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Facebook Files : ce qu’il faut retenir de l’audition de Frances Haugen en France

12 novembre 2021
Par Kesso Diallo
La lanceuse d’alerte a échangé avec les députés français.
La lanceuse d’alerte a échangé avec les députés français. ©Assemblée nationale

Ce mercredi 10 novembre, la lanceuse d’alerte a été entendue par l’Assemblée nationale et le Sénat. Retour sur ses principales déclarations.

Facebook privilégie toujours le profit à la sécurité des utilisateurs

Dès le début de son audition à l’Assemblée nationale, Frances Haugen a réitéré cette accusation : « Je pense que Facebook a le potentiel de faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en nous. Néanmoins, je suis ici parce que je pense que les produits de Facebook nuisent aux enfants, attisent les divisions, affaiblissent les démocraties, et bien plus encore. » Selon elle, l’entreprise – récemment renommée Meta – continue de privilégier le profit au détriment de la sécurité des utilisateurs, raison pour laquelle elle ne rendra pas ces activités plus sûres, bien qu’elle sache comment y parvenir.

La lanceuse d’alerte a appelé à davantage de transparence pour rendre le groupe californien moins intouchable : « Si on ne sait pas ce que Facebook fait au juste, on ne peut pas leur poser les bonnes questions. » Dans ce sens, elle a présenté aux députés un plan en trois étapes pour évaluer les risques, qui devrait s’appliquer à toutes les plateformes : une évaluation menée par les entreprises, suivie d’une autre réalisée par « le public, la société civile » et, enfin, un mécanisme de suivi rendu possible avec les données fournies par les sociétés pour s’assurer que les choses soient vraiment faites.

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Frances Haugen est par ailleurs revenue sur le changement de l’algorithme gérant le fil d’actualité en 2018. Le but était de privilégier les « interactions sociales significatives », mais il a eu pour effet d’optimiser les publications clivantes. Un problème dont Facebook était apparemment conscient, mais qu’il n’a pas cherché à régler, ce genre de contenus générant plus d’engagement et de réactions de la part des abonnés au réseau. L’ancienne employée de Meta considère pourtant qu’il est possible pour les réseaux sociaux de revenir à l’échelle humaine, aux systèmes de classement des années 2008-2009, période où les contenus des amis et de la famille étaient priorisés sur les fils d’actualité.

Un manque de modérateurs francophones

Les Facebook Files ont montré un autre problème important du réseau social : le manque de modérateurs humains, notamment dans les pays en conflit, ce qui affecte la capacité de ses systèmes automatiques. Frances Haugen est revenue sur ce sujet, affirmant que l’entreprise accorde plus d’importance aux contenus en anglais qu’aux autres. L’arabe est par exemple traité comme une seule langue, alors qu’il regroupe plusieurs familles de langue différentes. Elle a notamment déclaré que Meta ne dispose pas de suffisamment de modérateurs francophones, ce qui a provoqué « des problèmes de sécurité importants » comme la désinformation sur le Covid-19.

Pour la lanceuse d’alerte, le géant américain devrait publier le nombre de modérateurs alloués à chaque langue. Elle considère également que « le pousser à dire quel contenu a été éliminé, dans quelle langue et pourquoi » serait un moyen de le forcer à soutenir un « ensemble plus diversifié de langues ».

La question de l’anonymat sur Facebook

Interrogée à propos de l’anonymat sur Facebook et de la responsabilité des utilisateurs par rapport aux informations publiées, Frances Haugen a déclaré que « rechercher l’identité des gens » n’allait pas améliorer les choses car ils continueront à utiliser des VPN pour contourner le problème. Un sénateur a d’ailleurs récemment présenté une proposition de loi pour contrôler l’identité des utilisateurs sur les réseaux sociaux pour remédier au problème des contenus menaçants, haineux et violents publiés de manière anonyme ou sous une fausse identité. L’ancienne cheffe de produit chez Facebook a ajouté que l’anonymat n’existe pas sur le réseau social : « Facebook a énormément de données sur vous, donc vous n’êtes pas anonymes. Facebook sait où vous êtes, ils font des choses étrangers avec les réseaux de wifi. Vous seriez assez étonnés de voir tout ce qu’ils peuvent faire ».

Enfin, Frances Haugen a exprimé ses inquiétudes concernant la vie privée avec le metaverse. Meta veut en effet construire un monde virtuel accessible grâce aux réalités virtuelle et augmentée. « Je pense que leur vision d’être au sein de l’environnement de travail est très préoccupante. Ils veulent des capteurs, des micros, des systèmes de surveillance », a-t-elle déclaré, ajoutant que si un employeur décidait d’intégrer son entreprise dans le metaverse alors qu’une personne travaille de chez elle, cela serait problématique, car les micros et capteurs seraient installés dans « son cadre personnel ».

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Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste