Entretien

Michèle Reiser : “Avec le Festival de Paris, on souhaite avant tout offrir du bonheur”

15 juin 2024
Par Lisa Muratore
Michèle Reiser est la fondatrice et la directrice du Festival de Paris 2024.
Michèle Reiser est la fondatrice et la directrice du Festival de Paris 2024. ©Jérôme Prébois

À l’occasion du lancement du Festival de Paris, dédié à la musique classique ce 12 juin dans la capitale, L’Éclaireur a rencontré sa fondatrice et directrice, Michèle Reiser, afin de revenir sur la programmation de l’édition 2024.

La création du Festival de Paris a-t-elle représenté un challenge ? 

Il faut beaucoup de passion pour créer un festival de musique classique. Quand j’ai créé le Festival de Paris, on me répétait sans arrêt que c’était une folie. Or, pour moi, créer un festival, c’est comme écrire un livre ou faire un film. J’ai toujours été très mélomane et c’était aussi très important d’aller voir des concerts. Je me suis toujours battue, notamment quand j’étais au CSA, pour laisser la place aux jeunes talents. Quand je suis sortie du CSA, cette passion pour la musique ne m’avait pas quittée, pas plus que l’envie de créer un Festival à Paris en juin, au moment où le soleil se couche tard… Je voulais aussi créer un festival qui soit accessible à des gens qui n’ont pas la chance de pouvoir aller dans les grands festivals de l’été.

Affiche du Festival de Paris 2024.©Festival de Paris

Mon idée est au carrefour de deux passions : pour la musique classique et pour Paris. J’aime passionnément Paris et j’en avais assez du Paris bashing. J’aime beaucoup l’idée que notre festival soit à la fois musical et patrimonial, puisqu’il se fait dans les lieux du patrimoine parisien ; des lieux qui, de façon éphémère ou non, deviennent des lieux de concert. Le public pourra, par ailleurs, assister à des performances haut de gamme, car des artistes de renommée internationale seront présents.

« L’idée à travers ces lieux était de crier au monde que Paris est une capitale culturelle et qu’elle devait rester une terre d’accueil pour les artistes étrangers. Paris a toujours accueilli les artistes étrangers. »

Michèle Reiser

C’est d’ailleurs une autre de nos volontés : rendre cette musique, souvent qualifiée d’élitiste, accessible au plus grand nombre. Le Festival de Paris est à la fois haut de gamme et populaire, car c’est très important de sortir de cet entre-soi pour que le plus grand nombre ait accès à la musique classique. 

Tout le monde peut avoir accès à la musique classique ; nul besoin d’une culture particulière. Il y a des airs qui sont irrésistibles, même si vous n’avez jamais entendu d’opéra. 

Le Festival de Paris se déroule dans des endroits historiques et patrimoniaux de la capitale. Que pouvez-vous nous dire des lieux de cette édition 2024 ? 

La Ville de Paris et le ministère de la Culture ont toujours été de solides partenaires du festival. Ils l’ont aidé à grandir et à s’installer durablement. L’idée à travers ces lieux était de crier au monde que Paris est une capitale culturelle et qu’elle doit rester une terre d’accueil pour les artistes étrangers. Paris a toujours accueilli les artistes étrangers. Par exemple, cette édition 2024 débute au cœur de la Saint-Chapelle avec le contre-ténor Jakub Józef Orliński, qui a une voix exceptionnelle, et le pianiste Michal Biel. Tous les deux sont Polonais et connus internationalement. 

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Le deuxième concert aura lieu à l’église de Saint-Germain-des-Prés, un lieu mythique de Paris dans laquelle les fresques de Flandrin ont été entièrement restaurées. C’est absolument magnifique. L’église accueillera la soprano Lauranne Oliva, qui a été nommée aux Victoires de la musique classique cette année, le contre-ténor Christophe Dumaux et le groupe Les Accents, sous la direction de Thibault Noally. 

