Après la claque de Jusqu’à la garde (2018), Xavier Legrand est de retour avec un second long-métrage baptisé Le Successeur. Un drame coup de poing qui prouve que le réalisateur a réussi le pari du deuxième film.
En 2018, Jusqu’à la garde, porté par Denis Ménochet et Léa Drucker, avait eu l’effet d’une bombe. Surtout, la sortie du film avait marqué la naissance d’un nouveau cinéaste, Xavier Legrand. Dans ce premier long-métrage, le réalisateur filmait les méandres du divorce et de la garde partagée. De retour sur grand écran, ce mercredi 21 février, avec Le Successeur, le metteur en scène osculte une nouvelle fois les relations familiales, et plus particulièrement celle d’un père et d’un fils. À la différence cependant qu’ici le patriarche est absent, hors-champ.
Et pour cause, dans Le Successeur, ce dernier est mort d’une crise cardiaque au Québec. Ce triste événement va pousser son fils, Ellias, à traverser l’Atlantique pour régler la succession. Designer de Haute Couture en France, l’artiste ne parle plus à son père depuis des années. Alors lorsqu’il va devoir s’occuper des obsèques, trier les affaires de son père, débarrasser sa maison, et rencontrer son meilleur ami, Dominique (Yves Jacques), Ellias va reconnecter d’une façon inattendue avec lui, mais aussi découvrir qu’il a hérité d’autre chose que d’un cœur fragile.
Tel père, tel fils
Il s’agit, en effet, d’une découverte amère pour le personnage d’Ellias incarné par l’excellent Marc-André Grondin. Ceci va former l’élément déclencheur du long-métrage et faire basculer ce dernier dans un nouveau registre. Du drame au thriller asphyxiant, il n’y a visiblement qu’un pas. Car ici, Xavier Legrand, qui prend son temps pour poser son cadre, dépeindre ses personnages et décrire les enjeux de son film, renonce vite au cinéma d’auteur pesant et léthargique, pour dynamiter toutes nos attentes et présenter un nouvel engrenage macabre.
Ceci va ainsi forcer Ellias a sortir de son silence, et à se transformer en quelque chose qu’il ne voulait pas. La violence est-elle héréditaire ? En tout cas, les mauvais choix le sont, car dans sa deuxième partie Le Successeur ne fera que présenter, avec une tension à la fois malsaine et fataliste, une suite d’erreurs, d’accidents et de faux pas, à mesure que l’ombre d’un père duel se dessine. Celui qui ne voulait en rien lui ressembler se retrouve ainsi héritier.
Par ailleurs, si le génie du long-métrage réside dans son rythme, la dichotomie des personnages, toujours sur le fil, et dont les intentions ne sont jamais vraiment révélées, vient nourrir ce trouble. Le spectateur se retrouve ainsi balader entre la peine et l’horreur, à mesure que le piège des apparences se referme.
Cette image prendra tout son sens dans une scène finale, portée par la musique de Michel Fugain, sur le titre mythique Fais comme l’oiseau (1972). Une séquence magistrale où le puzzle orchestré par Xavier Legrand s’assemble, et dresse un portrait viscéral, malaisant, trouble et explosif de personnages endeuillés.
Choqué, troublé, mais surtout schotché, c’est peut-être ainsi que le spectateur sortira de la salle après avoir vu Le Successeur. Avec ce long-métrage, Xavier Legrand signe une nouvelle réalisation maîtrisée et réussit le pari du second film. Le cinéaste continue de construire un univers cinématographique à travers des portrait duels, et une tension fiévreuse, toujours dans le but d’examiner les relations familiales. N’est-ce d’ailleurs pas à ses obsessions et à leur exploration toujours aussi bien menée que l’on reconnait les bons cinéastes ?
Le Successeur de Xavier Legrand avec Marc-André Grondin et Yves Jacques, 1h52, en salles le 21 février 2024.