À l’approche du 31 octobre, nous avons sélectionné les cinq saisons d’AHS et les cinq épisodes d’American Horror Stories à (re)voir pour se mettre dans l’ambiance. Les plaids sont prêts, les lumières éteintes, et l’écran s’allume…
Depuis 2011, la série American Horror Story fascine. Créée par Ryan Murphy et Brad Falchuk, elle puise dans les mythes, croyances, traumatismes et peurs des États-Unis pour proposer chaque saison une histoire différente, autosuffisante et indépendante, souvent incarnée par un casting récurrent (avec un duo de tête composé de Sarah Paulson et Evan Peters, qui détiennent le record de participation). Douze saisons plus tard (la diffusion d’American Horror Story : Delicate est en cours), les spectateurs ont chacun leur interprète fétiche, leur saison favorite et leur générique préféré.
En 2021, AHS gagne une petite sœur : American Horror Stories, dont la troisième saison est sur le point de commencer à la fin du mois avec une programmation spéciale Halloween. Le principe est le même, si ce n’est que Stories propose une histoire indépendante par épisode, et non pas par saison.
Avec ce spin-off au format différent, l’horreur s’apprécie avec une autre temporalité : American Horror Story et Stories cohabitent, avec leurs qualités et leurs défauts. Quand la première a le temps de développer plusieurs intrigues et personnages au point de se perdre parfois en fin de saison, la seconde doit aller à l’essentiel (en moins d’une heure) pour proposer un tout cohérent et effrayant, parfois frustrant.
Il n’empêche, les deux shows partagent des qualités similaires, à commencer par des postulats toujours énigmatiques, des castings prestigieux et une ambiance macabre capable de prendre différentes formes. Pour l’occasion, L’Éclaireur a concocté une sélection bien personnelle de cinq saisons de Story et de cinq épisodes de Stories, sans ordre de classement, pour saisir dans sa globalité l’essence et l’originalité d’American Horror.
| American Horror Story, saison 1 : Murder House, là où tout a commencé
S’il fallait n’en choisir qu’une, ce serait probablement Murder House. La première saison d’American Horror Story a, d’une certaine façon, révolutionné le petit écran lors de sa diffusion en 2011 (n’ayons pas peur des mots).
Le postulat de départ est simple : un couple emménage dans une maison grandiose… mais hantée. Pour ses débuts, AHS utilise le décorum évident et classique de la maison hantée. Apparitions fantomatiques, passé mystérieux, créatures monstrueuses…
Murder House est surtout la découverte du style narratif de Ryan Murphy à travers l’horreur. Le créateur de la série, déjà bien au fait du body horror avec sa série Nip/Tuck (2003), plonge dans la « viscéralité » et la violence des États-Unis d’une façon très crue. Thématiques difficiles, angoisse, sexe malsain, gore… American Horror Story n’est pas une œuvre gothique poétique. Parfois – très – sale, elle mélange tous les traumas du pays dans un lore fantastique dérangeant.
Murder House est également le début d’une troupe d’acteurs et d’actrices qui reviendront régulièrement dans la série (Sarah Paulson, Evan Peters, Jessica Lange…), tout en offrant les premiers rôles à des interprètes qui ne reviendront pas (quoique ?), mais qui ont marqué durablement AHS : Dylan McDermott et Connie Britton. Ne serait-ce que pour la toute première découverte du mythique générique glaçant de la série, Murder House reste culte.
| American Horror Stories, saison 1, épisode 4 : La Liste des vilains, quand Noël tourne au cauchemar
Si American Horror Story et Stories sont particulièrement recommandées en période d’Halloween, il arrive que ces séries travestissent d’autres fêtes dans un but horrifique. C’est le cas de l’épisode La Liste des vilains, dans la première saison d’American Horror Stories. Lors des fêtes de fin d’année, un groupe d’influenceurs tente de remonter la pente après une vidéo mal accueillie, et va jusqu’à mettre en colère le mauvais père Noël (un surprenant Danny Trejo).
