Décryptage

Des taxis volants à Paris pour les JO 2024, l’aube d’un nouveau ciel urbain ? 

07 juin 2024
Par Fouad Bencheman
Des taxis volants à Paris pour les JO 2024, l’aube d’un nouveau ciel urbain ? 
©Volocopter

Après moult rebondissements, la start-up allemande Volocopter, constructeur du taxi volant Volocity, pourra finalement expérimenter ses engins dans le ciel parisien cet été. Une première mondiale. C’est également, et surtout, le début d’une nouvelle ère pour la mobilité urbaine des plus grandes mégalopoles mondiales.

Volera, volera pas ? Depuis près de trois ans, l’entreprise Volocopter attend les Jeux de Paris 2024 de pied ferme. En effet, cet événement en mondovision s’apparente à la vitrine idéale pour effectuer les premiers vols de ses taxis volants. Sauf que…

Après un crash début 2022 d’un prototype de taxi de l’entreprise américaine Joby Aviation, au cours d’un vol d’essai, les gendarmes de l’air ont resserré quelque peu les boulons. Ces autorités de certification – la Federal Aviation Administration aux États-Unis et l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne eu Europe – ont drastiquement renforcé leurs niveaux d’exigences pour autoriser ces véhicules volants. 

Après d’innombrables tractations, Volocopter pourra finalement voler… mais sans clients. L’entreprise l’a annoncé en grande pompe lors du dernier salon VivaTech à Paris. Durant l’été olympique, des vols gratuits, avec à leurs bords quelques VIP triés sur le volet, se chargeront donc de faire découvrir au grand public ce qu’est un eVTOL.

Paris ouvre le bal mondial des taxis aériens 

Abréviation anglaise de « Electric Vertical Takeoff and Landing », les eVTOL sont une catégorie d’engins volants qui ont tous pour dénominateur commun le fait de pouvoir décoller et atterrir à la verticale.

Plus communément appelés « taxis volants », ces véhicules sont maintenant dans les cartons de nombreuses entreprises depuis une bonne dizaine d’années. Le but ? Révolutionner la mobilité urbaine en proposant une solution de transport rapide et plus écologique dans des zones urbaines au trafic engorgé. 

Autre avantage de ces taxis volants, la surface nécessaire pour leurs atterrissages est deux fois moins importante que pour un héliport. Pour le moment, aucun de ces taxis volants ne ressemble physiquement, mais ils ont tous la même façon de fonctionner. 

©Volocopter

Pendant qu’un logiciel gère le plan de vol, un eVTOL se pilote avec un joystick, ce qui le rend bien plus maniable qu’un hélicoptère. En effet, il peut se stabiliser automatiquement. Un peu à la manière d’un drone géant. 

Contrairement aux hélicoptères, dont les moteurs sont alimentés par combustion interne, ces taxis volants intègrent une multitude de moteurs électriques. Ces derniers permettent de faire pivoter les hélices verticalement, pour les décollages et atterrissages, et horizontalement, pour avancer. Par exemple, le Volocity, qui volera pendant les JO, est équipé de 18 hélices et de 18 moteurs. 

L’autonomie, le grand défi technique des eVTOL

Que ces véhicules volants soient moins polluants que des hélicoptères ou des petits avions, c’est un fait pour le moment indéniable. Qu’ils soient également moins gênants aussi. À environ 100 mètres d’altitude, le bruit est d’environ 55 décibels, soit deux fois moins qu’un hélicoptère. 

Aujourd’hui, le plus gros défi des eVTOL est celui de l’autonomie. C’est pour cette raison que ces véhicules de l’air ne peuvent accueillir pour le moment que deux ou trois personnes, dont le pilote, sur des trajets relativement courts. Environ une grosse vingtaine de kilomètres pour une vitesse maximale de 110 km/h. Sans cela, les taxis volants seraient déjà légion, comme l’a expliquait Dirk Hoke, patron de Volocopter, lors d’un point presse au salon VivaTech. 

©Volocopter

« La technologie des batteries ne progresse pas assez vite pour permettre le transport de quatre, cinq, six ou sept personnes. À l’avenir, nous transporterons plus de passagers. Mais cela doit se faire à la vitesse de la technologie. Commencer par un véhicule à deux places nous permet d’entrer sur le marché dès maintenant, pas dans deux ans, mais maintenant. »

Pour éviter de laisser ses engins trop longtemps cloués au sol, Volocopter opte pour un changement des batteries entre chaque vol, une opération rapide qui ne prend que 5 minutes. À l’avenir, l’idée est donc de pouvoir proposer des trajets plus longs. 

