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Littérature érotique : cinq chefs-d’œuvre du genre

10 août 2023
Par Léonard Desbrières
Littérature érotique : cinq chefs-d’œuvre du genre
©aga7ta/Shutterstock

Pour déguster votre été, L’Éclaireur vous offre une sélection des plus belles œuvres érotiques de l’histoire de la littérature.

1 Les Liaisons dangereuses, de Pierre Choderlos de Laclos, 1782

Certains romans connaissent des destinées bien étonnantes. À travers l’histoire de la littérature, ils sont ballotés au gré des modes et des normes artistiques, ils se retrouvent tantôt glorifiés, tantôt mis au ban, ils sont même parfois condamnés à l’oubli. Au fil des siècles, ces vies multiples, Les Liaisons dangereuses, le chef-d’œuvre de Pierre Choderlos de Laclos, les a toutes vécues. Roman épistolaire de 175 lettres, écrit à partir de 1779 et publié en 1782, il devient une œuvre phare du XVIIIe siècle, un des plus glorieux exemples de la richesse du roman libertin.

Mais au XIXe siècle et dans la première partie du XXe siècle, frappé par la condamnation morale, il disparaît totalement du paysage, comme s’il n’avait jamais existé. Ce n’est qu’après-guerre, sous l’impulsion d’écrivains comme Malraux, que le roman est considéré à sa juste valeur, comme un monument de littérature érotique et plus encore comme un des plus grands romans français jamais écrits.

Couverture du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses.©Le Livre de Poche

Si au premier abord le style épistolaire effraie, il est accessible. Surtout, il offre aux lecteurs une plongée vertigineuse dans les sentiments des différents protagonistes, dans ce qu’ils ont de plus intime. En entrecroisant les différentes lettres, en alternant les expéditeurs et les destinataires, Choderlos de Laclos joue avec les codes narratifs, multiplie les ellipses et fabrique du suspense. L’histoire, c’est d’abord celle d’une vengeance. Pour faire payer le comte de Gercourt, un ancien amant qui l’a trahi, la marquise de Merteuil charge son grand ami, De Valmont, séducteur redoutable, de faire succomber la promise du comte, l’ingénue Cécile Volanges.

Mais la tâche s’annonce ardue : Cécile cultive en secret une passion pour le chevalier Danceny, son professeur de musique, et Valmont a une autre conquête en tête, qu’il voit comme un défi, la pieuse et délicate présidente de Tourvel. Si libertinage et érotisme sont partout, ils ne sont que poudre aux yeux. Choderlos de Laclos raconte par le menu ces cabotinages pour mieux s’en moquer et chanter, en creux, une ode à l’amour et aux amoureux. À noter parmi les innombrables adaptations, le film de Stephen Frears resté dans les annales avec un duo John Malkovich/Glenn Close au sommet.

Bande-annonce des Liaisons dangereuses de Stephen Frears.
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2 Justine ou les malheurs de la vertu, du marquis de Sade, 1785

Quand il s’agit de scandale et de provocation, le marquis de Sade prend toujours soin de pousser le curseur à fond. Tout juste libéré de prison grâce à la Révolution et la fin de la lettre de cachet royal qui le condamnait sans jugement, il publie Justine ou les Malheurs de la vertu, un monument d’érotisme qui prend soin d’égratigner au passage le plus grand écrivain de l’époque, Jean-Jacques Rousseau. Ce roman est en effet conçu comme une réponse cinglante à Julie ou la Nouvelle Héloïse, roman le plus lu du XVIIIe, siècle qui faisait le récit lyrique et spirituel d’une passion entre deux amants. Un texte bien trop puritain au goût du marquis de Sade.

Couverture de Justine ou les Malheurs de la vertu. ©Le Livre de Poche

L’écrivain raconte à travers le personnage de Justine ce qu’il en coûte de vouloir à tout prix conserver sa vertu. Incarnation de la douce nature rousseauiste, Justine s’attire les foudres d’un monde pervers, salace, en voulant à tout prix marcher dans les traces de Dieu et incarner une figure morale. Apologie du crime et du vice, ce roman dérangeant, parfois jusqu’à la nausée, est une succession de scènes lubriques, orgiaques et fantasmagoriques où Justine subit les foudres d’une humanité faite de désirs crasses. Les romans du marquis de Sade sont envoûtants, hypnotiques, mais vous secouent sans ménagement. Le symbole d’une branche de la littérature érotique qui confine au malaise. Un courant qu’incarnera deux siècles plus tard Nabokov avec Lolita (1955).

