Créatrice de contenu et animatrice du podcast Vos cops en parlent, The Ginger Chloe était l’invitée du festival Pop & Psy. L’Éclaireur l’a rencontrée juste avant sa conférence, pour échanger avec elle sur la santé mentale et le body positive.
Vous animez aujourd’hui une conférence sur la gen Z, la santé mentale et les réseaux sociaux. Pourquoi était-ce important pour vous de sensibiliser le public à ce sujet ?
Je suis moi-même passée par des périodes où ma santé mentale n’était pas au top, où je ressentais de l’anxiété, et subissais des troubles du comportement alimentaire. Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidée à traverser ces périodes. On en parle souvent d’une manière négative, mais ils m’ont apporté énormément de positif. Aujourd’hui, j’essaie d’en donner aux autres à mon tour. Ce sujet me tient particulièrement à cœur, et je pense qu’il y a encore beaucoup trop de tabous autour de la santé mentale. J’aimerais contribuer au fait de le rendre plus accessible.
Votre conférence évoque aussi les clichés véhiculés sur cette génération. Lesquels vous énervent le plus ?
J’entends beaucoup qu’on est une “génération de flemmards” à qui on ne peut rien dire. En réalité, on est juste beaucoup plus conscients de nos conditions, de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Par exemple, on est beaucoup plus renseignés sur l’importance de la santé mentale au travail et on se laisse moins faire qu’avant.
Les 18-24 ans sont près de deux fois plus nombreux à avoir été directement concernés par un trouble psychologique que les plus de 65 ans (34 % vs 18 %). Ce phénomène est-il le résultat d’une utilisation massive des réseaux sociaux ou montre-t-il simplement que les jeunes sont plus sensibilisés aux questions de santé mentale ?
Je pense que c’est vraiment un mélange des deux. Sur les réseaux sociaux, on se compare énormément aux autres, on passe beaucoup de temps sur les écrans et beaucoup moins à prendre soin de soi avec des activités physiques ou qui font du bien au moral. On peut donc avoir tendance à plus se renfermer sur soi et on est davantage la cible de cyberharcèlement ou d’arnaques en ligne. Les réseaux sociaux peuvent effectivement être très difficiles à vivre. D’un autre côté, ils nous permettent aussi de nous sensibiliser aux questions de santé mentale et de mettre des mots sur nos maux.
Vous êtes connue pour prôner le body positive sur Instagram. Quel est votre rapport avec votre corps ?
J’ai été très très complexée par mon corps pendant des années et ça avait des répercussions énormes sur ma vie. J’étais capable d’annuler des sorties avec des amis parce qu’il fallait que je fasse attention à ce qu’il y avait dans mon assiette. Un dîner m’angoissait. Ce complexe avait aussi un impact sur ma vie sentimentale, car je n’avais pas confiance en moi et c’était difficile d’avoir une relation amoureuse.
L’estime que j’avais de moi-même était aussi impactée et j’avais des mots très difficiles envers ma propre personne. À un moment, je me suis dit que ce n’était plus possible, que je ne pouvais pas continuer comme ça et qu’il fallait que je reprenne le pouvoir. J’ai voulu réparer ce rapport que j’avais avec mon corps ; je vais vivre dedans toute ma vie, donc autant que ce soit une bonne relation.
J’ai commencé à me déconstruire et à prendre conscience que la société profitait de nos complexes. Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidée, notamment quand j’ai découvert le mouvement de body positive. À ce moment-là, il était très présent aux États-Unis, mais peu de personnes prenaient la parole chez nous, donc je me suis dit que ce serait sympa de faire du contenu en français à propos de tout ça pour aider à mon tour d’autres personnes. Ça a marché, et aujourd’hui, je me rends compte que j’ai un impact positif sur les autres.
Qu’est-ce qui vous a poussé à parler de santé mentale sur les réseaux sociaux ?
Ce sujet est complètement lié au body positive. Je lutte contre les standards de beauté, qui ont un impact ultranégatif sur la santé mentale : quand on est mal dans sa peau, on est mal dans sa tête. Ces thématiques sont encore très taboues et c’est hyper important d’en parler. J’essaie de n’en avoir aucun sur mon compte, donc je poste des photos de moi sans filtre, authentiques et naturelles. J’encourage aussi mes abonnés qui n’osent pas franchir le cap d’aller voir un psy et de prendre rendez-vous s’ils en ont besoin.
Avez-vous l’impression que les nouvelles générations ont un rapport plus sain et bienveillant avec leur corps ?
Non, au contraire. Il y a encore énormément de travail à faire là-dessus, et les chiffres le montrent. Beaucoup de jeunes ont de gros problèmes avec leur estime d’eux-mêmes, ils ont encore beaucoup de complexes, les actes de chirurgie esthétique sont en hausse… On est très loin de ce monde inclusif et bienveillant.
Vous avez indiqué sur Instagram recevoir beaucoup de commentaires déplacés. Comment se protège-t-on émotionnellement face à ces haters ?
La plupart du temps, les personnes qui me critiquent ne viennent pas de ma communauté et ne me suivent pas. Ils disent que j’ai la flemme de prendre de soin de moi, me demandent de faire un régime ou de perdre du poids… C’est beaucoup de remarques sur mon corps, alors que je fais une taille 42. On ne se rend pas compte, mais il y a énormément de grossophobie sur les réseaux sociaux.
Je fais face à beaucoup de critiques, mais j’essaye de m’en détacher au maximum. Je me concentre sur le positif en me disant que j’aide des personnes – même si c’est une seule, ma journée est refaite. Je me dis que les utilisateurs qui postent ce genre de message sont sûrement eux-mêmes mal dans leur peau et ont des problèmes de santé mentale.
Avant de nous quitter, pouvez-vous nous partager vos derniers coups de cœur culturels de ces derniers mois ?
Je vous conseille de suivre le compte Instagram @bonjouranxiete, qui a récemment sorti un livre super intéressant qui parle justement d’anxiété et qui nous déculpabilise sur la santé mentale, sur la dépression et sur tout ce qu’on peut traverser dans la vie. Il m’aide beaucoup, me permet de relativiser et me fait surtout me sentir moins seule.