©Supernal

C’est pour cette raison que tous les acteurs du secteur sont actuellement en discussion, afin d’établir un standard commun de batterie. Ainsi, chaque véhicule pourrait indépendamment se recharger sur les « vertiports », les lieux d’atterrissage et de décollage. Un peu comme les bornes de charge pour les voitures électriques.

Un écosystème de startups et de compagnies aériennes 

Derrière chaque projet ou prototype d’eVTOL, on retrouve, peu ou prou, le même duo. Par exemple, la startup Volocopter travaille en collaboration avec le gestionnaire d’aéroports Groupe ADP. 

Aux États-Unis, les trois plus grandes compagnies aériennes investissent également dans de jeunes entreprises. C’est le cas de Delta Airlines avec la startup californienne Joby Aviation, de United Airlines avec la jeune pousse brésilienne Eve Air Mobility et de Boeing avec Wisk Aero.

En Asie, la Chine semble avoir déjà quelques encablures d’avance avec des mastodontes comme XPeng ou EHang. En effet, la totalité des entreprises chinoises du secteur produit actuellement près de 50 % du volume mondial des véhicules ou prototypes. 

©Lilium

Preuve supplémentaire de la crédibilité et de l’arrivée imminente de ces engins volants, les sommes investies : pour chaque acteur, elles sont considérables. Jusqu’ici, Volocopter a levé plus de 790 millions de dollars, 2 milliards pour Joby et 1,2 milliard pour Lilium, une autre startup allemande qui développe un ambitieux Lilium Jet de cinq places.

Des engins futuristes pour une clientèle aisée ? 

Lors des Jeux de Paris, cinq « vertiports » seront opérationnels dans la région parisienne. Un à Roissy, un à Saint-Cyr, un autre à Issy-les-Moulineaux et un au Bourget. Le dernier sera le plus facilement visible par les passants, puisqu’il prendra place au bord de la Seine, à proximité de la gare d’Austerlitz.

Si durant l’été, les vols ne transportent que quelques « happy few » (personnalités politiques, sportifs, célébrités…), d’ici la fin de l’année, les premiers trajets commerciaux pourraient normalement débuter. Et selon le cabinet d’études McKinsey,  la généralisation de ces véhicules au-dessus de nos têtes est prévue pour la fin de la décennie.

©ADP

Pour rallier rapidement le centre-ville ou les aéroports, le ticket par trajet sera vraisemblablement aux alentours de 100 euros. D’ailleurs, malgré cette dénomination, les eVTOL ne sont pas à proprement parler des taxis volants, comme l’a suggéré Alban Negret, responsable innovation du groupe ADP lors d’une récente interview pour BFM Business. Il en a profité également pour rapidement couper l’herbe sous le pied des détracteurs des eVTOL.

« Le Vélocity n’est pas un taxi volant, mais plutôt une navette, car vous ne pourrez pas choisir le trajet que vous voulez effectuer. Il y aura des itinéraires à respecter. Nous ne voulons pas être réservés aux plus riches. Notre service sera, à terme, accessible à tout le monde. Et surtout, nous ne voyons pas le tourisme d’usage comme un modèle pérenne. »

Si une part de l’activité des engins volants se concentrera d’abord sur des transports de passagers, autrement dit plutôt une clientèle d’affaires, les eVTOL pourraient servir à bien d’autres choses. La poste écossaise effectue actuellement des tests pour utiliser des eVTOL pour livrer du courrier et des colis sur certaines îles difficiles d’accès.

©Volocopter

De son côté, Volocopter est en discussion afin de nouer un partenariat avec l’APHP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) pour des missions médicales, comme des transports d’organes, de médecins, de médicaments urgents ou encore de patients. En Allemagne, la firme travaille déjà avec le SAMU.

Malgré ces intentions pieuses, plusieurs élus écologistes de la ville de Paris dénoncent depuis un moment ces taxis volants qu’ils qualifient de « gadgets pour ultrariches ». Entre les détracteurs, l’importance de la formation des pilotes, la question des batteries ou encore l’aménagement des pistes, une seule chose est sûre pour le moment avec les eVTOL : avant d’envahir le ciel, ces taxis volants ont encore pas mal de choses à régler au sol.

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Article rédigé par
Fouad Bencheman
Fouad Bencheman
Journaliste
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