Des bandes dessinées et des animaux

En bande dessinée, faire parler des animaux et les doter de caractéristiques humaines n’a rien de nouveau. De Picsou à Blacksad, le genre a offert de nombreuses pépites. Pour cette sélection, il s’agit essentiellement d’albums (ou rééditions) récents.

| Les Seigneurs de Bagdad, Urban Comics

Après un raid aérien de l’armée américaine sur Bagdad, tous les animaux d’un zoo ont été libérés. On découvre un petit groupe de quatre lions d’âges différents qui arpente la ville détruite et va découvrir que la liberté est loin de ressembler à ce qu’ils imaginaient.

La lecture de cette bande dessinée, inspirée de faits réels, est une excellente surprise. Au fil des pages, on se délecte du propos du scénariste Brian K. Vaughan sur la liberté, la guerre et la sauvagerie humaine. Les personnages principaux sont de plus en plus attachants et découvrir le récit à travers leurs yeux lui donne encore plus d’impact. Niko Henrichon fait un excellent travail d’illustration sur ce court récit. Le comics est disponible chez Urban Comics dans son format poche « Urban Nomad ».

| Le Château des animaux, Casterman

Dans une ferme abandonnée au milieu d’une forêt, le président Silvio, taureau puissant secondé par sa milice de chiens, règne sur les animaux. Pour mettre fin à cette exploitation, Miss Bengalore, chatte qui veut simplement protéger ses petits, s’allie à Azélar, vieux rat rempli de sagesse, et César, lapin séducteur. L’objectif ? Une révolte dans la non-violence et la désobéissance.

Librement inspirée du célèbre roman de George Orwell, La Ferme des animaux, cette bande dessinée se déroule dans la France de l’entre-deux-guerres. Xavier Dorison écrit une histoire intelligente, avec des personnages bien pensés et un sous-texte politique très travaillé, notamment sur la question de révolution pacifique. Le dessinateur Félix Delep révèle tout son génie pour son premier travail édité, avec des planches remarquables. Trois albums publiés par Casterman sont à retrouver en librairie, un quatrième devant servir de conclusion.

| NOU3, Urban Comics

Un chien, un chat et un lapin ont été transformés en armes de guerre par un projet militaro-scientifique. Mais, quand ils découvrent la liberté grâce à la complicité d’une chercheuse, hors de question pour leurs maîtres de les laisser dans la nature. Ils déploient alors tous les moyens possibles pour les retrouver, morts ou vifs.

NOU3 aborde beaucoup de thématiques à travers ces trois animaux dotés de conscience, à la recherche du sens de la liberté. Encore une fois, l’être humain et notamment l’armée sont vivement critiqués. La BD contient beaucoup d’action, mais ce sont surtout les séquences d’émotion qui frappent, tant le dessinateur réussit à retranscrire les sentiments des trois cobayes.

À la réalisation de cette œuvre, on retrouve Grant Morrison et Frank Quitely, deux grands talents de l’industrie du comics qui signent ici un récit explosif, touchant et parfois cruel. À découvrir dans la collection « Urban Nomad » d’Urban Comics.

| Stray Dogs, Panini Comics

C’est l’histoire d’une petite chienne appelée Sophie qui se réveille dans une nouvelle maison en compagnie d’autres chiens, sans se rappeler comment elle a échoué là ou ce qui est arrivé à sa maîtresse. Mais elle sent qu’elle et ses camarades sont en danger et vont devoir découvrir la vérité.

Derrière son esthétique de dessin animé se cache un véritable thriller teinté d’horreur. La mise en scène est travaillée pour être à hauteur de nos amis canins. On suit alors avec intérêt les aventures de ces petits personnages, très bien dépeints par Tony Fleecs et mis en image par Trish Forstner. À sa sortie aux États-Unis, le comics a tout de suite conquis le lectorat, après avoir attisé sa curiosité avec de nombreuses couvertures parodiant des affiches de films d’horreur.

Une seconde série centrée cette fois-ci sur des chats est en cours de publication outre-Atlantique. Dans l’Hexagone, c’est Panini Comics qui propose Stray Dogs avec cinq illustrations de couvertures différentes.

| Les 5 Terres, Delcourt

Comment ne pas évoquer ce monument moderne de la BD franco-belge ? L’histoire commence à Angleon, île centrale des Cinq Terres où sont établis les Tigres. Leur roi, Cyrus, héros de guerre, est mourant et désigne son neveu Hirus comme son héritier. Mais le trône est convoité et la situation scrupuleusement observée par les autres royaumes.

La bande dessinée s’inscrit clairement dans la lignée de Game of Thrones, par son exploration du genre de l’héroïc-fantasy et des guerres de pouvoir dans un univers médiéval très riche. Les rebondissements s’enchaînent et ne laissent pas le temps au lecteur de s’ennuyer.

Parmi les créateurs de la BD, on retrouve Lewelyn, sobriquet désignant un trio de scénaristes (Andoryss, David Chauvel et Patrick Wong), et le dessinateur Jérôme Lereculey. Leur saga éditée par Delcourt devrait compter une trentaine d’albums (12 sont actuellement publiés). Elle est organisée en cycles de six tomes : le premier s’intéresse donc aux tigres et le second met en avant les primates peuplant d’autres terres. Un spin-off a également vu le jour en avril dernier.

| Le Royaume sans nom, Glénat

Sans comparer les récits qui ont tous deux de grandes qualités, il s’agit également d’une histoire de succession dans un royaume aux personnages anthropomorphiques, tenu ici par les Lions. Le jeune prince refuse de tuer son père pour prendre sa place et lance ainsi une série d’événements qui vont bouleverser ce royaume.

Cette fois-ci, la bande dessinée penche plus vers les tragédies shakespeariennes. Le scénariste Herik Hanna s’amuse également des stéréotypes liés aux différentes races animales présentes, sans oublier les complots qui sont légion. Et, comme dans toute cette sélection, la partie graphique assurée par Redec et Lou vaut clairement le détour, donnant un esprit de film d’animation à cet univers.

Le Royaume sans nom est un nouveau venu dans le paysage de la BD franco-belge, édité par Glénat depuis septembre dernier. Les deux premiers tomes sont disponibles, en attendant un troisième.

Gaël Faye