Affiche du Festival de Paris au Théâtre de l’Œuvre.©Festival de Paris

Le concert du 20 juin se déroulera au Théâtre de l’Œuvre et, pour l’occasion, je voulais vraiment que la soprano Fatma Saïd se produise là-bas. C’est une chanteuse égyptienne d’un grand talent et très difficile à avoir. Elle est belle comme le jour et sera accompagnée par le pianiste écossais Malcolm Martineau. Le concert se déroule dans un petit joyau. Les salles de spectacle font aussi partie du patrimoine parisien ! Il faut d’ailleurs savoir que le Théâtre de l’Œuvre est à l’origine une maison de musique. Fatma chantera des mélodies du répertoire très classique, mais je lui ai demandé de chanter en arabe à la fin pour, une fois de plus, marquer cette ouverture sur le monde. 

Pourquoi avoir choisi L’Olympia pour le concert de clôture ?

C’est un concept que j’ai créé il y a des années. J’aime beaucoup L’Olympia, c’est vraiment une salle qui appartient au patrimoine parisien. C’est un vrai symbole et je voulais un lieu populaire qui était très marqué par son histoire. L’Olympia a fêté ses 130 ans, c’est aussi une référence pour l’étranger. Mon audace était de mettre un orchestre symphonique dans ce lieu qui n’est pas du tout dédié au classique.

« Mon idée est au carrefour de deux passions, c’est-à-dire une passion pour la musique classique, ainsi qu’une passion pour Paris. »

Michèle Reiser

C’est pour cette raison que je l’ai appelé L’Olympia symphonique. Cette année, nous accueillerons un orchestre sublime, Les Frivolités parisiennes, très demandé, qui va interpréter des standards des années folles. Nous avons également mélangé les stars de la pop avec les stars du classique ; une tradition qu’ont déjà les pays anglo-saxons. Cette année, nous aurons Philippe Katerine sur scène, Bernard Lavilliers, François Morel, ou encore Melvil Poupaud et son groupe. C’est formidable de voir L’Olympia ainsi, entre de la pop et une programmation de musique classique de très haut niveau. Ce sera un concert absolument éblouissant. 

Cette programmation et ce lieu représentent vraiment le multiculturalisme de la musique…

C’est vrai ! Il n’y a pas de petite et de grande musique, il n’y a que de la musique. Cette diversité amène aussi des gens qui n’ont jamais entendu une note de classique. C’est très joyeux. C’est aussi une autre de nos volontés : on souhaite avant tout offrir du bonheur avec ce festival, dans cette période qui est assez dure pour tout le monde. Entendre cette musique, que ce soit à L’Olympia ou ailleurs, c’est un bonheur immédiat.

Quelle est la performance que vous attendez le plus cette année ? 

J’aime tous les artistes que j’ai programmés et tous les choix que l’on a faits. C’est comme si on me demandait de choisir entre mes enfants [rires] !

Qu’est-ce qui rend cette édition 2024 si spéciale ? 

Je dirais que c’est avant tout l’âge de la maturité cette année, car j’ai créé ce festival il y a plusieurs années maintenant. Le bébé a beaucoup progressé, nous avons atteint un niveau que l’on a toujours visé. Je crois que cette année nous sommes arrivés là où nous voulions être, que ce soit en termes de programmation ou de salles.

Affiche de L’Olympia Symphonique du Festival du Paris.©Festival de Paris

Je dirais que nous sommes arrivés à l’âge de raison, car je l’ai créé il y a sept ans et je n’ai jamais voulu renoncer à une seule édition. Même avec la Covid, nous avons réussi à nous maintenir et j’en suis très fière. Tous les concerts ont été joyeux au fil des années en dépit des restrictions que nous avons parfois subies. Le festival n’a jamais rendu l’âme ! 

Quel(s) artiste(s) conseilleriez-vous à quelqu’un qui souhaiterais écouter de la musique classique pour la première fois ? 

Je ne sais pas si les gens ont vraiment besoin de conseils, mais j’adore Maria Callas. Pour moi, c’est irrésistible de l’écouter. Je dirais qu’il y a aussi Bach et Bizet avec la romance de son Pêcheur à la perle. Chopin est aussi très accessible, Mozart également ! Il faut que chacun aille là où il souhaite aller. Par exemple, dans L’Olympia symphonique, il y aura des airs accessibles qui peuvent d’un coup faire du bien à la personne qui l’entendra pour la première fois.

La musique doit faire du bien et rendre les gens heureux. C’est le plus important ! La musique renforce aussi le lien social, elle permet de partager des émotions positives. Il se passe toujours quelque chose quand on écoute de la musique…

Festival de Paris, du 12 au 25 juin à Paris. Billetterie par ici.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste