Critique

Nathanaëlle Herbelin au Musée d’Orsay : pourquoi il faut aller voir l’exposition

07 mai 2024
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“Layla” (2019).
“Layla” (2019). ©Nathanaëlle Herbelin

Intimité, maternité, solitude et couple, les tableaux de Nathanaëlle Herbelin sont exposés jusqu’au 30 juin au Musée d’Orsay aux côtés de ceux qui l’ont inspirée : les Nabis, un courant de peinture post-impressionniste. Un dialogue entre les œuvres se noue et nous plonge dans le quotidien d’hier et d’aujourd’hui.

Alors que les visiteurs se ruent à l’exposition consacrée aux 150 ans du mouvement impressionniste, une salle plus discrète, située au deuxième étage du Musée d’Orsay, expose les toiles d’une artiste contemporaine : Nathanaëlle Herbelin. À seulement 35 ans, la peintre franco-israélienne fait partie du cercle très fermé des artistes exposés au célèbre musée parisien de leur vivant. Elle est même la plus jeune à l’être.

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Lorsqu’elle est étudiante aux Beaux-Arts à Paris, dont elle sort diplômée en 2017, Nathanaëlle Herbelin passe son temps au Musée d’Orsay afin de s’imprégner de la sensibilité et de la technique des grands maîtres des collections permanentes. Cette inspiration est flagrante et n’est que mieux réactualisée dans ses œuvres.

Affiche de l’exposition.©Atelier graphique du musée d’Orsay –Victoire de Valence

Nathanaëlle Herbelin et les nabis : entre ressemblances et différences

Des couleurs douces, mais puissantes, un trait poétique, parfois mélancolique, et des petits détails qui subliment le quotidien. Ainsi se composent les toiles de Nathanaëlle Herbelin. Parmi tous les artistes du Musée d’Orsay, un mouvement en particulier a infusé son œuvre, celui des « Nabis » dont elle partage le sujet de prédilection : l’intime.

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Né aux alentours de 1890, sous l’impulsion du peintre Paul Sérusier, le mouvement Nabis s’empare de ce qui compose la vie de tous les jours et lève le voile sur les banalités du quotidien. Ainsi, les toiles du peintre Pierre Bonnard illustrent des scènes d’intérieur aux tonalités japonisantes, celles d’Édouard Vuillard plongent dans les appartements bourgeois, celles de Félix Vallotton s’ingénient à capturer la frivolité de l’enfance.

L’exposition du Musée d’Orsay met donc en regard les toiles de ces peintres du siècle dernier avec celles de Nathanaëlle Herbelin. Les parallèles sautent aux yeux. Le tableau Emmanuelle et Efi représente une jeune femme, la sœur de la peintre, qui prend son petit déjeuner et est accompagnée de son chat. Cette toile est un hommage à La Dame au chat de Bonnard, qui n’a de cesse de peindre sa femme Marthe dans toutes les situations quotidiennes. Imaginée spécialement pour cette exposition, la toile de Nathanaëlle Herbelin illustre parfaitement la philosophie des Nabis : faire avec ce qu’ils ont sous les yeux afin de toucher un réel universel. 

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Mis face à face ou côte à côte, on pourrait presque croire que certains tableaux de Nathanaëlle Herbelin ont été peints par Bonnard ou Vuillard, et vice versa. Toutefois, un chargeur de téléphone, la lumière bleue de nos appareils connectés ou certains vêtements nous ramènent au XXIe siècle. La peintre transpose la peinture figurative des nabis à notre époque contemporaine et illustre les débats qui l’animent. Comme sa toile Layla, qui représente un homme couché dans le noir, éclairé par la seule lumière de son écran d’ordinateur. On imagine qu’il binge-watche une série ou qu’il répond à un mail tardif, comme cela arrive plus souvent qu’on ne le voudrait. Questionnement autour de la solitude ou de la place prise par la technologie dans notre quotidien ?

Face aux tableaux de Nathanaëlle Herbelin, notre imagination s’emballe. Comme les toiles d’Édouard Vuillard, aux intérieurs très fournis, tout ce qui compose celles de la jeune peintre est intéressant, rien n’est ennuyeux. C’est justement ces petits détails, auxquels chacun peut se raccrocher, qui rendent ses œuvres universelles. 

Les Nabis et le “female gaze

Si la peinture des Nabis lève le voile sur l’intimité, Nathanaëlle Herbelin apporte un regard différent parce que féminin. Il faut le préciser : ce mouvement artistique ne comptait aucune femme. Pourtant, l’intimité féminine est au cœur de l’œuvre des Nabis. Pierre Bonnard a par exemple maintes fois représenté sa femme nue dans des scènes de toilette ou couchée dans un lit.

Nathanaëlle Herbelin, elle, renouvelle le traitement de ces thématiques. La peintre n’hésite pas à se mettre en scène : elle se peint enceinte, prenant sa douche, dans sa toile intitulée Être ici est une splendeur. C’est aussi le titre de cette exposition. Un choix loin d’être anodin, puisque cette courte phrase a été empruntée au livre éponyme de Marie Darrieussecq qui raconte l’histoire de la peintre allemande Paula Modersohn-Becker, la première à s’être représentée enceinte dans l’histoire de l’art. Cette référence donne le ton de cette exposition et des thèmes qui occupent l’imaginaire créatif de l’artiste. 

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Dans ses toiles, Nathanaëlle Herbelin témoigne des questionnements auxquels sont confrontées les femmes : le choix d’être mère ou non, la sororité ou encore la pilosité féminine. Son tableau Pince à épiler, version 2 représente la peintre de face, toute contorsionnée, en train de s’épiler ce qu’on nomme pudiquement « le maillot » afin de questionner à la fois le désir de plaire et la volonté de s’en détacher en ignorant celui ou celle qui regarde cette toile.

La nudité et la maternité étaient déjà des thématiques traitées par les Nabis. Mais, sans en faire une revendication à part entière, Nathanaëlle Herbelin pose un regard intimiste et féministe sur son quotidien de femme, dans ses moments de joie et de peine, de vulnérabilité et de banalité.

Pince à épiler version 2 (2024)©Nathanaëlle Herbelin

Depuis sa sortie des Beaux-Arts il y a moins de dix ans, la carrière de Nathanaëlle Herbelin poursuit sa course folle. En tissant un lien entre son œuvre et celle des Nabis, le musée d’Orsay la révèle au grand public. Avec la mise en valeur d’artistes émergents, l’institution affirme ainsi sa volonté de se moderniser et de renouveler le regard que l’on pose sur les œuvres classiques qu’elle abrite. Dans une interview accordée à Connaissance des arts, Nathanaëlle Herbelin partage cette vision : « La peinture est un dialogue qui doit continuer et c’est une histoire dont on tient la flamme pour qu’elle continue à exister. »

Nathanaëlle Herbelin, être ici est une splendeur, au Musée d’Orsay, jusqu’au 30 juin 2024. Du mardi au dimanche, de 9h30 à 18h. 16 € / 13 €.

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