Attendu dans les salles de cinéma, ce mercredi 24 avril, Challengers est la nouvelle production de Luca Guadagnino. Après Bones et All, le réalisateur italien redonne des couleurs à son cinéma en présentant un triangle amoureux, pop, dynamique et sulfureux sur fond de tennis.
Seulement deux mois après la sortie de Dune, deuxième partie, Zendaya est de retour sur grand écran dans Challengers. Devant la caméra de Denis Villeneuve, l’actrice américaine incarnait Chani, une soldate Fremen. Aujourd’hui, chez Luca Guadagnino, on la retrouve dans la peau de Tashi en guerrière des cours de tennis. Star montante de la raquette, son personnage se destine, en effet, à un bel avenir. Sportive accomplie et égérie à la tête de sa propre fondation, il n’est pas étonnant qu’elle ait tapé dans l’œil d’Art Donaldson (Mike Faist) et de Patrick Sweig (Josh O’ Connor), deux tennismen qui vont voir leur amitié basculer lorsqu’ils vont faire la rencontre de Tashi.
Ces trois personnages, incarnés avec conviction par une nouvelle garde hollywoodienne aussi sexy que talentueuse, vont se retrouver plongés dans un triangle amoureux dont Luca Guadagnino est l’arbitre. Le réalisateur italien continue ici son exploration des corps, du désir, de la masculinité, de la sexualité, et des relations humaines après le mythique Call me by Your Name (2017), et Bones and All (2022). Si ce dernier filmait une histoire d’amour sur fond de cannibalisme, le cinéaste quitte ici le road-trip morbide et sombre de Timothée Chalamet et Taylor Russell, pour le soleil plombant des États-Unis et l’univers propret du tennis.
Triangle amoureux toxique
Pourtant, ce qui se dessine à l’extérieur des terrains est bien moins reluisant, Tashi jouant avec les attentes de ses deux prétendants avec une sordide malice. Plus que le désir charnel et la promesse de scènes sulfureuses, c’est avant tout l’étude des relations toxiques qui est au cœur du film. De quoi peut-être décevoir un public à qui l’on promettait un plan à trois sensuel. Il n’en est en fait rien, car ce n’est pas dans l’intimité d’une chambre étudiante ni dans celle des grands palaces que la jouissance se joue, mais bien sur les cours de tennis.
Ce sport devient la véritable incarnation d’échanges érotiques engageant les corps de ces sportifs et les faisant transpirer. La balle devient ainsi le symbole d’un va-et-vient lancinant, le jeu de regard entre chaque adversaire fait monter la tension, à mesure que chacun tente d’accéder au plaisir du beau jeu.
C’est aussi sur le cours que la mise en scène de Luca Guadagnino, pleine de vigueur, à la fois pop et rétro, est la plus marquante. Dans le film, aucun match ne ressemble au précédent et le cinéaste multiplie les effets de caméra.
Le spectateur vole ainsi dans les airs comme une balle de tennis, tandis que le réalisateur filme sous tous les angles ses joueurs et le terrain sur lequel ils jouent leur match final. Cours de tennis vitré filmé en contre-plongée, inversion de l’objectif, gros plan au ralenti… Tous les mécanismes de mise en scène sont bons pour souligner l’épuisement des corps, du mental, et la tension (sexuelle) qui agit entre nos trois personnages.
Pourtant, si cela apporte du rythme au film, force est de constater que la démonstration de style s’épuise à l’approche de la balle de match. Le réalisateur rejoue, en effet, la même scène encore et encore, donnant ainsi la sensation de revenir sans arrêt au même plan. C’est le cas aussi du thème musical du long-métrage, personnage à part entière de Challengers.
« Je voulais que le spectateur se sente comme à une rave-party. »
Luca GuadagninoRéalisateur de Challengers
La tension du match
Pour l’occasion, Luca Guadagnino a fait appel à Atticus Ross et Trent Reznor pour composer une musique inspirée de la house et de la techno, qui permettrait de souligner la frénésie du film, tout en lui apportant une certaine fraîcheur. Interrogé en conférence de presse à propos de cette composition musicale, le réalisateur a d’ailleurs confié vouloir « faire le lien entre la mise en scène pop et cette musique électronique. Il m’est apparu évident qu’il fallait avoir une bande-originale sur de la house assez pulsative et écrasante, qui conviendrait au rythme du film et aux sentiments dans lesquels on a envie de placer le spectateur ».
Il a par la suite ajouté : « Je voulais que le spectateur se sente comme à une rave-party, qu’il atteigne le sentiment dans lequel on se trouve grâce aux pilules qui font rire, sans forcément en prendre. La musique devait renforcer cette idée-là. »
Car, dans Challengers, il est bien question de dépendance. Art comme Patrick deviennent immédiatement addict à Tashi, et cela au prix de leur amitié qui va peu à peu vaciller à mesure que Luca Guadagnino orchestre leur duel. Challengers offre en effet une pluralité de regards. Qui est finalement le ou la plus toxique des trois ? C’est toute la problématique que pose le long-métrage. Est-ce Tashi qui vit à travers Art la carrière qu’elle n’a pas eue ? Est-ce Art, toujours en quête de validation ? Ou bien Patrick, dont l’impulsivité juvénile le pousse souvent à agir par intérêt et égoïsme ?
Chaque personnage se renvoie ainsi la balle. On joue avec les nerfs des spectateurs qui se retrouvent dans la même situation que ces protagonistes. À la manière d’un Ridley Scott, comme dans Le Dernier Duel (2021), Luca Guadagnino propose avec sa propre patte de confronter nos croyances et les points de vue. Cependant, là où le premier donnait une réponse à la fin de son film, le second choisit plutôt de laisser le spectateur décider du sort des personnages.
On est tour à tour ému, mal à l’aise, mais aussi fasciné par ces trois figures aussi athlétiques que torturées. Zendaya est magnétique, et bien qu’on aimerait désormais la voir dans un registre moins renfrogné, loin de son rôle dans la série Euphoria (2019), c’est peut-être la première fois qu’elle incarne véritablement un rôle antagoniste. Avec une certaine subtilité, elle n’a aucun mal à contrôler le destin de ces deux jeunes hommes, notamment celui d’Art, interprété avec brio par Mike Faist. Dévoilé par le West Side Story (2021) de Steven Spielberg, le comédien continue son exploration des personnages duels. Après avoir incarné Riff dans la comédie musicale culte, il se glisse dans la peau d’un joueur de tennis qui n’hésite pas à jouer sur les apparences pour se faire aimer de Tashi.
Enfin, de l’autre côté du terrain, Patrick incarne un séducteur qui réfléchit très peu aux conséquences de ses actes. Son interprète, Josh O’Connor, rappelle à nos mémoires la toxicité du Prince Charles qu’il incarnait jeune dans la série de The Crown, tout en présentant un homme fidèle à ce qu’il est. Peut-être le plus honnête du trio ? Ça, ce sera au spectateur de décider à partir du 24 avril 2024 dans les salles obscures.
Challengers, de Luca Guadagnino, avec Zendaya, Mike Faist et John O’Connor, 2h10, le 24 avril au cinéma.