Dans le pur style du revenge movie, La Liste des Vilains fonctionne grâce à son jusqu’au-boutisme assumé, sa construction minutieuse menant au dénouement et son autopsie du rôle même des influenceurs. C’est la particularité – et la force – de Stories : les épisodes étant autosuffisants, aucun personnage n’est réellement essentiel.
| American Horror Story, saison 7 : Cult, le traumatisme politique
En novembre 2016, Donald Trump est élu Président des États-Unis, à la stupéfaction d‘une partie du pays et du reste du monde. Il n’en fallait pas plus pour qu’American Horror Story s’empare de la politique et de l’élection de Trump pour utiliser des peurs très actuelles dans sa septième saison.
Cult démarre le soir de la victoire de Donald Trump et s’intéresse aux destins croisés de différents personnages, influencés par ce résultat inattendu. Nettement moins fantastique que les autres saisons, Cult garde une part d’ésotérisme et parvient à utiliser un propos très contemporain pour effrayer autant qu’avec des fantômes.
La violence (psychologique et physique) est omniprésente. La saison parvient à marquer les spectateurs du début à la fin, en utilisant des symboles de peur universelle, comme les clowns. Alors que le destin politique des États-Unis est sur le point de se rejouer en 2024, Cult est une capsule temporelle assez fascinante à observer, totalement marquée par son époque.
| American Horror Stories, saison 2, épisode 3 : Course-Poursuite, la petite histoire des soirées à se faire peur
Une jeune femme rentre en conduisant en pleine nuit et réalise qu’elle est suivie par une voiture. Cette dernière devient de plus en plus insistante, fait des appels de phare et klaxonne à outrance. Course-Poursuite est très simple dans son postulat. Presque trop, en réalité, tant l’épisode semble reposer seulement sur la présence (et la plastique) de Bella Thorne. Puis, le propos s’installe, la tension monte et les différents twists créent de belles surprises.
Course-Poursuite se révèle efficace et utilise en réalité une idée maligne : prendre l’histoire d’horreur racontée au coin du feu tard dans la nuit pour en faire autre chose, en tordant son dénouement. Une belle façon pour Stories de respecter son intitulé. Parfois, il suffit de (très) peu pour créer de la tension.
| American Horror Story, saison 6 : Roanoke, pour la forme surprenante et l’imprévisibilité
La sixième saison d’American Horror Story est originale à plus d’un titre. Lors de sa promotion – et contrairement aux précédentes saisons – il était quasiment impossible d’en déterminer le thème central ou le sujet. Dès le premier épisode, la raison s’explique : Roanoke est construite comme une émission de faits divers, une docusérie true crime.
Les personnages s’expriment face caméra et racontent leur calvaire, pendant que l’intrigue est reconstituée avec des acteurs. Le résultat est excellent. Roanoke change la forme de la série, au moment où elle en avait besoin.
En suivant le supplice d’un jeune couple installé dans un manoir isolé, la saison est baignée d’une aura mystérieuse et angoissante qui utilise la légende de la colonie disparue de Roanoke dans les années 1580. Juste avant Cult et son trauma contemporain, Roanake traite de l’un des plus anciens mystères de la colonisation américaine, et offre à Kathy Bates l’un de ses meilleurs rôles. Le plus beau twist ? Si l’horreur déjà bien violente montrée dans la série n’est qu’une reconstitution, quelle est l’intensité de la réalité ? La deuxième partie de la saison offre une réponse.
| American Horror Stories, saison 1, épisode 5 : BA’AL, l’utilisation du démon
American Horror a souvent utilisé le thème de la grossesse dans ses récits. Les personnages tentent d’avoir un enfant ou bien doivent gérer le fait d’en avoir eu un. Dans BA’AL, le concept est poussé tout le long de l’épisode quand une jeune femme utilise des méthodes absolues pour tomber enceinte. Ce dernier joue avec l’invocation démoniaque, et les conséquences que cela engendre.
L’épisode est d’abord l’occasion de retrouver Billie Lourd (récurrente d’American Horror) et de proposer des design monstrueux réussis. Surtout, il condense toute une thématique essentielle autour de la parentalité que Ryan Murphy tient à traiter dans son œuvre (dès Murder House, et jusqu’à Delicate, la nouvelle saison d’AHS). Enfin, sa réussite tient au fait de montrer comment l’horreur peut surgir là où personne ne l’attend, et pas forcément de l’endroit le plus prévisible.
| American Horror Story, saison 3 : Coven, à l’école des sorcières
Pour beaucoup de spectateurs, Coven est l’une des meilleures saisons d’American Horror Story. Avec ses décors situés à La Nouvelle-Orléans, son ambiance de sorcellerie et – encore – le traitement d’aspects peu reluisants de l’histoire et de la société américaine (l’esclavage et les sorcières de Salem), la troisième saison s’intéresse à la vie au sein d’une maison pour jeunes filles exceptionnelles. Vraiment exceptionnelles.
