sept sur une trentaine des artistes présentés cette année-là sont désormais réputés comme des pionniers de l’impressionnisme et que Impression, soleil levant (1874) de Claude Monet n’avait pas fait tant sensation sur le moment. Le critique d’art Louis Leroy, du Charivari, titrera même d’un ton moqueur son article du 25 avril 1874 par L’Exposition des impressionnistes, sans savoir que son jeu de mots allait marquer l’histoire de l’art.
Au-delà du Musée d’Orsay
Au-delà des murs de l’ancienne gare, le musée contribue à fêter l’événement partout en France et à Rome, à la villa Médicis, grâce à un nombre de prêts record : pas moins de 178 œuvres prêtées à 34 institutions partenaires, réparties dans 13 régions.
Ainsi, La Cathédrale de Rouen (1892 à 1894) de Monet rend visite à sa voisine havraise et ses fameux drapeaux de La Rue Montorgueil (1878) flottent désormais à Douai. La Nuit étoilée sur le Rhône (1888) de Vincent Van Gogh retourne pour l’occasion à Arles où elle a été peinte. Elle sera exposée à la Fondation Vincent Van Gogh jusqu’au 29 août 2024.
La nature et le paysage comme principales sources d’inspiration
Certaines institutions ont profité de ces prêts exceptionnels pour monter une exposition thématique, souvent de bonne facture et pertinente, et généralement sur la nature et le paysage. À l’heure du réchauffement climatique, le musée d’art Roger-Quilliot (MARQ) de Clermont-Ferrand montre comment La Neige, titre du parcours, a fortement inspiré les impressionnistes qui ont révélé pour la première fois avec autant d’élan son caractère éblouissant et merveilleux.
Le musée de Giverny s’est lui intéressé à L’Impressionnisme et la Mer et plus particulièrement à la façon dont Renoir, Manet ou Pissarro ont immortalisé chacun à leur manière les côtes normandes et bretonnes, alors que le musée Eugène Boudin de Honfleur s’est concentré sur leurs regards entre la côte de Grâce et la côte Fleurie. Plus au Sud, le Musée des Beaux-Arts de Marseille met Le Golfe de Marseille vu de l’Estaque (1878 et 1879) de Cézanne en dialogue avec Vue de Marseille depuis les Aygalades un jour de marché (1857), le premier tableau d’Émile Loubon – érigé par ses compatriotes comme la figure tutélaire de l’école marseillaise. Ainsi, et autour d’autres tableaux, le MBA propose une réflexion ancrée sur son territoire : Peindre Marseille, 1853-1878. Une autre modernité.
Des Hauts-de-France à la Normandie
Les régions Normandie et Hauts-de-France ont particulièrement bien joué le rôle. Cinq grands musées se sont unis autour d’une saison commune baptisée Printemps impressionniste, à découvrir au Musée de Picardie d’Amiens, au Musée de la Chartreuse de Douai, au palais des Beaux-Arts de Lille, au MUba de Tourcoing et à La Piscine de Roubaix. L’été arrivant, certains ont déjà tourné la page, mais l’exposition Les Saisons d’une vie : Claude Monet à Vétheuil au palais des Beaux-Arts de Lille perdure jusqu’au 24 septembre. Elle évoque, en peinture et à travers l’attachement de l’artiste pour ce village, à la fois le rythme des saisons et les deux périodes stylistiques du peintre : convaincant !
Des ponts vers l’art contemporain
Pour cet anniversaire spécial, le festival Normandie impressionniste fait son retour jusqu’au 22 septembre 2024 sur tout le territoire normand. Cette cinquième édition fait le pont entre impressionnisme et art contemporain.
Des toiles peintes ou imprimées de David Hockney réalisées à l’iPad côtoient des chefs-d’œuvre de Monet au Musée des Beaux-Arts de Rouen, qui affiche sur ses murs les mots de la star anglaise : « Si l’iPad avait existé à son époque, Claude Monet l’aurait utilisé ! »
L’institution fait aussi un remarquable pas de côté en mettant en lumière James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), un artiste qui n’était pas véritablement impressionniste, mais qui a eu une influence majeure sur ses contemporains, au point de parler de whistlérisme, comme le démontre l’exposition Whistler, l’effet papillon.
À Rouen toujours, et plus d’un siècle plus tard, à notre époque, Olivier Beer dévoile sa vision des nymphéas de Monet au Hangar 107. L’artiste britannique a réalisé ses grands formats à partir de sons enregistrés aux bassins de Giverny. Tel un pinceau, l’enceinte, placée sous la toile horizontale alors recouverte de pigments, a créé en résonance des motifs qu’il maîtrise totalement et qu’il fixe par la suite grâce à une technique développée tout spécialement.
Projections signées Bob Wilson agrémentées de poèmes récités par Isabelle Huppert sur la cathédrale de Rouen, installations de Shanta Rao à la Maison des arts de Grand-Quevilly, voiles de Daniel Buren au port de Cherbourg-en-Cotentin, ou encore une chambre des lumières au Moulin d’Andé… Ce festival est sans conteste la manifestation de cet anniversaire qui revisite avec le plus d’audace et de subtilité l’impressionnisme.
Notre sélection
- Photographier en Normandie (1840-1890). Un dialogue pionnier entre les arts, au MuMa du Havre, jusqu’au 22 septembre 2024.
- En compagnie d’Eugène Boudin (1824 -1898). Entre côte de Grâce et côte Fleurie, à l’aube de l’impressionnisme au musée Eugène Boudin de Honfleur, jusqu’au 26 août 2024.
- Les Saisons d’une vie : Claude Monet à Vétheuil au palais des Beaux-Arts de Lille, jusqu’au 24 septembre 2024.
- Peindre Marseille, 1853-1878. Une autre modernité au Musée des Beaux-Arts de Marseille, jusqu’au 4 septembre.
- Berthe Morisot à Nice, escales impressionnistes au Musée des Beaux-Arts Jules Chéret de Nice, jusqu’au 29 septembre 2024.
- James Abbott McNeill Whistler, l’effet papillon au Musée des Beaux-Arts de Rouen, jusqu’au 20 septembre 2024.
- Sensations et impressions au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, jusqu’au 15 décembre 2024.
- David Hockney: Normandism, Portraits et paysages au Musée des Beaux-Arts de Rouen, jusqu’au 22 septembre 2024.
- Resonance Paintings-Nympheas au Hangar 107 de Rouen, jusqu’au 21 juillet 2024.