Avec Lysfanga: The Time Shift Warrior, le studio français Sand Door Studio promet de renouveler les jeux de type hack’n’slash – à la Diablo – en introduisant une nouvelle mécanique de gameplay. Est-ce suffisant pour en faire un bon titre ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans les lignes qui suivent.
Si vous suivez un peu l’actualité du jeu vidéo, vous savez déjà que le nombre de jeux dits « indépendants » a explosé ces derniers temps, avec des milliers de titres qui sortent chaque année rien que sur Steam (la principale plateforme dédiée aux jeux PC). Pour surnager dans cet océan, il vaut mieux donc être adossé à un puissant éditeur. Et c’est précisément ce qu’ont réussi à faire les Français de Sand Door Studio, en faisant éditer leur dernier jeu, Lysfanga: The Time Shift Warrior, par Quantic Dream, à qui l’on doit notamment Detroit: Become Human, Beyond: Two Souls et Heavy Rain.
Rappelons pour les béotiens que les jeux de type hack’n’slash vous mettent aux commandes d’un personnage en vue isométrique, c’est-à-dire avec une caméra placée en hauteur. Le but est souvent de massacrer des hordes d’ennemis, avec parfois des composantes de RPG (jeux de rôle), avec des compétences et des équipements qui évoluent au fil de l’aventure. Le genre existe depuis des dizaines d’années, mais c’est vraiment la série Diablo, qui lui a donné ses lettres de noblesse.
Revenons maintenant à Lysfanga. Le jeu que nous testons ici est pour le moment disponible sur PC uniquement. Il vient enrichir le genre hack’n’slash avec une proposition audacieuse, par son utilisation jamais vue des mécaniques de voyage dans le temps, proposant une fusion entre action frénétique et réflexion stratégique. Il met en scène Imë, une guerrière chargée de protéger le royaume d’Antala à l’aide de pouvoirs temporels octroyés par la déesse du Temps.
Des mécaniques de jeu jamais vues
S’il ressemble de prime abord à un simple clone de Hades, Lysfanga: The Time Shift Warrior se révèle être bien plus que cela. Il se démarque en effet du titre du studio Supergiant Games par un gameplay réellement innovant. Le cœur du jeu repose sur une mécanique de boucles temporelles où le joueur utilise des clones, appelés Rémanences, pour combattre.
Concrètement, on se voit confier la tâche de nettoyer des arènes peuplées d’ennemis. La première phase ne diffère pas d’un hack’n’slash classique, puisque seule Lysfanga est présente à l’écran. Néanmoins, une sorte de sablier au délai assez court s’égrène rapidement – si rapidement qu’il est impossible de finir la joute en un seul passage.
Toutefois, lorsque le dernier grain de sable tombe et que le temps est écoulé, on repart en arrière dans le temps. Et là, un clone temporel – le fameux Rémanence – vient nous prêter main-forte en exécutant exactement les mêmes actions que celles déjà effectuées au premier tour. Cela signifie que l’on n’a plus à se soucier d’éliminer les adversaires ou d’actionner les mécanismes dont on s’est déjà occupé. Lorsque l’on entame le troisième tour, deux Rémanences refont les actions à l’identique. Et ainsi de suite.
Il faut donc planifier les actions à l’avance, pour tirer le meilleur parti de ce mécanisme. À mesure que les niveaux défilent et deviennent difficiles, le nombre de tours augmente. Et qui dit tours supplémentaires, dit nouvelles Rémanences. Très vite, on pourra compter sur une véritable petite armée en fin de niveau pour nous assister. Mais ce n’est pas pour autant que l’on peut juste foncer tête baissée.
Le jeu évolue aussi en complexité avec l’introduction d’ennemis nécessitant des approches tactiques spécifiques et l’utilisation judicieuse des Rémanences pour exploiter les points faibles adverses. Les niveaux sont conçus pour encourager la planification stratégique, demandant aux joueurs de réfléchir à la meilleure façon d’aborder chaque combat, en tenant compte de l’ordre des cibles et de l’utilisation optimale des capacités. Vous l’aurez compris, Lysfanga redéfinit complètement l’expérience hack’n’slash avec l’introduction de cette dimension tactique.
Un joli monde… qui sonne creux
Les mécaniques de jeu se montrent éminemment originales, mais on ne peut pas en dire autant du scénario. Situé dans le royaume imaginaire d’Antala, le récit suit les aventures d’Imë dans sa quête pour sauver son monde d’une menace ancienne.
S’il n’est pas désagréable, le scénario n’est là que pour meubler entre les scènes d’action. La structure narrative se montre ainsi très basique la majeure partie du temps. Elle est construite autour de la progression à travers diverses arènes de combat, entrecoupée de séquences narratives.
