Décryptage

L’âge d’or de la BD d’horreur américaine

17 janvier 2024
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The Vault of Horror, un magazine aux récits particulièrement gores.
The Vault of Horror, un magazine aux récits particulièrement gores. ©EC Comics

Depuis quelques mois, le marché du comics en France accueille de nombreuses rééditions de classiques de la BD américaine d’horreur. L’occasion de se replonger dans l’histoire de ce sous-genre bien particulier !

En octobre 2023, Image Comics a annoncé la sortie de nombreux projets autour de la licence Creepshow, allant de l’annonce d’un jeu vidéo à des histoires de Noël dessinées par des auteurs prestigieux. Une revisite bienvenue du film de 1982 de George A. Romero, lui-même inspiré par l’immense patrimoine de la bande dessinée horrifique d’après-guerre. Le comics d’épouvante est une tradition bien ancrée et riche en nouveautés comme en rééditions, mais dont l’âge d’or se situe il y a près de 80 ans !

Un genre qui émerge dans les années 1940

Si les premières histoires horrifiques naissent sporadiquement dans certaines revues pulp publiées dans les années 1930, c’est bien à partir de 1940 que les auteurs de comics commencent à intégrer massivement des éléments d’épouvante dans leurs récits. Il faut dire que la conjoncture s’y prête : les films du genre gagnent en popularité, la bande dessinée américaine se structure et n’est encore soumise à quasiment aucune forme de censure, et le marché est économiquement florissant.

Fantomah, une série aux frontières de l’horreur et des super-héros.©Fletcher Hanks/Domaine public

C’est ainsi que naissent, par exemple, les très étranges bandes dessinées de Fletcher Hanks au début des années 1940, intégrant des éléments de terreur et de body horror au fil de ses histoires courtes. Des magazines de BD généralistes se mettent vite à proposer de plus en plus d’éléments liés aux films de genre dans leurs nouvelles : les pages de Detective Comics, Suspense Comics et autres Dime Mystery se peuplent soudain de goules, de vampires et de créatures de Frankenstein.

Eerie #13, 1953.©Avon Books

Mais c’est bien le lancement de deux revues spécialisées dans ce genre de récits qui va définitivement populariser ce type de publications : Eerie aux éditions Avon (un éditeur désormais spécialisé dans… la romance), et Adventures Into the Unknown, édité par American Comics Group. Des succès en kiosque qui vont pousser tous les éditeurs du secteur à lancer des revues de ce style entre 1945 et le début des années 1950.

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Un déclin sur fond d’autocensure dans les années 1950

L’éditeur qui pousse le plus loin la mode des récits d’horreur est sans conteste EC Comics, un petit éditeur en quasi-faillite qui se relance à la fin des années 1940 en surfant de manière spectaculaire sur le goût du public pour les histoires surnaturelles. La particularité des comics EC (Les Contes de la crypte, The Vault of Horror, etc.) était un goût immodéré pour la provocation, le gore et la violence.

Un ton extrême et outrancier qui va payer en kiosque, mais alimenter un débat national sur le contenu des publications à destination de la jeunesse aux États-Unis. En 1954, la bande dessinée d’horreur est au faîte de sa popularité (près de 25 % des titres publiés appartiennent à ce registre), mais une commission parlementaire remet violemment en cause l’industrie des comics, l’accusant de générer de la délinquance juvénile.

Sénateurs américains en train d’examiner des couvertures de comics horrifiques en 1954.©Library of Congress

Pour éviter une régulation trop contraignante, le syndicat des éditeurs et distributeurs de presse choisit de régler le problème en interne en créant en septembre 1954 le Comics Code Authority : une longue liste de sujets à ne pas aborder dans les comics, sous peine de ne pas voir les magazines concernés livrés aux détaillants.

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Le CCA est une véritable hécatombe pour EC Comics, comme pour ses concurrents qui se retrouvent empêchés d’évoquer la quasi-totalité des sujets habituellement traités par les histoires horrifiques. En quelques mois, presque tous les acteurs du secteur font faillite ou se recentrent sur d’autres genres, ce qui contribue à l’immense regain de popularité des super-héros dans les années 1960. Quant à EC, ils se recentrent sur Mad, un magazine de comédie culte qui sera publié jusqu’en 2018.

Des comebacks réguliers et des succès ponctuels

Les éditeurs qui sortent gagnants de cette hécatombe, en premier lieu Marvel et DC, tenteront de publier des histoires dans le registre de l’épouvante, en se conformant au Code. Le résultat, forcément moins spectaculaire, est souvent en deçà des attentes du public, qui se détourne petit à petit de ce type de récits.

Couverture de Vampirella par Frank Frazetta.©Warren Publishing

Il faut attendre les années 1970 pour que, changement des mœurs aidant, le Code s’assouplisse et devienne progressivement caduc, permettant à de nouvelles revues d’épouvante d’émerger, à l’image de celles de Warren Publishing (Vampirella, Creepy…). De jolis succès qui n’égalent pas en popularité les publications de l’âge d’or et ne créent pas de véritable engouement populaire, restant cantonnés à un public de connaisseurs. Pire : dans les années 1980 et 1990, le déclin progressif des ventes de comics conduit de nombreux éditeurs à abandonner leur catalogue horrifique au profit de genres bénéficiant d’une audience plus large.

The Goon.©Dark Horse Comics

Plus récemment, le phénomène inverse s’est cependant produit : pour ramener un public plus large à la lecture de BD, les principaux éditeurs ont misé sur ces genres délaissés. Hellboy, The Walking Dead, Hellblazer ou encore The Goon plongent largement leurs racines dans cette première grande période du comics horrifique. Phénomène qui s’accompagne de la réédition de plus en plus systématique des grandes anthologies de nouvelles horrifiques des années 1940 à 1970, parfois dans de prestigieuses intégrales. La bande dessinée d’épouvante semble ainsi loin d’avoir dit son dernier mot.

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