
La plateforme de streaming musical française est la première à s’exprimer sur le contenu généré par IA qui inonde son catalogue et celui de ses concurrents.
Une semaine après l’annonce d’un partenariat avec la Sacem, visant à mieux redistribuer les revenus des abonnements aux artistes, Deezer embraye avec une décision qui fera date. Inondée par du contenu généré par l’intelligence artificielle, la plateforme de streaming se dote d’un outil visant à détecter et supprimer la musique illégitime de son catalogue.
L’IA, un danger plus qu’une opportunité pour les artistes
Là où son concurrent Spotify a inauguré de nombreuses fonctionnalités alimentées par IA l’année dernière, Deezer prend un chemin opposé. Dans un communiqué aux révélations alarmantes (quelque 10 000 morceaux entièrement générés par IA seraient uploadés chaque jour sur Deezer), la plateforme française annonce la mise en place d’un outil perfectionné et breveté, visant à « détecter spécifiquement le contenu généré par IA sans nécessiter un entraînement extensif sur des ensembles de données spécifiques », affirme le diffuseur.
Si le PDG de l’entreprise, Alexis Lanternier, ne jette pas le bébé avec l’eau du bain, il reconnaît le caractère délétère de l’IA sur la création musicale. « L’IA générative a le potentiel d’avoir un impact positif sur la création et la consommation musicale, mais son utilisation doit être guidée par la responsabilité et avec un suivi afin de protéger les droits et les revenus des artistes et des auteurs-compositeurs », pose le chef d’entreprise. Mais « l’intelligence artificielle continue de perturber de plus en plus l’écosystème musical, avec une quantité croissante de contenu IA envahissant les plateformes de streaming comme Deezer ».
En cause ? Des plateformes comme Suno ou Udio, qui permettent à n’importe qui de produire de la musique en quelques clics, par le biais d’un prompt. Ces personnes peuvent ensuite mettre en ligne leurs « créations » sur Deezer, Spotify, Apple Music et bien d’autres, et prétendre à rémunération en fonction de la popularité de leurs morceaux. Une situation qui, fatalement, tire vers le bas le revenu potentiel des véritables musiciens.
Lutter contre l’IA pour le bien des artistes
Cette annonce tonitruante fait suite à celle d’un changement significatif du modèle de rémunération des artistes sur Deezer. Jusqu’ici, la plateforme de streaming redistribuait les revenus générés par les abonnements sur un modèle dit market-centric, qui favorise les artistes les plus écoutés dans le monde. En passant à un modèle artist-centric, seuls les musiciens et musiciennes que les abonnés écoutent réellement seront rémunérés selon différents critères précisés ici.
S’attaquer à l’intelligence artificielle vise donc à exclure les « faux artistes » du bassin de royalties disponibles. Mathématiquement, moins il y a d’artistes qui peuvent prétendre à une rémunération, plus le montant que toucheront effectivement les artistes légitimes sera conséquent.
« À l’avenir, nous avons l’intention de développer un système de marquage pour le contenu totalement généré par IA et de l’exclure des recommandations algorithmiques et éditoriales », promet encore Alexis Lanternier. Une déclaration qu’il est important de confronter à l’enquête de la journaliste Liz Pelly, récemment publiée dans Harper’s Magazine, et qui affirme que Spotify crée de toutes pièces de faux artistes afin de réduire mécaniquement la part de royalties qu’il doit aux musiciens.
D’après les données partagées récemment par le musicien Benn Jordan sur YouTube, Deezer offre une rémunération par stream 159 % supérieure à Spotify.