Cependant, ces moments de narration ne sont guère palpitants et le joueur pourra même parfois les ressentir comme des interruptions malvenues plutôt que comme des éléments enrichissant l’expérience de jeu.
De plus, la quête d’objets de collection, bien qu’incitant à l’exploration, n’est pas vraiment intégrée à l’histoire principale et se montre assez vite répétitive. L’écriture des personnages est du même acabit et les différents protagonistes qui croiseront votre route manquent sérieusement de profondeur, se résumant souvent à des archétypes sans grande originalité.
Encore une fois, ce n’est pas catastrophique, mais ce n’est pas pour l’histoire ou les interactions avec les uns ou les autres que Lysfanga fera date. C’est d’autant plus dommage que les développeurs ont réussi à créer un univers assez plaisant, avec une mythologie propre au jeu.
Pour finir cette partie sur une note un peu plus positive, notons tout de même que le jeu parvient à quelques occasions à tisser des liens entre gameplay et narration, notamment à travers l’utilisation des pouvoirs temporels d’Imë. Nous ne vous en dirons pas plus pour ne pas vous spoiler, mais sachez que ces rares moments donnent un aperçu de ce que Lysfanga aurait pu offrir avec une intégration plus poussée de la narration dans la mécanique de jeu.
Du côté de la technique
C’est d’autant plus dommage que l’aspect visuel se prête à une immersion dans l’univers du jeu. Graphiquement, le titre de Sand Door Studio donne à voir une direction artistique assez remarquable, puisant son inspiration dans les tableaux orientalistes du XIXe siècle. Cet univers baigné dans des tons bleus et violets évoque les contes des Mille et Une Nuits et l’architecture arabo-persane médiévale.
Ce rendu visuel réussi est renforcé par des effets de lumière, des textures et des animations de belle qualité. Sans être inoubliable, l’habillage sonore se montre à l’avenant, avec des compositions musicales orientales qui ne détonnent pas avec la direction artistique. Enfin, le jeu tourne sous Unity et fonctionne comme un charme sur des configurations pas trop musclées. La configuration minimale conseillée par Sand Door Studio est la suivante : Intel Core I5-2300 @ 2.80GHz / AMD Ryzen 3 3200G, 8 Go de RAM, GeForce GX 780 [3GB] / Radeon RX 580.
Nous n’avions pas de configuration aussi modeste sous la main pour tester le jeu, mais elle nous semble tout de même un peu légère, notamment pour les scènes d’exploration. Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont ces dernières qui semblent les plus exigeantes en termes de ressources. Sur Steam Deck par exemple, les phases de combat tournent parfaitement, ce qui est vital pour un titre où la précision et le timing des actions sont essentiels.
De fait, le jeu est donc tout à fait jouable sur la console PC de Valve, dans la mesure où les quelques ralentissements surviennent uniquement dans les phases d’exploration. Néanmoins, nous avons passé la majeure partie des sessions sur un Huawei MateBook 16s (2022).
Un PC non gamer, donc, mais qui embarque tout de même un processeur Core i7-12700H et 16 Go de RAM, ce qui reste inférieur à la configuration recommandée par l’éditeur : Intel Core i7 10700k / AMD Ryzen 5 3600, 16 Go et GeForce RTX 2060 / Radeon RX 5700 XT. Pourtant, sur notre MateBook 16s, nous n’avons rencontré aucun problème de fluidité, avec un niveau de détail tout à fait correct.
La fin n’est que le début
Terminons ce tour d’horizon de Lysfanga par sa rejouabilité et son contenu post-jeu. Après avoir fini l’histoire principale, les joueurs peuvent se plonger dans divers défis et modes de jeu qui prolongent l’expérience bien au-delà de la première fin. Les arènes de combat, au cœur de l’expérience de jeu, offrent des objectifs de temps optionnels pour ceux qui cherchent à maîtriser pleinement chaque niveau. Cette quête de perfectionnement incite à revisiter les scènes de combat, en affinant les stratégies et en explorant toutes les possibilités qu’offrent les mécaniques de gameplay si particulières de Lysfanga.
En outre, le jeu introduit des variantes de niveaux post-jeu, avec des modificateurs de combat qui renouvellent les affrontements et présentent des défis plus corsés. Ces modifications apportent une nouvelle dimension aux combats déjà connus, exigeant des joueurs qu’ils adaptent leurs tactiques.
Par ailleurs, même si ce n’est pas le point le plus passionnant de ce jeu, les complétionnistes seront ravis d’apprendre que la chasse aux objets de collection, aux artefacts cachés, pouvoirs oubliés et autres améliorations des équipements offre également une raison de se replonger dans le jeu pour en découvrir tous les secrets.