En un sens, Coven représente le meilleur d’American Horror Story : du fantastique, une riche mythologie, des marginaux, de l’ambiguïté, le tout ancré profondément dans l’histoire et la géographie du pays, porté par un des plus riches castings de la série (de la « première » génération du moins). Jessica Lange est à son apogée, Kathy Bates, Angela Bassett et Emma Roberts rejoignent l’aventure et Stevie Nicks – chanteuse de Fleetwood Mac – a droit à un caméo musical. Mythique.
| American Horror Stories, saison 2, épisode 6 : Lifting, retour à la chirurgie esthétique
Quand American Horror Stories rencontre Nip/Tuck. Une femme d’âge mûr ne supporte pas de se voir vieillir. Elle fait appel à une chirurgienne plastique reconnue pour rendre leur jeunesse à ses patients. Après l’intervention, elle doit garder son visage masqué avant de découvrir le résultat. Et forcément, tout ne se passe pas comme prévu.
Lifting est intéressant pour sa capacité à toucher à l’anthropomorphisme horrifique. Un genre déjà apprécié dans la saga et qui prend ici d’autres dimensions visuelles avant un dénouement classique, mais satisfaisant. Il utilise également une thématique récurrente à American Horror : la transformation du corps, les différences, et la mutilation.
| American Horror Story, saison 5 : Hotel, la perte de raison dans un labyrinthe infernal
La cinquième saison d’AHS est la plus fantasmagorique et la plus onirique. La série joue souvent avec le vrai et le faux pour brouiller les pistes, mais Hotel va beaucoup plus loin. Dès l’instant où les personnages (et les spectateurs) franchissent l’entrée de l’hôtel Cortez, plus rien n’a de sens, de logique, et le questionnement autour de la folie atteint celui qui a été vu dans American Horror Story : Asylum (la seconde saison). Hotel est une plongée dans le terrier du lapin d’Alice, mais avec les codes et obsessions d’American Horror Story.
Si certaines intrigues secondaires ont moins d’intérêt, tout ce qui passe au sein de l’hôtel est fascinant. Les résidents sont étranges, effrayants, dangereux. Chaque couloir ou chambre peut représenter un coupe-gorge. La symbolique même d’un hôtel (lieu par définition très symétrique et jouant sur les portes : une entrée vers différents univers) pousse la série vers le haut.
Au sommet d’Hotel, la reine des freaks elle-même : Lady Gaga dans un rôle taillé sur mesure, ambigu, sexy, et profondément touchant, malgré la véritable horreur dont elle fait preuve. Clairement l’une des meilleures saisons.
| American Horror Stories, saison 1, épisode 7 : Game Over, bienvenue à la maison
Le retour aux sources, à la Murder House, mais avec des années en plus et toute la mythologie American Horror créée depuis… Game Over est assurément l’épisode le plus méta de toute la (les) série(s). Ici, un couple passionné d’horreur décide de louer la maison hantée d’American Horror Story. C’est du moins le postulat de base, avant que l’épisode aille dans une tout autre direction.
Quelques éléments sont poussifs et desservent le propos, mais Game Over est réjouissant dans son mélange de tout l’univers American Horror. Liant les saisons et les séries, l’épisode est un bon moyen pour constater comment l’œuvre de Ryan Murphy a évolué depuis 2011. Comment une simple histoire de fantômes est devenue tout autre chose. L’une des forces d’American Horror (Story ou Stories) est son côté anthologique : le fait de pouvoir commencer une saison au hasard sans se soucier des autres et être en mesure de suivre une histoire contenue.
Game Over est l’un des seuls épisodes (avec quelques autres et une ou deux saisons de Story qui sont plus ou moins des suites lointaines) à faire abstraction de cet élément. Il ne s’apprécie qu’en ayant vu la majorité de la « saga ». Une exception à la règle, en somme, mais American Horror a toujours fait selon ses propres règles.