Critique

Ces romans nous offrent un tout nouveau regard sur l’œuvre d’Hayao Miyazaki

02 mai 2024
Par Samuel Leveque
“Le Château ambulant” est sorti en janvier 2005 en France.
“Le Château ambulant” est sorti en janvier 2005 en France. ©Studio Ghibli

Rééditée par les éditions Ynnis, La Trilogie de Hurle de Diana Wynne Jones a profondément marqué et inspiré le créateur du Château ambulant.

Disparue en 2011, Diana Wynne Jones est considérée comme l’une des reines de la fantasy britannique. Formée à la littérature sur les bancs de l’université par Tolkien (Le Seigneur des Anneaux) et C.S Lewis (Narnia), elle a écrit une trentaine de romans au succès planétaire. Les traductions françaises sont relativement récentes, mais certaines de ses œuvres ont été de grands succès d’édition au Japon, dès les années 1980 – en particulier un certain Château de Hurle, premier volet d’une trilogie ambitieuse écrite entre 1986 et 2008.

Un triptyque de fantasy jeunesse culte

Rééditée en coffret intégral aux éditions Ynnis, La Trilogie de Hurle met en scène la jeune Sophie. Après avoir offensé la maléfique sorcière des steppes, l’adolescente se retrouve transformée en vieillarde et entre au service du redoutable Hurle. Ce dernier est un magicien excentrique, assez inamical au premier abord, et vivant dans un château semblant se mouvoir par magie. Et c’est bien ce bâtiment incroyable et ses pensionnaires qui sont au centre de la trilogie.

Édition brésilienne du Château de Hurle.©Éditions Galera

Tout au long des trois livres, la nature voyageuse du château permet d’explorer une géographie et une géopolitique assez complexes. Le premier nous livre une vision très inspirée des contes de fées allemands et sa suite, Le Château des nuages, se penche sur le folklore arabo-persan. Très inspiré des Milles et Une Nuits, il introduit de nouveaux personnages et des thématiques plus matures.

Le troisième livre, La Maison aux mille détours, offre une conclusion aux aventures de Sophie, Hurle et leurs compagnons en s’intéressant à une intrigue politique plus sombre et termine en beauté la plupart des intrigues encore laissées en suspens.

Le Château ambulant©Studio Ghibli

Elle introduit également un nouveau bâtiment mystérieux, une demeure dont les portes s’ouvrent sur d’étranges couloirs temporels. Les trois romans ont été de grands succès de librairie et sont désormais considérés comme des classiques de la littérature pour adolescents, vendus à des millions d’exemplaires.

L’inspiration principale du Château ambulant

Quand il découvre le livre, probablement à la fin des années 1990, Hayao Miyazaki est épaté par la force narrative du Château de Hurle, et particulièrement sa capacité à mettre en scène des thématiques complexes dans une histoire relativement simple. La relation conflictuelle mais attachante entre Sophie et Hurle, les angoisses existentielles du jeune démon Calcifer ou encore le message pacifiste subtil poussent le patron de Ghibli à lancer un projet d’adaptation en 2001.

Travaux préparatoires de Ghibli pour déterminer l’esthétique du château ambulant.©studio ghibli

Ce dernier a connu une production complexe, passant entre plusieurs mains. Un temps pressenti pour réaliser le film, Mamoru Hosoda est écarté au profit de Miyazaki lui-même, qui développe un univers graphique très abouti autour de la licence. Dans le roman de Diana Wynne Jones, beaucoup de descriptions de personnages et de lieux sont volontairement laissées floues, à l’intention de l’imagination du lecteur. Le réalisateur y a vu une opportunité d’y insérer son propre univers et de le mêler à celui des contes de fées.

Le film paru en 2004 au Japon s’inspire donc largement du folklore de l’est de la France (et plus particulièrement de la ville de Colmar, en Alsace), mais le cinéaste y injecte aussi une partie de ses propres passions, comme la mécanique, le steampunk et les véhicules improbables. Le château de Hurle s’y retrouve ainsi composé d’une multitude de cheminées à vapeur et juché sur d’immenses pattes de poulet.

Un auteur nourri aux classiques de la fantasy jeunesse

Tout au long de la production du film, le réalisateur nourrit un amour pour l’architecture européenne du XIXᵉ siècle. Ses équipes d’animateurs développent alors de nombreuses techniques d’animation et de traitement de l’image qui impressionnent encore 20 ans plus tard. Ces savoirs ont permis au studio d’accomplir une transition en douceur entre l’animation traditionnelle et l’animation numérique moderne.

Certaines des inspirations architecturales de Miyazaki se retrouvent d’ailleurs jusque dans les décors fantasmagoriques du Garçon et le Héron sorti l’année dernière, ainsi que des thématiques qui sont ici approfondies. Le réalisateur utilise le regard de Diana Wynne Jones sur la vieillesse, le passage à l’âge adulte ou encore les ambiguïtés morales comme un carburant qui le nourrit également lors de la production de Ponyo sur la falaise et du très beau Le Vent se lève.

Kiki la petite sorcière explorait déjà les classiques de la littérature jeunesse.©Ghibli

La réédition de la trilogie (qui devait sortir ce 2 mai, mais qui a été repoussée en septembre) est d’ailleurs l’occasion de se livrer à un comparatif des deux classiques, Miyazaki ayant ajouté ou modifié de nombreux éléments en adaptant Le Château de Hurle. Il est coutumier du fait, ayant lors de sa carrière réinterprété d’autres chefs-d’œuvre de la fantasy jeunesse, à l’image des romans classiques Kiki la petite sorcière d’Eiko Kadono.

C’est aussi une occasion rêvée de découvrir la suite des aventures émouvantes, drôles et parfois tragiques de Sophie et Hurle avec Le Château des nuages et La Maison aux mille détours, des œuvres passionnantes dont les intrigues ne sont pas couvertes par le film de Ghibli.

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