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3 L’Amant de Lady Chatterley, de D.H Lawrence, 1928

Toute sa vie, à travers son œuvre poétique et charnelle, l’écrivain anglais D.H Lawrence a voulu raconter une sexualité authentique, loin des tabous et de la honte. Il a voulu célébrer l’union sacrée des êtres et des corps ; ne pas mettre sous silence le désir féminin. Et il l’a payé au prix fort. Persécuté, censuré, car considéré comme un pornographe, forcé à l’exil en France, il a continué à écrire coûte que coûte et L’Amant de Lady Chatterley, publié deux ans avant sa mort, est l’aboutissement sa noble croisade : « C’est dans ce roman que je suis allé le plus loin. Il est pour moi beau, tendre et fragile comme ce qui est nu.”

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En 1917, Constance Reid a 20 ans quand elle se marie avec Clifford Chatterley. Alors en permission, le soldat repart sur le front de la Première Guerre mondiale et est gravement blessé quelques mois plus tard. Condamné à la chaise roulante, honteux et en colère, Clifford ne peut satisfaire sa femme et lui donner un enfant. Il se renferme et repousse sa femme. Constance part alors en quête de plaisir et multiplie les amants avant de vivre une passion spirituelle et physique avec Mellors, le garde-chasse de sa demeure. D.H Lawrence se fait le porte-voix d’une double provocation.

En plus de l’adultère de Constance et des corps qui exultent sans ménagement, il raconte l’union de deux milieux qui n’ont rien à faire ensemble. La bourgeoise qui s’offre au roturier. Voilà de quoi choquer. Mais la sexualité est aussi vécue comme un retour à la nature. Constance choisit le garde-chasse, sa cabane, la forêt, parce qu’ils représentent une échappatoire à l’invasion destructrice d’un monde industriel galopant. Ou quand la littérature érotique se mue en pamphlet social.

L’Amant de Lady Chatterley a bénéficié d’une récente adaptation Netflix.

4 Histoire d’O, de Pauline Réage, 1954

Quand on est une femme dans les années 1950, l’érotisme, c’est la clandestinité. Et ça tombe bien, c’est la spécialité d’Anne Desclos, alias Dominique Aury, alias Pauline Réage. Liaisons secrètes, passions lesbiennes, amour caché avec Jean Paulhan : elle a mené une vie de femme libre, épousant sans retenue ses désirs, exerçant son pouvoir dans l’ombre. Histoire d’O, son seul roman, est une des plus belles œuvres du genre.

À sa parution en 1954, le livre défraie la chronique et divise le milieu littéraire en deux camps. François Mauriac s’indigne et le trouve à vomir, George Bataille le défend. Pauline Réage reçoit à la surprise générale le prix des Deux Magots, mais son livre est interdit aux mineurs, censuré partout. Sa renommée est faite. Au total, à ce jour, ce sont plusieurs millions d’exemplaires écoulés et des traductions dans une vingtaine de langue.

Couverture d’Histoire d’O de Pauline Réage. ©Le Livre de Poche

Jeune femme libre et indépendante, O accepte de suivre son amant dans un château situé à Roissy. Là-bas, elle devient une esclave sexuelle de son plein gré. Passant de maître en maître, dans les recoins sombres et les donjons du château, elle est soumise aux fantasmes et aux coups de fouet, elle est marquée au fer rouge, son sexe est percé avec un disque de métal portant le nom de son propriétaire… En toute conscience, elle s’enfonce dans une vie de débauche et de servitude. Conçu comme une déclaration d’amour (étonnante) à Jean Paulhan, écrit la nuit, en cachette, sans répit, ni rature, comme un rêve érotique, Histoire d’O est le roman enflammé d’une femme qui a laissé ses fantasmes la posséder et la consumer.

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5 Venus Erotica, d’Anaïs Nin, 1981

Comme un symbole, le premier livre d’Anaïs Nin, romancière française d’origine cubaine, est une étude de l’œuvre du grand romancier de l’érotisme, D.H Lawrence. Fasciné par l’exploration littéraire de l’intime, elle n’aura de cesse de se raconter sous toutes les coutures, dans une œuvre aux airs de journal de la vie d’une femme adressé aux lecteurs. Mais les débuts de l’écrivaine sont balbutiants.

À la fin des années 1940, confrontée à de graves problèmes financiers, Anaïs Nin et d’autres auteurs comme son ami Henry Miller, acceptent la commande d’un riche collectionneur qui souhaite recevoir des nouvelles érotiques écrites de la main d’écrivains reconnus. Le scandale éclate, mais la littérature reste. Malgré les obstacles, Anaïs Nin se bat et parvient, 30 ans plus tard, à faire publier un recueil de ses nouvelles, Venus Erotica, qui demeure à ce jour un des chefs-d’œuvres de la littérature érotique.

Couverture de Venus Erotica d’Anaïs Non. ©Le Livre de Poche

Évocation crue des ébats, goût pour la transgression, quête du plaisir féminin, ode à la bisexualité : tous les ingrédients sont réunis pour que ces textes à forte portée féministe malmènent le patriarcat et provoquent l’ire d’une société puritaine et corsetée. Le signe d’un roman érotique réussi.

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